Adoption du budget oblige, le conseil municipal du 21 mars débute dès 9 heures. La matinée risque de retomber dans la redite du premier débat de janvier. Alors que les écologistes ont parfois été pointés pour leur manque de lisibilité dans leur action, la majorité semble s’être donnée un « récit ». Pour la maire Jeanne Barsghian (EELV), son deuxième budget vise à « répondre aux crises successives » et à « changer de modèle » pour mieux les atténuer. Elle cite bien sûr le Covid, « pas tout à fait derrière nous » à l’heure où les cas remontent, mais aussi l’accueil successif des réfugiés afghans et désormais ukrainiens. Et en toile de fond toujours, la dégradation climatique.
Le pari de l’habitat « intercalaire »
Pour permettre l’accueil massif de réfugiés, Strasbourg veut miser sur l’habitat « intercalaire », c’est-à-dire les bâtiments temporairement utilisables avant une destruction ou une rénovation. Ainsi 400 000 euros sont dédiés à cette politique, un budget qui pourrait être augmenté en cours d’année. En termes de nombre, « on raisonnait sur quelques centaines de logements, mais il en faudra sûrement plusieurs milliers », avance Jeanne Barseghian, suite à la guerre en Ukraine.
Pour que tout l’effort de création de places ne repose pas sur le patrimoine municipal, la Ville espère une « acculturation » des entreprises de l’immobilier et du BTP. Le premier adjoint Syamak Agha Babaei rappelle l’exemple de l’Odylus à la clinique Sainte-Odile, à l’initiative d’un promoteur privé engagé, qui avait permis la création de 80 places. La municipalité voudrait que cette exception se généralise, ce qui semble délicat puisque rue de Bourgogne à la Meinau, le propriétaire d’un immeuble en voie de destruction, une filiale d’Action logement, assigne les occupants au tribunal en vue d’une expulsion.
Parmi les nouvelles politiques (point 9), la Ville va mette en place un système d’un panier de fruits et légumes par semaine « sur ordonnance » de médecins, afin de réduire l’exposition aux perturbateurs endocriniens des femmes enceintes. L’adjoint à la Santé, Alexandre Feltz (Place publique), compte s’inspirer du système du Sport sur ordonnance qu’il avait initié en 2008 et qui est progressivement monté en puissance. La première année, 800 femmes enceintes devraient êtres concernées (270 000 euros). La Ville compte aussi expérimenter un « revenu de base communal », avec pour 2022 une étude de faisabilité (130 000 euros).
138 millions d’euros d’investissements
Pour l’opposition, le débat devrait surtout être l’occasion de rappeler l’augmentation passée de la taxe foncière en 2021 (elle reste stable en 2022) et la hausse de l’endettement. De quoi s’échauffer pour le débat de vendredi au conseil de l’Eurométropole. Car pour l’agglomération des 33 communes, un quadruplement de sa quote-part de taxe foncière est programmée. Heureusement pour les propriétaires, cela ne veut pas dire que leur fiche d’impôts locaux va quadrupler, car la part de l’Eurométropole est minime en comparaison de celle de la Ville (37,44% à la Strasbourg contre un bond de 1,15% à 4,60% à la métropole). C’est complexe, difficile à suivre, mais ça tombe bien, cela permettra à chaque camp de jouer sur les approximations fiscales.
Aux côtés du fonctionnement (417 millions d’euros ; +3,16%), la Ville prévoit des investissements pour 138 millions d’euros. Conformément au plan d’investissements présenté en fin d’année, le premier poste de dépenses sont les écoles, qui regroupent 27% des sommes consacrées à des travaux. Une vingtaine d’établissements sont concernés pour des « mises en sécurité », la rénovation thermique, un changement que de restauration ou la végétalisation des cours. Deux nouveaux établissements sont en construction, à Koenigshoffen et à la Meinau.
L’Odyssée, une décision enfin assumée ?
Le gros sujet suivant concerne le futur gestionnaire du cinéma de l’Odyssée (point 7). Se retranchant derrière des critères de notation techniques par un jury avec un seul élu, Christian Brassac, qui n’a pas de compétence dans le cinéma, la municipalité n’a pas été capable d’expliquer ce qui va changer. L’équipe du « Troisième souffle » a été sélectionnée, après 30 ans de gestion par l’équipe des Rencontres cinématographiques d’Alsace de Faruk Gunaltay, dont les renouvellements en 2011 et 2016 avaient suscité l’incompréhension (voir nos articles).
Signe de la nervosité ambiante sur ce sujet, la délibération a été envoyée aux élus sous pli « confidentiel ». Les oppositions ne se sont pas davantage exprimées sur cette décision, qui devient majeure compte tenu de l’historique du dossier et de l’interventionnisme du précédent maire, Roland Ries. Le débat serait l’occasion d’avoir enfin quelques éléments transparents et politiques sur le choix retenu. Sauf si les élus continuent d’avoir peur de leurs propres choix.
