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À Strasbourg, droite et gauche d’accord pour instaurer un congé menstruel

Examinée lors du conseil municipal du 22 mai, l’expérimentation d’un « congé de santé gynécologique » fait l’unanimité dans son principe entre la majorité et l’opposition. Peut-être le seul moment de concorde de ce conseil municipal.

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« Nous avons perdu l’occasion, non pas d’être en avance, mais d’accompagner l’évolution de la société. » À la tribune du Sénat le 15 février, la mine défaite de la sénatrice socialiste Laurence Rossignol dit tout de sa déception. Avec 206 voix contre et 117 voix pour, la proposition de loi de la sénatrice Hélène Conway-Mouret instaurant un congé menstruel de deux jours par mois maximum pour les personnes souffrant de dysménorrhées (règles douloureuses) a été rejetée par les sénateurs. Au Sénat comme à l’Assemblée nationale, ou une proposition de loi similaire avait été proposée par les écologistes et rejetée en commission, un tel dispositif peine à trouver une majorité d’élus pour le défendre.

À défaut d’être en avance sur la société, le conseil municipal de Strasbourg pourrait bien l’être sur le Sénat. Annoncée en septembre 2023 par le vice-président de l’Eurométropole en charge des ressources humaines, Valentin Rabot, l’expérimentation d’un « congé de santé gynécologique » est examinée par les élus strasbourgeois, ce mercredi 22 mai.

L’ensemble des fonctionnaires de l’Eurométropole souffrant de dysménorrhées et d’autres douleurs dues à l’endométriose pourront bénéficier d’un compte de 13 jours d’absence par an, sans journée de carence. Pour bénéficier d’une « autorisation spéciale d’absence », les personnes concernées – « tous les agents disposants d’un appareil reproductif féminin, quel que soit leur genre » – devront présenter un certificat médical, établi par un « professionnel de la santé gynécologique » et l’avis favorable de la médecine du travail, qui « analysera les éléments médicaux au regard du poste occupé par l’agente. »

Faire « tomber un tabou »

« Quand on a préparé cette délibération, on a invité les syndicats, les associations féministes et les membres de la médecine du travail pour avoir plusieurs points de vues », relate l’adjointe à la maire en charge des droits des femmes et de l’égalité de genre, Christelle Wieder. Au terme du processus de consultation, elle porte avec le premier adjoint chargé des ressources humaines, Syamak Agha Babaei, le texte devant le conseil municipal.

Au-delà du dispositif de congé mis en place, l’élue insiste sur la nécessité de provoquer un changement de mentalité sur le sujet : « L’un des grands objectifs du texte est de faire tomber un tabou, que les concernées puissent en parler à leur manager et trouver des aménagements pour qu’elles puissent aussi rester à leur poste de travail. » L’un des volets de la délibération évoque ainsi la mise en place d’une « campagne de sensibilisation sur le sujet de santé gynécologique » et d’une « formation spécifique organisée pour l’encadrement ». « Pour que les paroles se libèrent, il faut que les agents soient informés, que le management sache ce que ça peut représenter de faire face à des règles de types hémorragiques. »

Interrogée sur les conditions fixées par la délibération – notamment le certificat d’un gynécologue, dont les délais d’attente peuvent être longs – l’adjointe assure que « des aménagements ont été prévus. Le certificat délivré ne sera pas seulement annuel, mais valable deux ans. Et il peut être rendu par des sage-femmes. »

L’un des principaux arguments contre ce système, déjà appliqué dans d’autres collectivités, est la crainte des abus. Un point que démine la sénatrice Hélène Conway-Mouret, contactée en février :

« Localement, on voit que dans les collectivités qui le mettent en place, il n’y a pas d’abus. A Saint-Ouen où ce congé est appliqué, sur 840 agentes, 393 ont moins de 45 ans, et 23 seulement se sont signalées à la médecine du travail pour des problèmes de dysménorrhées. »

Consensus dans l’hémicycle

À rebours des hémicycles nationaux, la proposition semble faire consensus parmi les différents groupes politiques strasbourgeois. À commencer par les communistes, qui soutiendront sans réserve la délibération, assure la présidente du groupe Hülliya Turan (PCF). « Malheureusement, et comme sur beaucoup de sujets, c’est aussi au niveau national que les choses devront évoluer. » Son groupe déposera ainsi une motion, appelant à ce que la Ville prenne position en faveur des initiatives nationales.

La conseillère d’opposition Anne Pernelle Richardot, avait interpellé la maire en mars 2023, sur le sujet du congé menstruel.

« Manifestement, c’est un progrès social », relève le co-président du groupe de la majorité présidentielle, Nicolas Matt (Renaissance). « Ça me semble très bien pour au moins deux raisons : montrer aux femmes qui souffrent qu’elles ne sont pas seules et qu’elles sont soutenues, et faire mieux connaître l’endométriose. » Même son de cloche pour le groupe « Union de la droite et du centre », dont le président Jean-Philippe Vetter (LR) se montre favorable au texte : « C’est une expérimentation extrêmement intéressante. La santé gynécologique est essentielle et ces douleurs peuvent toucher de nombreuses femmes qui vivent un calvaire. Compte tenu du cadre de l’expérimentation, nous sommes favorables. »

« Je pense que le simple fait que la question soit débattue est un progrès », commente le conseiller d’opposition socialiste Dominique Mastelli. Et pour cause, puisque l’initiative vient d’une élue du groupe socialiste, comme le rappelle Christelle Wieder : « C’est Pernelle Richardot (membre du groupe du Parti socialiste, NDLR) qui nous avait encouragé à travailler sur le sujet en conseil municipal (en mars 2023, NDLR). »

S’il reconnaît que « sur le fond, des avancées progressistes sont à retenir« , Dominique Mastelli pointe des divergences avec le texte examiné :

« Sur la forme, je ne peux que regretter que la maire n’ai pas tenu parole en écartant les élus du dossier. Et la délibération manque de précision, notamment sur le circuit d’application qui me semble trop compliqué, entre le gynécologue, la médecine du travail et la hiérarchie. »

Après le conseil municipal, l’expérimentation sera débattue lors du conseil de l’Eurométropole, vendredi 31 mai.


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