En ouverture de La Dernière Vie de Simon, l’enfant fait le mur de son orphelinat pour acheter une barbe à papa dans une fête foraine… Pour cela rien de plus simple, le garçon prend l’apparence de son éducateur. Car Simon n’a pas de parents mais il a un pouvoir : il peut se glisser dans la peau des gens qu’il touche.
Dans ce premier long métrage du trentenaire Léo Karmann, pas question pour le héros de sauver le monde, Simon rêve seulement d’une famille et d’être aimé, quitte à prendre la place de quelqu’un d’autre. Rencontre avec un réalisateur qui veut lui aussi, avant tout, toucher les gens.
Rue89 Strasbourg: Quelle est l’envie à l’origine de ce premier film ?
Léo Karmann: Avec ma co-scénariste, Sabrina B. Karine, nous adorons les films grand public américains des années 1980-90 comme E.T. ou Hook de Spielberg, Edward aux mains d’argent de Tim Burton… C’était ça le moteur : écrire un film riche en émotions, qui ne te racontent pas l’histoire du mec assis à côté de toi au cinéma, mais qui te fait rire, pleurer et quand tu sors de la salle, tu te rends compte qu’au-delà de l’émotion, il peut aussi te faire réfléchir.
« Ça fait trop Spielberg » pour le distributeur
C’est un film fantastique, qui sort des genres classiques du cinéma français, est-ce que cela a posé problème pour monter le projet ?
L’idée est née il y a huit ans… On a l’habitude de dire qu’au début du projet, les acteurs du film n’était pas encore nés ! Pendant cinq ans, on a entendu : « On ne fait pas ça en France », « Faites-en une série »… Nous cumulions les handicaps pour les boites de production : un premier film, sans star, un réalisateur de moins de 30 ans, du fantastique, avec des enfants ! Jusqu’au coup de cœur du producteur Grégoire Debailly. On pensait être tiré d’affaire mais ensuite c’est le distributeur qui nous a lâchés : il a trouvé que le film « faisait trop Spielberg » ! Un beau compliment. On ne s’est pas laissé abattre et on a eu la chance d’être distribué par Jour2Fête.
Vous avez co-fondé « La Scénaristerie », une association qui met à l’honneur les scénaristes, alors qu’en France depuis la Nouvelle Vague, on porte aux nues « l’Auteur » qui écrit et réalise son film. Le scénario ici est particulièrement bien construit.
Pendant que nous cherchions une production, on a réécrit 12 versions du scénario. L’influence du cinéma américain était trop forte et pour pouvoir travailler en France, il fallait qu’on s’approprie les codes. Finalement, on a éliminé tout ce qui concernait les codes du genre pour se recentrer sur l’intimité des personnages et la quête de Simon: être aimé pour arriver à s’aimer.
Quelles étaient vos références, vos envies pour créer une atmosphère de conte?
Encore une fois E.T. et aussi Super 8 de J.J. Abrams. Avec le chef opérateur Julien Poupard, mais aussi les gens qui ont travaillé sur les décors et les costumes, j’ai cherché à déréaliser chaque scène: que l’on soit dans quelque chose de plus grand, de plus magique que la vie. La musique a été composée en amont du film par Erwann Chandon: c’est un passionné des œuvres orchestrales de John Williams (compositeur attitré de Steven Spielberg et de Georges Lucas, mais aussi d’Harry Potter, N.D.L.R.). Les comédiens avaient les thèmes musicaux dans les oreilles, un luxe pour le tournage et le montage. On partageait déjà cette émotion ensemble.
« Plus il y a de dialogues, moins vous laissez de place au spectateur »
Le film est peu dialogué, surtout lors des scènes clés, pourquoi ce parti pris ?
Plus vous mettez de choses dans les dialogues, moins vous laissez de place au spectateur. On ne voulait pas donner trop de sens mais travailler sur la cohérence des personnages à travers leur évolution scénaristique. Pour moi, cela rend le film plus universel.
D’où vient le titre, qui annonce une certaine mélancolie ?
Pour les titres, il y a deux possibilités, soit il s’impose dès le début et vous êtes tranquille, soit vous n’en avez pas et c’est l’enfer. Pour nous, c’était le deuxième cas ! On est passé par « Simon », pas assez évocateur, ou « The no one boy » , trop américain pour les producteurs. Le meilleur titre est celui de la version anglosaxone: « Simon’s Got a Gift » qui reflète le double sens du film. Avec « la Dernière Vie de Simon », il y a le prénom auquel je tenais vraiment, un côté romanesque, mais aussi mystérieux et fantastique.
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