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« Depuis vingt ans, on manque d’aide-soignant en EHPAD »

La directrice de l’EHPAD Saint-Arbogast, à Strasbourg, dénonce un manque de personnel chronique dans son établissement. Un sous-effectif qui complique la mise en place d’un véritable « lieu de vie » pour les résidents. Reportage au cours d’un repas d’anniversaire.

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« Depuis vingt ans, on manque d’aide-soignant en EHPAD »

Une bougie pour fêter ses 101 ans. Au rez-de-chaussée de l’EHPAD Saint-Arbogast, Suzanne Klementz fête son anniversaire avec une semaine d’avance. Autour de la table, trois autres résidents et trois membres du personnel nés en septembre. La directrice de l’établissement Micheline Keiling tient à cet événement mensuel. Souvent, le temps manque pour offrir un vrai « lieu de vie » avec une relation plus personnelle entre les salariés de la maison et les pensionnaires. « Ici, on a 20 postes et demi d’aides-soignants. Il nous en faudrait sept de plus », explique la responsable de cette maison de retraite gérée par l’Abrapa.

La dépendance croissante des résidents dans les maisons de retraite réclame plus d'aide-soignants (Photo GK / Rue89 Strasbourg / cc)
La dépendance croissante des résidents dans les maisons de retraite réclame plus d’aide-soignants (Photo GK / Rue89 Strasbourg / cc)

« J’ai parfois l’impression d’être à l’usine »

Dans cet EHPAD habilité à l’aide sociale, les résidents bas-rhinois payent près de 1 900 euros par mois de leur poche. L’Agence Régionale de Santé (ARS) finance le « forfait soin ». Il comprend la totalité du salaire des infirmiers, 70% du revenu des aides-soignantes et le matériel médical. Le « forfait dépendance » est à la charge du Conseil départemental, qui subventionne une partie des frais du personnel et échelonne le soutien financier selon l’état de dépendance des résidents.

Depuis 22 ans, Lorena Aravena nettoie l’établissement et aide les résidents à prendre leur repas. Dans le jargon, elle est Agente de Service Logistique. Elle est nostalgique de ses premières années de travail :

« Aujourd’hui, il faut se dépêcher pour avoir un peu de temps de dialogue avec les résidents. Le problème, c’est que si je prends 10 minutes de retard pour terminer le dîner, c’est l’aide-soignante derrière qui terminera plus tard parce qu’il faut encore changer la personne et la coucher… Il y a 20 ans, il y avait une quinzaine de personnes dépendantes ici. Aujourd’hui, sur 82 résidents, il y a peut-être quatre ou cinq personnes autonomes. Avec le manque de temps, j’ai parfois l’impression d’être à l’usine, alors que ce sont des êtres-humains… »

« Le problème, c’est la gestion de l’urgence »

À la table, Lionel Marcelle tend une cuillère à la bouche de Jean-Louis Osche, 85 ans. Pour l’infirmier, « le problème, c’est la gestion de l’urgence. » Tant bien que mal, une aide-soignante parvient à s’occuper tous les matins de 17 résidents. Il faut aider à la toilette, à l’habillage, à la prise du petit-déjeuner et observer l’état de santé des pensionnaires… Mais il suffit d’une absence, d’un résident malade, ou d’un accident, pour rompre cet équilibre précaire. La directrice se souvient de la « catastrophe » en juin : parmi les cinq infirmiers, trois arrêts-maladie et un congé.

Sur la table, la mousse de canard, le poisson puis un gâteau au chocolat se succèdent. Un repas soigné pour l’occasion. Medirest est le sous-traitant chargé de la restauration. Chaque jour, l’EHPAD paye « 9 euros et quelques » par résident pour le petit-déjeuner, le déjeuner et le dîner. « Les frais de personnel sont inclus », ajoute la directrice, qui ajoute : « Le goûter, je le prends sur le budget animation… »

Des aides-soignantes mal payées

Micheline Keiling n’a pas regardé l’enquête d’Envoyé Spécial sur un EHPAD privé dans l’Eurométropole de Strasbourg. « Ce sont toujours les mêmes images », regrette-t-elle. « Nous, ça fait vingt ans qu’on dit qu’il manque des aides-soignantes. Sur ce sujet, les gouvernement se succèdent et se ressemblent. » Pour la directrice, le sous-effectif vient aussi d’un salaire trop bas :

« Les aides-soignantes gagnent à peine plus que le SMIC. En plus, ce souvent des mères de famille. L’État doit prendre la décision de mieux les payer. »

Au cours du reportage, Micheline Keiling n’avait pas encore pris connaissance du plan du Conseil départemental du Bas-Rhin pour les EHPAD. La directrice d’EHPAD reste sur ces gardes :

« Pour l’instant, tout ce que je sais, c’est que le financement du Département pour l’année prochaine n’augmente que de 0,5% alors que nos frais pour le service de restauration vont croître de 1,5 %. C’est aussi pour ça que les salaires des aides-soignantes n’augmente pas… »


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