Jeudi 22 février, les dirigeants du Crédit Mutuel CM11 (la fédération qui regroupe les caisses affiliées au Crédit Mutuel Centre-Est Europe) n’avaient pas assez de qualificatifs pour évoquer la solidité, la robustesse, l’excellence, l’efficience et la rentabilité de leur groupe mutualiste de banque et d’assurances. Après un marathon de chiffres positifs et parfois vertigineux (voir notre article), les dirigeants ont évoqué le « pôle presse. » Et là, changement d’ambiance : le pôle presse perd chaque année entre 40 et 50 millions d’euros, pour un chiffre d’affaires de 700 millions d’euros, en baisse.
Président du groupe Crédit Mutuel CM11, Nicolas Théry, a indiqué :
« Bon, il se trouve que les journaux régionaux sont dans le groupe, c’est comme ça (voir nos articles). Nous avons longuement discuté au comité de direction pour savoir quoi faire de ces neufs titres de presse (dont les DNA et L’Alsace, ndlr) et après un audit complet mené par Philippe Carli, nous avons décidé de les garder parce que nous avons la conviction qu’après une restructuration, ce pôle peut retrouver une rentabilité. Donc nous assumons désormais avoir un pôle presse au sein du groupe et pour que le message soit bien clair, nous avons nommé Philippe Carli directeur général de ce pôle et il a intégré le comité de direction du Crédit Mutuel. »
Pour Philippe Carli et Nicolas Théry, ce pôle presse peut retrouver une rentabilité en 2020. Et c’est promis, si le Crédit Mutuel se donne tout ce mal, ce n’est pas pour revendre ensuite ce pôle presse. Au contraire, il n’est pas exclu que ce pôle trouve quelque utilité finalement dans le cadre de la stratégie de diversification du groupe bancaire vers les services de proximité (voir notre article). Après tout, un journal local est aussi un service de proximité… Au pire, ils pourront servir à en faire la promotion.
La part des revenus du numérique : 3%
Directeur général de ce pôle presse (qui s’appelle toujours Ebra, faute de mieux), Philippe Carli, a précisé :
« Sur les neuf titres, les revenus du numérique représentent moins de 3% du chiffre d’affaires. Nous souhaitons tripler ces revenus et compte-tenu de là où on part, ça ne nous paraît pas impossible. En outre, il y a des pôles d’excellence un peu partout dans le groupe, sur certains métiers. Notre objectif est donc de diffuser les bonnes pratiques à l’échelle des neuf titres. La puissance de la mutualisation n’a pas encore été réellement mise en oeuvre dans ce groupe. »
Sur le plan éditorial, les journaux vont progressivement passer au « digital first », c’est à dire que les journalistes devront donner la priorité aux formats numériques (web, mobile…) et que le journal imprimé devra s’adapter (voir notre précédent article). L’objectif est d’enrayer la baisse de la diffusion imprimée par une croissance de l’audience sur les formats numériques. Mais il faudra mener une petite révolution des pratiques et des rythmes dans des entreprises déjà usées par les plans de modernisation successifs.
Pas de garanties sur l’indépendance
Le Crédit Mutuel étant un important acteur économique dans l’Est de la France, la banque mutualiste prêtant à de nombreuses entreprises et collectivités locales, des questions se posent sur l’indépendance des titres, dont la zone de diffusion coïncide avec la zone de chalandise du Crédit Mutuel Centre-Est Europe. Là dessus, Nicolas Théry promet :
« Je n’ai jamais passé un coup de fil à un rédacteur en chef et je ne le ferai jamais. »
Une pudeur qui a même empêché Philippe Carli de demander à ses journaux d’évoquer le plan de restructuration dont il a la charge dans leurs colonnes… Pour autant, les deux dirigeants ont refusé d’installer des systèmes pour garantir l’étanchéité entre les hiérarchies éditoriales et managériales, comme au Monde par exemple. Résultat, même si les journalistes des DNA ou de L’Alsace ne craignent pas un coup de fil de Nicolas Théry, un soupçon peut s’installer parmi les lecteurs à chaque fois qu’il est question du Crédit Mutuel dans l’actualité…
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