A l’origine de la récente mobilisation d’enseignants et d’étudiants contre l’expulsion de leurs camarades étrangers, l’interpellation dans une résidence universitaire de deux jeunes Guinéens, dont un en situation irrégulière. Les syndicats ont dénoncé, dans plusieurs communiqués, une « collaboration » ou une « complicité active du directeur du Crous (Centre régional des œuvres universitaires et scolaires) » de Strasbourg. Idem du côté de certains élus, selon lesquels Christian Chazal aurait donné son autorisation à l’intervention de la PAF (police aux frontières).
« C’est la troisième fois qu’il permet cela. Depuis avril 2011, deux autres étudiants ont également été arrêtés en cité U ou en résidence universitaire », s’énerve Pascal Maillard, professeur de Lettres, secrétaire académique du Snesup-FSU (syndicat national de l’enseignement supérieur) et élu au conseil d’administration de l’université.
« C’est totalement injuste de dire cela. Mes services n’ont jamais été prévenus de l’intervention de la PAF. D’ailleurs, ils ne sont pas tenus de me demander quoi que ce soit. Si la police veut intervenir, elle peut intervenir sans mon accord », répond Christian Chazal, directeur du Crous de Strasbourg.
Qui dit vrai?
1. Le Crous est-il soumis à ce que l’on appelle la « franchise universitaire » ?
La franchise universitaire est un statut datant du Moyen-Âge, confirmé depuis par plusieurs lois dont l’article L712-2 du code de l’éducation. On peut y lire que c’est le président de l’université, et lui seul, qui est chargé du maintien de l’ordre sur son campus.
Les forces de l’ordre ne peuvent donc pénétrer sur le territoire de l’université que sur demande du président. Les seules exceptions sont les flagrants délits, les catastrophes, ou sur réquisition du Parquet.
Ce n’est pas le cas du Crous, qui n’est pas placé sous l’autorité du président de l’université, mais sous celle d’un directeur nommé par l’Etat. C’est donc un établissement public d’Etat qui n’est pas soumis à la franchise universitaire.
2. Les forces de l’ordre peuvent-elles pénétrer dans une résidence universitaire ou une cité universitaire sans autorisation ?
Une résidence universitaire est considérée comme un espace privatif. Les forces de l’ordre peuvent donc y agir selon les règles propres à ce type d’espace, sans autorisation préalable du gérant des lieux, donc du Crous. Dans le cas de l’interpellation des deux étudiants guinéens, elles se sont présentées à la porte de l’appartement, ont frappé et on leur a ouvert. La PAF n’avait donc pas à demander l’autorisation du directeur du Crous, Christian Chazal.
Une cité universitaire est, en revanche, considérée comme un espace collectif. Selon la circulaire du 21 février 2006, relative à l’interpellation d’étrangers en situation irrégulière, il est précisé que « c’est le gestionnaire du local qui a le droit de se dire chez lui ». « Hors des cas de flagrance ou de commission rogatoire, c’est donc avec son assentiment exprès que des opérations de contrôle peuvent être menées à bien. »
La phrase peut prêter à interprétation, comme le rappelle Séverine Rudloff, avocate à Strasbourg : « Il n’est pas précisé si le gérant est, dans ce cas, le directeur du Crous ou si la simple autorisation du gérant des lieux, un concierge ou autre, suffit ».
En résumé, les forces de l’ordre interviennent comme bon leur semble dans une résidence universitaire, mais doivent avoir une autorisation pour une cité universitaire.
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