Enquêtes et actualité à Strasbourg et Eurométropole

Au conseil de l’Eurométropole, faut-il donner une deuxième chance à la géothermie profonde ?

Le conseil de l’Eurométropole doit adopter un rapport sur les séismes survenus près du puits de géothermie profonde à Vendenheim. Malgré des heures d’audition et des préconisations afin de ne pas voir un tel phénomène se reproduire, des maires et des élus restent divisés sur l’avenir à réserver à cette technologie dans l’agglomération. Comme l’Eurométropole n’est pas directement décisionnaire, l’exercice consiste à envoyer des messages à la Préfecture et aux industriels. À suivre en direct à partir de 9h.

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Après les séismes autour du puits de Fonroche à Vendenheim (GéoVen) survenus en 2020 et 2021, peut-on continuer à développer la géothermie autour de Strasbourg ? C’est à cette délicate question qu’ont tenté de répondre 11 élus de l’Eurométropole de toutes les sensibilités politiques, et quelques homologues allemands, au sein d’une mission d’information et d’évaluation (MIE) entre janvier et août 2021. Ces travaux ont débouché sur un rapport de 27 pages, à presenter à l’assemblée des 33 communes dès le 1er point de la séance du 19 novembre. Un exercice difficile, mais pas trop engageant, puisque ce ne sont pas les élus locaux qui décident de ces projets. C’est l’État français, via la Préfecture du Bas-Rhin, qui garde la main sur les sous-sols à travers le droit minier.

Des messages pour la Préfecture

Cette mise à l’écart des élus locaux est d’ailleurs l’une des critiques de ce rapport :

« La MIE préconise que l’Eurométropole et les communes concernées exigent qu’aucune décision relative au devenir du site GéoVen ou des autres projets de géothermie profonde, ne soit prise sans concertation et consensus sur une base documentée et transparente. »

Extrait des préconisations du rapport de la MIE sur la géothermie profonde.

L’idée, c’est finalement d’envoyer un message, notamment à l’heure où le gouvernement répète son attachement aux « territoires » et donc aux élus locaux. Parmi les préconisations, figurent une « évolution du droit minier », pour une meilleure prise en compte des habitants et des « forces vives du territoire », ainsi qu’une « transparence par tous les moyens et dispositifs innovants » et un « accompagnement scientifique » des projets.

L’une des leçons pour le président de la MIE, l’écologiste strasbourgeois Marc Hoffsess, c’est également que les associations et collectifs réticents n’ont pas été assez pris au sérieux à l’origine :

« Lors du lancement de la géothermie profonde, il y a eu un contexte d’enthousiasme suite aux premiers projets réussis en Alsace du Nord, et les oppositions citoyennes n’ont pas été assez entendues. Il est hors de question de reproduire un projet tel que celui mené à Vendenheim. »

La réalité des contrôles n’a pu être vérifiée

La MIE n’a en revanche pas pu vérifier le suivi opéré par les services l’État, qui promettaient un contrôle quotidien du site. « La MIE insiste sur le fait qu’il n’y a pas eu d’alerte, alors qu’il y avait non-respect des pressions », pointe le rapport, qui questionne donc la fiabilité du protocole.

« La préfète n’a pas autorisé l’audition des services de l’État, en raison du recours de Fonroche, ce que l’on peut comprendre », explique Marc Hofsess. La société conteste être à l’origine du séisme de novembre 2019, puis explique avoir ensuite uniquement agi dans le cadre d’opérations scientifiques à la demande de la Préfecture, et plus particulièrement la Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (Dreal). Elle conteste donc devant les tribunaux la fermeture définitive du site, ordonnée par la Préfecture le 7 décembre 2020, après y avoir investi environ 100 millions d’euros.

