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« Je ne pouvais pas me taire » : contre l’extrême droite, des pasteures alsaciennes s’engagent

Face au risque de victoire du Rassemblement national lors des élections législatives, plusieurs pasteures de l’Union des Églises protestantes d’Alsace et de Lorraine se mobilisent pendant la campagne.

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« Je ne pouvais pas me taire » : contre l’extrême droite, des pasteures alsaciennes s’engagent
Plusieurs pasteures se sont mobilisées lors du rassemblement contre l’extrême droite en réponse à l’appel lancé par SOS Homophobie, samedi 22 juin.

Leur arrivée en robe pastorale lors du rassemblement contre l’extrême droite a attiré les regards sur la place Kléber, samedi 22 juin. Une dizaine de pasteures de l’Union des Églises protestantes d’Alsace et de Lorraine (Uepal), pancartes à la main, ont pris la parole contre les dangers d’une victoire de l’extrême droite pour les minorités.

« En 2002, nous sommes sorties de notre salle de cours de théologie pour manifester contre Jean-Marie Le Pen et le FN. Aujourd’hui, on sort de nos paroisses et de nos églises pour lutter contre Jordan Bardella et le RN. C’est le même risque, voir même plus grave aujourd’hui. »

Barbara, pasteure en Alsace

La mobilisation du 22 juin était inédite pour Marianne Renaud, pasteure strasbourgeoise responsable de l’accompagnement de la jeunesse à l’Uepal  :

« La victoire du RN aux élections européennes a fait naître une réflexion au sein des Églises protestantes sur notre engagement. En tant que pasteure, je ne pouvais pas me taire. Je n’avais pas du tout d’expérience de manifestation, ce n’est pas commun d’être en robe pastorale dans l’espace public. Ç’a été une vraie découverte. »

Marianne Renaud, pasteure à Strasbourg

Après les résultats, Marianne Renaud a commencé son engagement par la création d’un espace de parole ouvert à toutes les personnes touchées par l’extrême droite. À ses côtés place Kléber se tient Clémence Sauty, co-présidente de l’Antenne inclusive de la paroisse Saint-Guillaume. Le groupe milite pour l’inclusion des personnes LGBTQIA dans le milieu religieux.

Selon elle, c’est grâce à l’organisation entre pasteures et personnes queer de l’Église protestante qu’elles ont pu aller manifester :

« En tant que personne queer et croyante, j’ai l’habitude de susciter de la peur chez les gens. Certains croyants sont épouvantés par notre existence et certains militants LGBT ne voient que la Manif pour tous derrière la religion. La mobilisation des pasteurs a une portée très symbolique. Je n’avais jamais vu autant de sourires lors de notre arrivée ensemble place Kléber. C’était très fort. »

Clémence Sauty, co-présidente de l’Antenne inclusive, de la paroisse Saint Guillaume.

Des pasteures directement touchées en cas de victoire du RN

Après son engagement explicite contre le RN, Marianne Renaud a senti de la confusion naître chez certains paroissiens :

« J’ai entendu qu’un ou une pasteure devait « prôner la neutralité politique ». On ne peut pas nous dire « vous êtes pasteures donc taisez-vous », nous restons des citoyennes et des êtres humains avant tout. Les gens oublient qu’en tant que pasteure, nous avons une conviction spirituelle qui nous engage de fait à défendre l’amour. Et l’amour se traduit par des actes avant tout. On est donc obligées d’agir dans le champ politique »

Au sein même de l’Uepal, plusieurs pasteurs risquent d’être directement touchés par la mise en place d’une politique d’extrême droite, notamment les pasteurs binationaux. C’est le cas de Léa Langenbeck, franco-allemande et pasteure-aumonier à Bischwiller.

Dans son village, le candidat du Rassemblement national a obtenu 38,4% des voix au premier tour des élections législatives. Elle attend une prise de position plus claire de l’Uepal sur le sujet :

« En Allemagne, la mémoire des agissements de l’Église protestante pendant le IIIe Reich est très ancrée. À l’époque, la résistance au nazisme avait été trop tardive, ce qui a conduit à la collaboration. Cette période a vraiment marqué les gens. Aujourd’hui, les pasteurs engagés contre l’Alternative pour l’Allemagne (Afd) sont soutenus par la hiérarchie ecclésiale. J’espère que l’Uepal prendra position aussi clairement.

Léa Langenbeck, pasteure-aumonier à Bischwiller.

Dans un premier communiqué, paru après la dissolution de l’Assemblée nationale le 9 juin, le Conseil de l’Uepal a pointé du doigt « les positions extrémistes » qu’il décrit comme « un piège ». Il a aussi rappelé « l’attachement des protestants à la démocratie participative, à la place des corps intermédiaires et au respect de tous les acteurs de la société ». Pour le vote du second tour, ce même Conseil a appelé à « voter en conscience » et à « se battre pour la justice, la solidarité et la paix au service de toutes et tous ».

Si pour le moment aucune nouvelle action n’est prévue par le groupe de pasteures, plusieurs rencontres autour du lien entre politique et protestantisme devraient être organisées au sein de l’Uepal, à la rentrée en septembre, pour prolonger la réflexion.


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