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Démocratie et numérique : « Toute consultation doit s’accompagner d’une campagne de terrain »

Alors que le Grand débat national s’installe peu à peu à Strasbourg et dans le pays, plusieurs questions se posent sur sa transparence, sur la manière dont ont été posées les questions, sur ses conséquences et même sur la récolte et l’analyse des contributions. Et c’est normal. « Le numérique peut-il sauver la démocratie » est le thème de notre table-ronde jeudi 24 janvier, avec Aurore Bimont, membre de Démocratie Ouverte et Philippe Breton, professeur de l’Université de Strasbourg.

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(Photo Mathew / FlickR / cc)

À peine lancé, le Grand débat national concentre nombre de critiques. Et une fois n’est pas coutume, laissons à Pamela Anderson le soin de préciser la principale :

Il se trouve que l’actrice à l’éternel maillot rouge tape dans le mille. Les spécialistes de la communication politique et des plateformes de consultations citoyennes (les « civic tech ») ne disent pas autre chose. Aurore Bimont, cofondatrice de Système D, l’incubateur du collectif « Démocratie Ouverte, » en fait partie et elle est l’invitée du Shadok et de Rue89 Strasbourg jeudi 24 janvier, pour une table-ronde avec Philippe Breton, professeur et politologue à l’Université de Strasbourg sur « Le numérique peut-il sauver la démocratie ? »

Rue89 Strasbourg : quels sont les risques que prend le gouvernement avec l’organisation d’un « Grand débat national » ?

Aurore Bimont : Il y a plusieurs sources d’inquiétudes. D’abord il est illusoire de vouloir organiser un « grand débat » en deux mois… Construire un échange de cette nature, ça prend du temps, beaucoup de temps parce qu’on ne mesure pas le succès d’une opération comme celle-ci au nombre de contributions mais à leur qualité. Or pour obtenir une bonne diversité parmi les participants, il faut aller les chercher là où ils sont, ce qui est chronophage. On ne peut pas se contenter d’un formulaire en ligne ! Il faut prendre en compte les avis de tous ceux qui n’utilisent pas Internet, soit par choix, soit par impossibilité de le faire. En outre, il faut expliquer les enjeux et les questions posées, personne ne peut lire des pages de texte… Donc toute consultation doit s’accompagner d’une campagne de terrain.

Est-ce que les outils numériques peuvent aider pour permettre la tenue d’un débat à l’échelle nationale ?

Démocratie Ouverte, qui est un collectif d’une centaine d’acteurs des « civic tech » en France avec comme valeurs la transparence, la participation et la collaboration des citoyens, a fait quelques propositions auprès de la Commission nationale du débat public (CNDP) en décembre. Nous avons notamment mis en exergue qu’il fallait inclure de nombreux acteurs puisque certains sont spécialistes pour aller recueillir la parole, d’autres ont des outils pour organiser des « assemblées citoyennes », etc. De nombreuses solutions existent pour permettre à des publics différents de se retrouver, de s’organiser et d’échanger.

(Photo Mathew / FlickR / cc)
(Photo Mathew / FlickR / cc)

En décembre, nous avons alerté sur le risque de ne pas laisser de place pour l’expérimentation et de tout confier à un opérateur unique. Nous avions également réclamé que le Grand débat soit mené de manière transparente et indépendante. (Le gouvernement a choisi un seul opérateur pour l’ensemble du processus, NDLR.)

Quels sont les fondamentaux à avoir en tête pour une consultation réussie ?

Une bonne consultation commence par expliquer comment elle fonctionne et quel est son but. Est-ce qu’il s’agit d’un simple brassage d’idées ou est-ce qu’une population est appelée à prendre une décision collective ? S’il y a un processus de décision, il doit être expliqué très clairement et les participants doivent avoir les moyens et le temps de faire leur choix. Et évidemment, si on a appelé à prendre une décision, il faut s’y tenir.

« Si on fait une promesse, il faut s’y tenir »

Ça a l’air évident mais nombre de consultations ont été organisées sans vraiment avoir l’intention de tenir compte de l’avis des participants… Il faut vraiment s’engager là-dessus, y compris par exemple quand les demandes exprimées gênent ou dérange des habitudes prises par les administrations.

En outre, il faut que l’ensemble du processus soit transparent, auditable, et que les données soient également accessibles, sous peine de créer une suspicion. C’est pour ça que nous militons pour que les « civic tech » ne soient pas considérées comme n’importe quel business… On ne peut pas vraiment faire de l’argent avec l’application de la démocratie. Mais là encore, le gouvernement actuel se repose sur la loi du marché.

Est-ce qu’on peut trouver une issue au mouvement des Gilets jaunes avec ces outils ?

Ce sera difficile mais je note que pour la première fois depuis des décennies, un mouvement spontané comme les Gilets jaunes accouche d’une revendication politique avec le Référendum d’initiative citoyenne (RIC). Au début, le mouvement s’est lancé sur la question des taxes puis en décembre, le thème du RIC s’est imposé assez largement auprès de nombreux collectifs locaux des Gilets jaunes. Pour moi, c’est tout de même un signe important à prendre en compte. Les gens veulent être écoutés plus fréquemment et prendre une part plus importante dans les décisions publiques.


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