Dure vie que celle d’élu local de droite. En août, la plupart d’entre eux se félicitaient de la nomination de Michel Barnier (LR) à Matignon, louant sa stature d’homme d’État et son sens du dialogue. Lorsque ce même Premier ministre demande quelques semaines plus tard de récupérer 5 milliards d’euros auprès des collectivités au nom d’une réduction du déficit public, l’enthousiasme baisse d’un cran.
Localement, cet effort pourrait se chiffrer à 9 millions d’euros pour Strasbourg et 14,6 millions pour l’Eurométropole selon les premières estimations. Ces montants sont encore susceptibles d’évoluer puisque les débats à l’Assemblée nationale entourant l’adoption du projet de loi de finances 2025 sont encore en cours. Dans les travées de l’hémicycle strasbourgeois, les « barniéristes » ne se bousculeront pas pour défendre les pertes.
Heureux hasard du calendrier, une décision modificative sera à l’ordre du jour du conseil municipal, ce lundi 4 novembre. Par le truchement de cette délibération, qui porte sur des ajustements plutôt mineurs, l’exécutif veut saisir l’opportunité de dresser un réquisitoire contre la politique austéritaire du gouvernement Barnier et renvoyer l’opposition de droite à ses positions.
Budget 2025 en berne
Médiatiquement, on parle essentiellement du budget d’une collectivité à deux moments clefs : le débat d’orientation budgétaire en début d’année, puis le vote du budget dans les semaines qui suivent. Pourtant la préparation du budget 2025 commence bien en deçà, et les déclarations de Michel Barnier pèsent dans déjà les prévisions.
« Même si le montant précis de la somme que la Ville devra payer reste inconnu, on commence à travailler sur le sujet », confirme Syamak Agha Babaei, le premier adjoint en charge des Finances. Dès l’été, une lettre de cadrage budgétaire est envoyée aux chefs de service pour leur donner les grandes orientations budgétaires. Les chefs de service, en lien avec leur élu de référence, doivent ensuite présenter leurs prévisions budgétaires à la direction des finances. S’ensuit une période d’échange avec la direction des finances, jusqu’à la finalisation du budget et son vote.
« On peut se dire que les sommes évoquées ne sont pas énormes, mais il faut avoir en tête que les budgets des collectivités sont hyper contraints », reprend Syamak Agha Babaei. « La moitié des dépenses, c’est le personnel. Pour le reste, il y a une grande part de dépenses obligatoires, comme le périscolaire ou les cantines. On n’arrête pas ça du jour au lendemain. »
Charge contre l’austérité
Quels services risqueront d’être les plus touchés ? « Pour l’instant, on est encore loin de le savoir », rejette Ségolène Tavel, co-directrice du cabinet de la maire Jeanne Barseghian (Les Écologistes) :
« Ce sont des choix qui ne sont pas faciles, il faut que les montants soient certains pour qu’on en discute. Pour l’instant, on est dans la phase où l’on fait du lobbying, où l’on se bat, pour que la facture soit la moins salée possible. Les choix politiques viendront dans un second temps. »
La phase de « lobbying », Jeanne Barseghian l’a vite entamée : dans les colonnes de Médiapart, elle évoque des « sacrifices budgétaires énormes » et se refuse à « sabrer dans les services publics du quotidien ». Au micro de France Bleu Alsace, elle fustige une demande « inacceptable et profondément injuste ».
L’exécutif compte bien profiter du conseil municipal pour remettre le sujet au cœur des débats, confirme Syamak Agha Babaei, qui souhaite rendre l’opposition comptable :
« Il y a une responsabilité de la macronie et des Républicains dans la situation budgétaire du pays. Il y aussi une responsabilité de François Hollande, dont on se rappelle du CICE, un soutien aux entreprises qui avait coûté très cher […]. En parallèle, depuis plusieurs années, il y a une tendance à réduire l’autonomie des collectivités, à diminuer leurs moyens financiers et fiscaux. On arrive dans cette situation, où l’on ne peut plus rien faire tant nos budgets sont réduits. »
Critique en sérieux budgétaire
Dans les rangs de l’opposition, on ne se bouscule pas pour défendre les coupes budgétaires annoncées, ou même le gouvernement de Michel Barnier. « Moi je me sens libre, parce que je considère qu’on n’est liés que par les campagnes qu’on mène », se défend Pierre Jakubowicz (Horizons), avec philosophie. « Il n’est pas illogique de penser que lors d’une sortie de crise, chacun contribue. Ce que je n’accepte pas, c’est la manière brutale de demander ces contributions. Décréter qu’on attend des milliards, ce n’est pas la méthode ».
L’élu d’opposition n’exclut pas de soutenir la maire, à condition que cette dernière fasse acte de contrition ; il réclame notamment plus de « transparence » et moins de « dépenses gadgets, comme les brumisateurs ». « On est tous prêts à se mobiliser pour soutenir la maire, pour que Strasbourg soit épargnée, mais il faut qu’elle accepte des discussions avec l’ensemble des groupes sur une gestion responsable des deniers publics. »
Si le président du groupe LR à Strasbourg, Jean-Philippe Vetter, prend aussi ses distances avec les demandes du gouvernement, il renvoie la balle aux partis de gauche : « On ne peut pas croire une seconde que si le NFP avait été au pouvoir avec Lucie Castets, nous aurions été dans une situation moins grave. »
Après ce débat, qui sera le premier au programme du conseil, la suite de l’ordre du jour sera plutôt légère. La séance débutera à 10 heures.
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