David (à sa demande, le prénom a été modifié), étudiant ingénieur dans le BTP de 26 ans, va voter pour un parti dont le meilleur score à ce jour s’élève à 3,22%, dans un canton lors des élections départementales de 2015 et qui a cumulé 0,87% des voix aux élections régionales : l’Union populaire républicaine (UPR).
Un ami d’enfance l’a sensibilisé aux thèses de ce parti qui se présente comme celui « qui monte malgré le silence des médias » :
« Il m’a envoyé un article de l’UPR sur comment les Américains ont dégagé le constructeur automobile français PSA (Peugeot-Citroën) d’Iran. Puis j’ai regardé les longues conférences sur Youtube de François Asselineau. J’y ai trouvé une grille de lecture nouvelle. »
François Asselineau est sûrement le candidat le moins connu de l’élection présidentielle. Son parti prône un retrait immédiat et unilatéral de l’Union européenne, de l’euro et de l’OTAN, qui selon lui brident toute politique nationale affirmée.
De Mélenchon à Asselineau
Pour David, ce sont clairement les positions sur l’indépendance diplomatique et militaire du parti qui guident son vote :
« On ne vote plus que pour un président, mais pour quelqu’un qui fera avec les contraintes qui lui sont données. »
D’ailleurs les questions nationales sociétales sont moins mises en avant par l’UPR. La plupart sont remisées à des référendum, par exemple sur l’accueil de réfugiés et de migrants. Si cette manière d’éluder le « dérange un peu », ce sont surtout les explications à cette crise, à savoir « la déstabilisation russo-américaine du Moyen-Orient » fournies par de l’UPR qui l’ont intéressé.
Quelques mois avant la découverte de l’UPR, David vote pour sa première élection présidentielle en 2012, pour Jean-Luc Mélenchon (Front de gauche) :
« J’ai toujours de la sympathie pour l’homme, notamment pour ses positions sur la question écologique qui est un grand thème d’aujourd’hui mais pas de l’élection. Parfois, ses propos se retrouvent avec ceux de l’UPR sur le dumping social et fiscal en Europe. Mais en même temps, il est flou. Il dit vouloir renégocier les traités ou en sortir, mais jamais dire “quitter de l’Union européenne”, comme si c’était un gros mot. »
Débats compliqués à la maison
Un premier vote qui ne s’explique pas par ses racines familiales. Ses parents s’apprêtent à voter pour Emmanuel Macron (En Marche) :
« Ils suivent de près la politique sans être encartés. Leur vote est flottant, parfois à gauche, parfois à droite, mais souvent contre quelqu’un, plutôt que pour un candidat. Cette année, ils vont voter pour Emmanuel Macron dont ils sont assez proches idéologiquement, même s’ils bloquent un peu sur le personnage. »
À la maison, les débats sur la question européenne ne se sont pas toujours bien passés. Des divergences profondes, qu’il associe à conflit générationnel :
« La construction européenne n’a pas offert ce qu’elle a promis pour les jeunes aujourd’hui. Mais pour mes parents, c’est tabou. Il y a un aspect presque religieux sur son bien-fondé qu’on ne discute pas. »
Lui-même le reconnait, il n’assume pas ses positions en public, « trop longues à développer » et souvent assimilées aux thèses de l’extrême-droite et du rejet des étrangers : « pour l’aborder, il faut que je sois sûr d’avoir le temps et que l’interlocuteur est à l’écoute. »
Avec la candidature d’Asselineau et un temps de parole garanti dans les médias, il espère désormais avoir un débat « serein » sur l’Union européenne :
« Le regard commence un peu à changer avec le vote au Royaume-Uni pour le sortie de l’UE. Il est temps d’avoir un débat en profondeur, d’en faire le bilan. La question est toujours ramenée à des arguments xénophobes alors que l’immigration est un non-sujet à l’UPR. Lors de la campagne britannique, j’avais été intéressé par un texte d’économistes libre-échangistes qui se placent pour le Brexit car l’Union européenne empêche de signer des traités ou au contraire fait passer des choses qu’on n’accepterait pas si la France négociait seule. »
Tout n’est pas à jeter
Mais son candidat favori a tout même bien peu de chance d’être au second tour. Se sent-il proche Marine Le Pen ou de Nicolas Dupont-Aignan qui expriment aussi leurs vives critiques sur l’institution européenne ? Pas du tout. D’une part « ils disent tout et leur contraire » et surtout cela ne correspond pas à ses convictions premières. Comme ses parents, il pense voter au deuxième tour « contre » quelqu’un, à savoir Marine Le Pen ou François Fillon, et donc pour un candidat très éloigné des velléités de « Frexit » portées par l’UPR :
« J’aime autant un Emmanuel Macron qui au moins assume ses positions européennes que quelqu’un comme Marine Le Pen qui salit l’idée de souveraineté de la nation, qui historiquement est plutôt à gauche. »
Si l’UPR est un choix radicalement opposé des politiques des partis de gouvernement, David n’est pas en rupture totale, pas le genre à porter des thèses flirtant avec le complotisme ou à estimer que tout est à rejeter dans « le système » :
« Les plans industriels de Montebourg, et on l’a vu dans le monde du bâtiment que je connais un peu, cela reste quelque chose de positif et de concret du quinquennat. »
Mais pour autant, pas question de faire confiance au Parti Socialiste.
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