Au Carrefour City du Schluthfeld, à Strasbourg, les salariés rangent les nouveaux arrivages dans les rayons. En cette matinée du jeudi 19 mars, équipés de gants et de masques, ils faufilent les chariots et les tire-palettes entre les clients et les étalages quasiment vides de pâtes, de bières et d’eau.
Le commerce de proximité a été pris d’assaut après le discours d’Emmanuel Macron du jeudi 12 mars, annonçant la fermeture des écoles, collèges et universités, pour contrer l’épidémie de coronavirus. « On rattrape ce que les clients ont eux-mêmes généré », explique Yannick Simon, gérant du magasin. Il détaille :
« Les ruptures de stock dans les rayons sont liées à la soudaine surconsommation de ces derniers jours. On s’y attendait. Donc on a repassé des commandes auprès de notre entrepôt, qui assure que nous serons toujours approvisionnés. C’est juste une question de jours avant que les stocks reviennent à la normale. »
Deux à trois jours pour un retour en rayon
En moyenne, il faut deux à trois jours pour qu’une famille de produits soit de retour en rayons. Désormais, le camion qui livre ce commerce de proximité fait trois tournées au lieu d’une, pour pallier les manques. Même son de cloche du côté de Auchan, à Illkirch-Graffenstaden, où le directeur, Frédéric Agaud a constaté plus de 300% d’achats pour certains types de produits comme les pâtes :
« La chaîne logistique n’a pas pu temporairement suivre cette évolution extrêmement forte. Mais les choses rentrent progressivement dans l’ordre. Si chacun achète selon ses besoins réels habituels et sans chercher à stocker pour la prochaine décennie, il n’y a aucun risque de pénurie. »
Objectif : rassurer les clients
La multiplication des photos et vidéos publiées sur les réseaux sociaux montrant des rayons vides a suscité l’inquiétude de certains clients. Les enseignes cherchent désormais à rassurer, pour éviter les ruées dans les rayons. Lundi 16 mars, le Super U de Wolfisheim a publié sur sa page Facebook un message et des photos d’employés qui travaillent la nuit à remplir les rayons.
Dès le dimanche 15 mars, le ministre de l’Économie Bruno Le Maire a lui aussi assuré que la filière agro-alimentaire était mobilisée pour qu’il n’y ait pas de rupture dans la chaîne d’approvisionnement :
#CORONAVIRUS #COVID19 | Il n’y a pas de risque de pénurie alimentaire
— Ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation (@Agri_Gouv) March 17, 2020
✅ Les commerces alimentaires restent ouverts
✅ L’approvisionnement est garanti
✅ Les règles du travail de nuit sont assouplies dans les magasins alimentaires
+ d’informations ???? https://t.co/uTXDayKH5J pic.twitter.com/Rr4PalkmeQ
Des mesures de restrictions et de la pédagogie
Pour tenter de garantir la disponibilité des produits, certaines enseignes limitent les quantités d’achats par client. Au Carrefour City du Schluthfeld, Yannick Simon explique qu’il ne voulait pas voir son magasin dévalisé :
« Les clients sont limités à deux paquets de pâtes chacun et environ trois paquets de papier-toilettes. Il faut que le plus grand nombre de personnes ait accès à tous les produits. Plus de 90% d’entre eux l’ont compris, le respectent et s’y plient… »
Un « appel au civisme de tous »
« Nous faisons appel au civisme de tous », appuie Frédéric Agaud. Dans le supermarché du Baggersee, pas de restrictions mais une tentative de pédagogie auprès des clients, « pas toujours avec succès, il faut le reconnaître. » Difficile pour les enseignes d’interdire aux clients qui souhaitent acheter de grandes quantités, abonde Saïd Bindou, directeur général de la Scapalsace, qui gère les achats et la logistique des magasins Leclerc dans le Grand Est :
« Il faudrait demander aux hôtes et hôtesses de caisse de jouer un rôle de policier, c’est impossible. Quand un petit commerçant ou un détaillant arrive avec des chariots remplis, c’est plus facile de couper court. C’est beaucoup plus compliqué pour les particuliers. »
Des équipements élaborés dans l’urgence
Outre le souci du stock, les enseignes font aussi face au défi sanitaire. Face au risque de contamination du Covid 19, la direction du Auchan Baggersee a mis en place un système d’alternance en fermant une caisse sur deux. Le client dépose ses courses sur le tapis roulant, puis passe dans le couloir de l’autre caisse pour se tenir le plus loin possible de l’employée. Au sol, un marquage indique la distance d’1m50 à tenir entre chaque personne.
Les hôtesses de caisses sont séparées des clients par des morceaux de nappes en plastique, soutenus par des tuteurs de jardinage. Un système élaboré dans l’urgence et pour lequel le magasin a dû puiser dans ses propres stocks. « Nous n’avions pas assez de plaque de plexiglas », explique Bilal Guerram, responsable de la sécurité.
Depuis la mise en place du confinement, le supermarché a vu ses commandes en livraison et en drive augmenter de plus de 150%. « Nous garantissons également la présence d’un nombre limité de clients à un instant T dans le magasin afin de pouvoir faire ses courses en toute sérénité, sans risque de trop grande promiscuité avec les autres clients », assure Frédéric Agaud. La surface de 14 000 mètres carrés du magasin facilite les évitements…
« On est un peu les oubliés du confinement en terme de sécurité »
C’est moins évident du côté du du Carrefour City, à Schluthfeld. Dans le commerce de proximité, Yannick Simon a mis en place les affichages obligatoires rappelant les consignes de sécurité, ainsi qu’un marquage au sol. Mais il pointe un manque de matériel pour sa quinzaine d’employés :
« On a le strict minimum. Les équipements qu’on avait : masques et gants, ont été réquisitionnés par l’État. Il joue son rôle, mais bon… On a la chance d’être un commerce de proximité et d’entretenir un lien avec nos clients. L’un d’entre eux est venu nous donner 20 masques. On a eu cette chance-là. »
Un peu blasé, il ajoute : « On est un peu les oubliés du confinement, en terme de sécurité ».
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