Schizophrénie du troupeau
Le rideau se lève sur Dolly, une création de l’actuel directeur artistique du Ballet de l’ONR, Ivan Cavallari. Née de l’écoute bouleversée du Concerto pour piano n°2 de Prokofiev, elle nous raconte une histoire de clonage, d’où son titre. Un couple d’abord entremêle ses deux corps dans une fluidité toute sensuelle et dans des portés délicats. Peu à peu pourtant, la chorégraphie se fait anguleuse, le couple devient un duo en miroir… jusqu’à l’irruption du clonage, qui réserve quelques surprises pleines d’ironie. Ici, la folie est éthique, thématique et investit avec habileté le thème du double.
Vitamines et testostérone
Changement d’œuvre, changement de ton. Avec The Him, de Yuval Pick, place au Cold Rock du groupe New Order et à une équipe de sport. Avec cette pièce pour six danseurs fait irruption une bande de potes qui chahute. A deux, trois, quatre, les groupes se font et se défont. On fait le malin, on se cherche, on s’asticote, dans un ensemble qui évoque moins une chorégraphie suivie qu’une succession de saynètes entre amitié et combats de coq, le tout porté par une belle énergie virile. La folie est maintenant celle du jeu, de l’emprise des uns sur les autres. Folie du mouvement aussi.
Sacrées mamies
Après l’entracte, le public découvre, avec le Boléro de Stephan Thoss, un décor plus travaillé. Nous sommes dans le salon d’une vieille dame qui attend ses copines pour prendre le thé. Les voilà qui arrivent peu à peu… Engoncées dans leur tailleur, elles ont l’air rigide, maniaque, coincé. Il suffit pourtant d’un vinyle, le célébrissime Boléro de Ravel, pour que tout bascule et que l’on entre de plain pied dans un irrésistible burlesque. Et une chorégraphie de vieilles dames n’a rien de banal! Si la musique adoucit les mœurs, il semble qu’elle assouplit également les articulations douloureuses. Mais chut! En dire davantage serait gâcher le plaisir.
Hallucinations
Avec Sweet, sweet, sweet, chorégraphie de Marco Goecke, la folie devient celle du rêve. A commencer par le décor, aussi simple que saisissant: une mer de ballons noirs recouvre toute la scène. C’est au milieu de ces sphères aériennes qu’évoluent les quatorze danseurs, provoquant à chaque mouvement une ondulation de la marée noire. La folie, ici, est celle de l’enfance, de ses mouvements désordonnés, de ses jeux de mains-jeux de vilains. Elle est aussi dans le choix de la bande son, constituée en grande partie de chants sacrés tibétains. Comme dans un rêve, les danseurs s’ébattent au milieu des incantations et d’un champ de bulles qui donne envie d’y plonger. Vision onirique qui clôt le voyage avec dynamisme et mystère.
En un mot, ce menu aux quatre saveurs est ce qu’il fallait pour accueillir le printemps avec fraîcheur, poésie et fantaisie. Après 2h20, on en redemande.
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