« C’est un ordre du jour riche et dense », résume la maire Jeanne Barseghian (EELV). En effet, difficile de distinguer trois ou quatre points saillants, parmi les 47 qui seront soumis lundi 3 mai aux élus et élues. Les débats devraient s’étirer dans la soirée, voire déborder sur le jour suivant, après minuit.
Parmi les sujets qui devraient être retenus et susciter des débats figurent :
- Un point sur les mesures face à l’épidémie et pour le « déconfinement » : centres de vaccinations, distribution de masques aux familles les plus défavorisées, gardes d’enfants, aides au secteur culturel puis réorganisation des terrasses, campagne de communication « consommer local », futures animations dans la ville, etc.
- La gratuité des musées lors de leur réouverture le 19 mai et jusqu’au 30 juin. (point 1)
- L’argent mis pour la dimension européenne de Strasbourg, le contrat triennal, déjà débattu en février. (point 2)
- La politique de recrutement de personnels : soit 180 créations d’emplois à la Ville et 120 à l’Eurométropole d’ici 2026, après les 500 suppressions de postes lors du mandat précédent. Cette politique des ressources humaines comporte d’autres volets (formation, recrutement, égalité salariale, dialogue social, insertion, santé au travail, etc.), mais le débat devrait se focaliser sur la question, souvent idéologique et désincarnée, du personnel. La masse salariale représente environ la moitié des dépenses de fonctionnement de la municipalité. Lors du mandat précédent, l’adjoint aux Finances, Olivier Bitz (LREM) avait par exemple qualifié les dépenses de fonctionnement de « mauvaise dépense », qu’il opposait aux travaux faits lors des dépenses d’investissements. Une analyse que ne partage pas la nouvelle équipe, qui critique les « orientations d’austérité » des années passées. Les ressources humaines ayant été conduites notamment par leur opposant Alain Fontanel (LREM), un petit ton revanchard pourrait s’immiscer dans les discussions. (point 3)
- Un point sur les « suites données » à la demande de subvention à la mosquée Eyyub Sultan à la Meinau. Depuis la polémique d’ampleur nationale (lire nos articles), l’association a retiré sa demande de financement. (point 4)
- Le « Plan Piéton » : des actions jusqu’à 2030 pour favoriser la marche à pied. (point 5)
- La prolongation vers le sud du Bus à haut niveau de service (BHNS) G, entre la gare et le quartier Danube : une extension de 4 kilomètres environ et 10 stations, qui desservira le quartier Laiterie et le Nouvel hôpital civil. Une extension qui aurait dû se faire lors du mandat précédent, mais a sans cesse été repoussée par l’Eurométropole. La partie la plus délicate et en débat est l’aménagement du boulevard de Lyon et la décision d’abattre ou non les 191 arbres. (point 6)
- Acter que la foire Saint-Jean se déroulera en 2021 et 2022 au Wacken, sur le site du futur quartier Archipel 2. Cet événement festif et estival cherche toujours un site pérenne. (point 8)
- Les pistes d’actions pour la lutte contre les rats et punaises de lits : le sujet a fait l’objet d’un travail approfondi de plusieurs mois avec des élus de la majorité et de l’opposition. (point 16)
- La protection fonctionnelle demandée par Jeanne Barseghian : la maire invoque les « injures, menaces, outrages et diffamations tant par des courriers qui lui sont adressés que sur les réseaux sociaux », depuis le 22 mars et l’adoption de la délibération de principe à une subvention pour la mosquée Eyyub Sultan. Les élus doivent voter cette protection possible pour chacun et chacune des 65 conseillers municipaux. (point 24)
Cinq interpellations, deux résolutions, quatre motions
Mais surtout les prolongations pourraient durer plus longtemps que les points votés, avec au moins 11 points supplémentaires. On compte d’abord cinq « interpellations », toutes du groupe d’opposition LREM et ses alliés. Les sujets sont divers : Europe, commentaires de propos rapportés, critères d’aides aux associations ou urbanisme.
