Depuis six mois, la Laiterie annule, reporte, rembourse. L’équipe des programmateurs, mue par un optimisme qui force le respect, reprogramme tout : à l’automne ça ira mieux, en hiver peut-être ? C’est sûr, au printemps on y verra plus clair.
Sauf que le coronavirus est toujours là et que les mesures sanitaires empêchent la réouverture des salles de concerts et des boites de nuit. Étonnamment, les salles de spectacles peuvent ouvrir, à condition de respecter quelques règles de distanciation.
Pour la Laiterie, il est vite devenu clair que si la salle ne voulait pas disparaître dans les limbes du coronavirus, elle devait se transformer en salle de spectacles. Cette semaine, des rangées de chaises ont fait leur apparition, en lieu et place de la fosse et des gradins.
Évidemment, plus question d’accueillir 870 personnes les jours de grande date. Cette configuration permet l’installation d’environ 150 personnes, à bonne distance les unes des autres. Directeur artistique de la Laiterie, Thierry Danet préfère se concentrer sur les aspects positifs :
« Il est devenu évident après six mois qu’on touchait désormais à l’essence même de notre métier. Notre raison d’être, c’est de programmer des concerts. Si on ne le fait plus, on ne sert plus à rien et si nous disparaissons, tout s’écroule avec nous : musiciens, techniciens, prestataires… C’est pourquoi nous maintenons “une” programmation, nous proposerons des concerts quoi qu’il advienne. »
Sur 60 concerts programmés entre mars et septembre, 50 ont été reportés, certains plusieurs fois. Une dizaine de concerts, souvent des artistes américains, n’ont pu qu’être annulés. Thierry Danet décrit une ambiance crépusculaire dans l’équipe de la Laiterie :
« Faut voir qu’on est baladés de semaine en semaine, les mesures sanitaires changent constamment et bien souvent, on n’a aucune réponse claire sur ce qu’il est possible de faire ou pas. On n’a pas toujours de réponse à donner aux artistes, qui attendent parfois jusqu’au dernier moment pour accepter une annulation ou un report. En outre, reporter une date génère beaucoup de travail… Au final, on bosse comme des malades et il ne se passe rien. On ne pouvait plus continuer comme ça. »
Une année à moitié
La Laiterie est financée à 75% par ses recettes et à 25% par les subventions de la Ville et de l’État. Aucun des 13 salariés d’Artefacts n’a été licencié mais tous les techniciens, l’accueil et le bar ont été placés en chômage partiel. Thierry Danet s’attend à des recettes en 2020 correspondant à la moitié de celles d’une année normale (3,1 million d’euros en 2019).
« Évidemment, à 150 personnes en salle, l’économie des concerts est intenable. Le coût d’exploitation ramené à chaque date explose. Mais tant pis, on rediscute les cachets et on fera les comptes après. Plusieurs artistes, après un temps d’hésitation, acceptent ces conditions et proposent un spectacle adapté. Certains, comme Chapelier Fou, acceptent de jouer deux concerts à la suite… »
Par cette programmation à bout de bras, la Laiterie contribue à maintenir des tournées en France ou en Europe, et un semblant d’activité dans toute la chaîne économique des concerts. Thierry Danet est particulièrement heureux d’avoir pu redémarrer la plate-forme de soutien dont bénéficient une cinquantaine de groupes locaux :
« On fait de la musique quand même, c’est un milieu délicat. Si tout s’arrête pendant six mois ou plus, des compétences se perdent, des groupes disparaissent… Les dégâts peuvent être beaucoup plus importants que la perte financière de quelques dates annulées. »
La Laiterie maintient également ses résidences et ses projets de créations, dont un avec Rodolphe Burger.
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