Archipel 2, Semencerie et Robertsau dans les sujets d’urbanisme
Ensuite, les points 9 à 22 concernent l’immobilier et l’urbanisme. Ces délibérations montrent que les écologistes commencent à avoir la main sur les projets qui sortiront de terre dans les prochaines années.
Dans le quartier dit Archipel 2 au Wacken, la municipalité vote à nouveau des « lots » qui avaient déjà été attribués par la précédente municipalité. Mais entre l’abandon des grands sièges par la Caisse d’Épargne et le Crédit mutuel, suite à la pandémie de Covid, et les aspirations des écologistes, les projets ont été retravaillés. On retrouvera comme prévu une halle gourmande et des parkings silo mutualisés (363 places en tout). La Ville acte aussi la promotion de six immeubles pour 270 logements et trois autres consacrés aux bureaux, avec du coworking et de l’hôtellerie. Les plus hautes tours aligneront jusqu’à 17 étages.
Adjointe en charge de l’urbanisme, Suzanne Brolly détaille les premières modifications :
« Nous avons pu avoir des berges plus généreuses pour créer une continuité écologique le long de la ceinture verte et inverser la proportion de bureaux et logements. Sur la forme des bâtiments en escaliers pour limiter les ruptures. La hauteur de 17 étages était déjà programmée, mais j’assume d’aller aussi haut afin de limiter l’artificialisation au sol. »
La partie centrale du futur quartier, qui n’avait pas encore été attribuée, fait l’objet d’un « Appel à manifestation d’intérêt » (AMI), qui devrait être attribué en cours d’année. L’opposition a jusque-là surtout questionné le manque de dimension « européenne » de cette deuxième phase du quartier d’affaires.
Une délibération acte aussi l’acquisition par la Ville (via l’établissement public foncier d’Alsace) des ateliers d’artistes de la Semencerie dans le quartier de la Laiterie pour un montant de 2,9 millions d’euros. Suite à la vente à un promoteur, ce lieu atypique depuis une quinzaine d’années, et régulièrement menacé, se serait arrêté sans l’intervention publique.
La fin du feuilleton du foyer Saint-Louis
Enfin, une délibération vise à clore le feuilleton du foyer Saint-Louis à la Robertsau, qui mêlait la Ville, la paroisse du quartier et des promoteurs immobiliers. À ce sujet, Emmanuel Jacob, membre du collectif « Un cœur pour la Robertsau » parle volontiers d’une « sortie de crise » sur un dossier enlisé depuis 10 ans, qu’il qualifie de « naufrage de la démocratie locale, où l’intérêt des Robertsauviens n’était pas possible ». Plusieurs habitants, dont Marc Hoffsess devenu élu en charge du quartier, demandaient que la Ville intervienne dans la vente souhaitée par la paroisse pour éviter une opération immobilière massive. De nombreux recours avaient été déposés. Ainsi, la municipalité qui a rouvert le dossier a choisi d’acquérir la cour à l’arrière du bâtiment. Cette parcelle de 11 ares où un immeuble devait être construit deviendra un espace vert public. Quant au foyer, un lieu accessible pour des fêtes ou réunions publiques, sa rénovation et son maintien avaient été engagés à la fin du mandat précédent.
Par ailleurs, le lieu dit du « jardin du curé« , à côté du presbytère ne sera pas construit. La paroisse récupère cette parcelle anciennement constructible via un bail emphytéotique de 50 ans, qui prévoit d’en faire « un aménagement d’un espace vert et paysager, protégé et sanctuarisé comme ilot vert ».
Et le promoteur choisi lors de la dernière séance du mandat de Roland Ries obtient aussi une porte de sortie, puisqu’il réalisera une opération à la place du bailleur social Ophéa un peu plus loin, rue Mélanie.
Le nouveau carnaval parmi les nombreuses interpellations
La séance compte au total 57 points. Elle devrait s’étirer sur toute la journée puisqu’en plus des questions d’actualité, les oppositions déposent 7 interpellations. Parmi eux, les deux candidats LR aux élections législatives de juin, Jean-Philippe Maurer et Jean-Philippe Vetter. Au lendemain du Carnaval, l’ancien candidat interroge sur la fin de la grande cavalcade à Strasbourg, remplacé par un moment festif place du Marché à Neudorf. L’occasion de tirer un premier bilan de ce changement dans la la politique événementiel. Jean-Philippe Maurer, lui, demande un marché au Port-du-Rhin, à la limite de la circonscription qu’il brigue pour la quatrième fois d’affilée.
Il sera plusieurs fois question de marchés, puisque c’est aussi le sujet choisi par Pierre Jakubowicz (Horizons) qui demande à « construire ensemble l’avenir », lui qui est membre de la commission dédiée. Parmi les autres dossiers abordés, les critères de subvention aux associations ou l’accessibilité des bureaux de vote aux personnes handicapées.
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