Puis ce sera au tour des « résolutions ». Comme lors de chaque séance depuis le mois de janvier, c’est l’opposant Pierre Jakubowicz (Agir) qui s’essaye à l’exercice. Il soumet à nouveau sa proposition rejetée en janvier d’une « commission sur le débat public. » Il l’a déjà présentée aux Strasbourgeois impliqués dans la démocratie locale (lire ici) comme cela lui avait été demandé. Il demande également que la très officielle Commission nationale du débat public (CNDP) soit saisie comme garant du bon déroulé de la concertation sur la Zone à Faible Émissions (ZFE), comme cela avait par exemple été fait en 2019 pour la rénovation du stade de la Meinau.
Enfin, la séance se terminera par les motions, c’est-à-dire des prises de position symboliques. D’habitude, il s’agit de sujets consensuels, mais ces sujets ont tendance à se politiser et mener au clash. L’opposition LREM propose un texte sur la défense des personnes LGBTI+, calqué sur celui adopté par l’Union européenne en réponse aux dernières lois votées en Pologne contre les minorités sexuelles.
Mais la petite surprise, c’est que Jeanne Barseghian semble s’être prise au jeu de ces « ordres du jour bis », puisqu’elle propose elle-même deux textes : le premier, qui devrait faire consensus, concerne le soutien au lancement à Strasbourg le 9 mai d’une conférence sur « l’avenir de l’Europe ».
De nouveaux débats sur la définition de l’antisémitisme
Le second, est un nouveau texte sur l’engagement contre l’antisémitisme, après celui voté fin août. La majorité a déjà refusé d’adopter une récente définition, « opérationnelle », mais « non contraignante », proposée par l’Alliance internationale pour la mémoire de l’Holocauste (IHRA) de l’antisémitisme. Ce texte, soutenu par les autorités israéliennes, fait débat dans le monde et même au sein de la majorité présidentielle lors de son vote par l’Assemblée nationale en 2019. La controverse vient de 7 des 11 exemples fournis par l’IHRA, notamment celui qui considère comme antisémite, « le traitement inégalitaire de l’État d’Israël, à qui l’on demande d’adopter des comportements qui ne sont ni attendus ni exigés de tout autre État démocratique ». (lire le texte et les exemples ici).
La municipalité voit là un glissement vers la critique simple du gouvernement israélien qui deviendrait répréhensible et une potentielle mise en difficulté d’organisations qui interviennent en Palestine. Les oppositions au contraire voient dans l’attitude des écologistes une forme « d’ambiguïté » et une négation d’une nouvelle forme de discrimination envers les Juifs et Juives. Ils insistent sur cette divergence dans leurs communications respective, notamment à destination de la communauté juive strasbourgeoise. La maire espère sortir de cette mise en cause avec un texte qui convient à sa majorité comme son opposition. Vendredi, trois textes différents étaient soumis : l’un par les écologistes, un autre par le Parti socialiste et un dernier par les groupes LREM et LR. Les trois moutures ont fait l’objet de négociations dans le week-end. Pourront-elles converger pour arriver à un texte unanime ? La nuance est difficile sur ce sujet sensible et le sigle IHRA semble être devenu un totem de part et d’autres.
La religion est un sujet sur lequel les oppositions ont mis en difficulté les écologistes. Mais cette fois-ci, ils sont un peu plus préparés, les arguments étant connus. Notons que la question religieuse sera abordée à deux reprises. Avec le point sur la mosquée Eyyub Sultan en début de séance et de manière plus discrète, avec la dotation aux écoles privées, parfois confessionnelles. Les forfaits versés (point 43) à 16 écoles privées de Strasbourg atteignent un total d’environ 2,5 millions d’euros. Cela représente 675€ par élève en école élémentaire et 1 348€ en maternelle pour les 12 écoles sous contrat d’association, 554€ euros par élève en école élémentaire et 1 019€ en maternelle pour les quatre écoles sous contrat simple.
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