Django Reinhardt, c’est un nom connu dans le monde entier, un homme universellement célébré pour son talent. Le guitariste manouche est devenu la marque et le symbole de l’union des générations, de la fédération des peuples et des cultures. Au même titre qu’Elvis, les Beatles, Mickael Jackson et, dans une moindre mesure peut-être (quoique), Madonna (la postérité nous le dira). C’est en quelque sorte la finalité visée par l’Espace culturel Django Reinhardt dans le quartier du Neuhof, avec sa salle de concert, son école de musique et sa médiathèque : marier les disciplines pour brasser le plus largement possible, dans un souci de proximité.
Intention louable sur le papier, pas forcément aisée à concrétiser, même si l’équipe de direction se démène depuis l’inauguration en septembre 2010 pour offrir une programmation solide et diversifiée : Ferran Savall, Egschiglen, Shezar, Noureddine Khourchid et ses derviches tourneurs de Damas, le Trio Esperanca, Ballaké Sissoko et Vincent Ségal, le groupe de musique soufie de Zanzibar Mtendeli Maulid, Zakouska, Idir, etc. Et ces trois affiches à venir jusqu’à la fin du mois de mai.
Jeudi 17 mai : Mokhtar Samba
Avec un nom pareil, on ne peut qu’avoir le rythme dans la peau. Et pas n’importe quel rythme : de l’incandescence, de l’incendiaire, de la frénésie débridée. Voilà peut-être pourquoi Mokhtar Samba a toujours refusé de s’enraciner. La carrière de ce batteur-percussionniste représente en effet un voyage kaléidoscopique autour du monde des émotions musicales.
On ne compte plus les collaborations, les invitations, les interventions de Mokhtar Samba auprès d’illustres noms d’un courant que l’on appelle « altermusicalisme » par commodité, afin d’éviter l’enchaînement rébarbatif d’étiquettes toujours trop réductrices. Mokhtar Samba a donc frappé les peaux et tenu baguettes et balais auprès de Manu Dibango, Youssou N’Dour, Carlos Santana, Jaco Pastorius, Carlinhos Brown, Mama Keïta ou encore Joe Zawinul, Salif Keïta et Alpha Blondy, pour n’en citer que quelques-uns.
Le Franco-Maroco-Sénégalais installé à Paris depuis des lustres dit vivre la musique avant tout comme une histoire de cœur et de famille, comme en atteste son unique disque solo publié il y a déjà sept ans, Dounia. Cette aventure avait réuni en studio une trentaine d’invités, diaspora chaleureuse mais pas toujours fusionnelle, autour de chants choraux et d’expériences quelquefois proches de l’introspection exacerbée, pour tenter de conjuguer toutes les pulsions de l’univers.
Un beau projet qui, malgré la personnalité ultra-percutante de Mokhtar Samba, manque forcément d’unité de ton, mais parvient au final à créer une belle ronde, simple, joyeuse et généreuse.
Mercredi 23 mai : Hassan Boussou
Il est un jeune maâlem talentueux, un maître de musique gnaoui qui enflamme annuellement, et depuis quelques années déjà, le festival Gnaoua d’Essaouira au Maroc au sein de la très remuante troupe Band of Gnaoua (en référence au mythique Band of Gypsies de Jimi Hendrix en 1970) qui fait revivre les standards rock de l’époque hippie à la sauce traditionnelle marocaine à l’image de Sympathy for the Devil des Rolling Stones repris ici par les musiciens gnawa et, entre autres, Louis Bertignac et Cyril Atef :
Mais bien avant d’emprunter ces chemins de traverse du métissage guitare électrique – guembri (instrument gnaoui par excellence, d’une trentaine de centimètres, en bois, avec trois cordes pincées) sur la scène du désormais incontournable Woodstock marocain, Hassan Boussou a été éduqué selon les préceptes gnaoua par son père, Hmida Boussou, lui-même grand maître (maâlem) de cette tradition sacrée multiséculaire.
Le jeune Hassan suit alors les tournées du père en France, en Belgique, aux Pays-Bas, en Italie, en Suisse puis, avec l’aval paternel, se lance tout seul dans l’aventure musicale. Il fonde son groupe, Gnawa Fusion, en 1996 et remodèle le répertoire traditionnel avec les influences occidentales de ses partenaires faites de sonorités jazz et électrisantes. Cette expérience de fusion se poursuit avec une autre formation, Séwaryé et, aujourd’hui, c’est essentiellement avec les musiciens de feu son père que tourne Hassan Boussou.
Mercredi 30 mai : Kobo Town
Kobo Town remet à l’honneur la riche tradition des musiques caribéennes, et notamment de Trinité-et-Tobago dont le groupe est originaire. Navigant entre le calypso, le mento jamaïcain, le rock steady ou encore le ska, le groupe trinidadien renouvelle la musique traditionnelle tout en s’inscrivant dans la veine satiriste et militante du calypso.
Avant même de désigner un groupe, Kobo Town est un quartier historique de la capitale, Port d’Espagne, à côté des docks, un lieu marqué par une longue histoire d’affrontements entre la puissance coloniale (espagnole puis britannique) et les musiciens qui dénonçaient la corruption, la violence, les injustices. Et c’est ici, à Kobo Town, que naquit le calypso. Tout un programme et tout un héritage aussi pour ce groupe né en 2004 autour du trinidado-canadien Drew Gonsalves qui aborde pêle-mêle la guerre en Irak, la mondialisation, la dépendance des Caraïbes, etc, dans un style modernisé avec de nouvelles sonorités, plus groovy, et des arrangements plus contemporains.
Y aller
Espace culturel Django Reinhardt, 4 impasse Kiefer à Strasbourg – Neuhof. Tram C terminus Rodolphe Reuss. Renseignements : 03 88 79 86 64. Informations et programme de la salle ici.
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