La centrale de géothermie le matin du séisme du 4 décembre 2020. Quelques jours plus tard la préfète ordonnait son arrêt définitif. Photo : JFG / Rue89 Strasbourg

Pas de consensus pour l’avenir

Même après une trentaine d’heures d’audition, les élus locaux restent divisés sur la suite. C’est une autre leçon à retenir pour Mac Hoffsess :

« Une partie d’entre eux considère qu’il faut qu’on se coupe totalement de cette technologie. D’autres, qu’on ne peut pas prendre cette décision sur la base de cet accident industriel, alors que les énergies alternatives sont rares. »

Sans surprise, Marc Hoffsess fait partie de la deuxième catégorie. Il prend l’exemple du puits d’Illkirch-Graffenstaden, amorcé par Électricité de Strasbourg qui n’a pas provoqué de séisme, en creusant moins profond et en se concentrant sur la production de chaleur, plutôt que d’électricité. Dans l’Eurométropole ou à ses portes, les trois projets de géothermie profonde sont suspendus (Illkirch-Graffenstaden, Eckbolsheim/Oberhausbergen et Hurtigheim).

L’avantage de ne pas avoir de pouvoir de décision, c’est de renvoyer la responsabilité à ceux qui l’ont. Comme le fait la présidente Pia Imbs (sans étiquette) : « C’est l’État qui est décisionnaire de la reprise ou non de cette technologie ». La maire de Holtzheim considère que sa majorité « a compris le traumatisme », et acte que des membres de la MIE émettent « un avis défavorable » à de futurs projets.

Pour l’opposition de droite et du centre, ainsi que quelques maires membres de la majorité mais voisins du puits GeoVen (Vendenheim, Reichstett, La Wantzenau), il faut désormais limiter la géothermie aux puits de basse ou de moyenne profondeur.

Les demandes d’un « protocole de Strasbourg »

Terminée fin août, lors d’une dernière séance tendue au sujet de la conclusion du rapport, la mission a finalement pris le temps de modifier ses conclusions pour acter ce désaccord politique. Elle a aussi travaillé sur un « protocole de l’Eurométropole de Strasbourg ». En clair, si la collectivité devait accueillir de nouveaux projets, elle ne souhaite pas forcément être à l’avant-garde, mais plutôt s’appuyer sur des méthodologies « éprouvées ».

L’Eurométropole demande ainsi qu’à l’avenir les conditions suivantes soient réunies :

  • Une priorité à la production de chaleur (et non à l’électricité) ;
  • Une connaissance avérée et partagée de la ressource ciblée et un suivi scientifique avant et pendant le développement et l’exploitation des projets ;
  • Un consensus territorial pour les projets dans les communes concernées ;
  • Une coopération entre l’opérateur et le territoire, à travers la recherche d’une implication publique et citoyenne dans la gouvernance des projets ;
  • Le respect des méthodologies de projet éprouvées et internationalement reconnues, sous le contrôle d’experts indépendants et d’un suivi associant collectivités et citoyens.

Ces formulations et précautions risquent de ne pas contenter les récalcitrants. Le rapport ne fait pas l’objet d’un vote, mais cela devrait se retrouver dans les expressions. Le sujet est devenu un marqueur politique clivant depuis les séismes de 2020. Une manière aussi pour certains maires de signifier que le « consensus territorial » évoqué dans le protocole n’existe pas dans leur commune.

Issus de la majorité ou de l’opposition, les élus ont en tout cas une certitude : l’Eurométropole devra adapter son « schéma directeur des énergies » adopté en 2019. La collectivité comptait sur les puits de géothermie profonde pour assurer 20% des besoins d’énergie en 2050, dont celui de Vendenheim. Mais en ce moment, ce sont les modalités de rebouchage des trous qui sont en cours de discussion.

Le Sport sur ordonnance en voie de généralisation

Une autre délibération importante (point 4), concerne l’extension du dispositif de « Sport sur ordonnance » à l’Eurométropole. Initiée en 2008 par la Ville de Strasbourg, cette politique de Santé (qui vise à prescrire sur ordonnance une activité physique à des malades atteints de pathologies chroniques comme l’obésité, le diabète, l’hypertension etc.) est portée uniquement par des communes, comme Schiltigheim, Lingolsheim ou Oberhausbergen. D’autres se montrent intéressées par cette approche.

L’Eurométropole engage un petit pas dans cette direction, avec, pour la première fois, une subvention de 60 000 euros pour la « Maison du Sport Santé », qui déménagera aux Bains municipaux fin 2022. Avec cette somme, la structure publique devra entamer la « réalisation d’un diagnostic » du dispositif à l’échelle des 33 communes et procéder à un « accompagnement méthodologique des communes volontaires ».


#Conseil de l'Eurométropole

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