Peut-être en avait-il assez de bosser pour les autres et de contribuer à leur succès sans en récolter les fruits. Peut-être aussi voulait-il simplement avancer seul et mener lui-même sa propre barque. Avant de s’afficher en tant que SBTRKT (prononcer « Subtract »), Aaron Jerome, pour l’état civil, a officié pour quelques pointures du milieu électronique, à l’image de Basement Jaxx (les orfèvres de la house de Brixton, facteurs de pépites comme « Red Alert », une vieille pub pour Coca), Underworld (on se souvient forcément de Born Slippy, l’hymne générationnel de Trainspotting), les Allemands de Modeselektor ou encore Mark Ronson. Avec toujours de gros succès à la clé.
Red Alert de Basement Jaxx
Born Slippy de Underworld
Le sous-traitant britannique expert ès électro a ensuite choisi de passer le masque rituel papou pour marier les époques et les cultures, s’assumer tout seul et prendre la lumière dans l’ombre. Curieux paradoxe. Certainement inspiré par cet adage (quelque peu) remanié : « Voir (venir) sans être vu, en avançant masqué, à pas feutrés, sans ostentation, ni revendication de célébrité ni affichage intempestif ».
Signé chez des renifleurs de talent
Cette stratégie, devenue mode de vie à part entière, semble réussir à celui que l’on appelle désormais SBTRKT, en référence à ce qu’il convient de considérer comme un véritable manifeste de sa production personnelle. Car « subtract » – mû en acronyme à la fois classe et inquiétant, marquant et mystérieux – résume parfaitement le mode opératoire du DJ londonien : « soustraire » à ses aînés leurs plus belles incantations, leurs beats les plus éloquents, sur la base de l’inspiration, de l’influence, de l’imprégnation. Et en aucun cas du copié-collé mesquin et sans relief. Bref, SBTRKT ne s’est pas lancé dans le pillage intellectuel à dimension industrielle – pas d’inquiétude pour le contournement des droits d’auteur ! Il met plutôt sa flexibilité et sa technicité au service de son art pour ériger une œuvre susceptible de marquer longtemps clubs et platines.
Les fondations de cette bâtisse qui ne demande qu’à grandir tiennent aujourd’hui en onze titres d’un premier album éponyme publié à l’été 2011 chez les renifleurs de talents (et de jackpot) du label Young Turks qui ont notamment signé The XX il y a trois ans. Et dans la galaxie Young Turks gravite surtout la voix de SBTRKT, Sampha Sisay, pure et cristalline, solide appui sur plus de la moitié de l’album. Yukumi Nagano, du groupe Little Dragon, vient aussi pousser des cordes vocales sur le morceau tête de gondole du disque, Wildfire. Côté montée en puissance et jouissance sonore, Hold On et Never Never donnent un ton différent à grands renforts de xylophone, de synthé et de boucle addictive. Tout cela, nous disent à la fois le label et les critiques, se range sous l’étiquette dubstep, sorte d’électro mutante avec séquenceur, beatbox et sampler, essentiellement en instrumental et à un rythme effréné. Voilà pour la théorie. Car la claustrophobie guette dans cette case évidemment trop étroite où se bousculent déjà de nombreux dérivés de l’électro qui plairont autant aux clubbers bondissants qu’aux dépressifs contemplatifs et aux goûteurs occasionnels de nouvelles potions musicales. Il n’y a en fait qu’un seul enseignement à tirer d’un live de SBTRKT : si l’on en ressort hébété et habité, c’est que le cocktail a bien pris. Aucun risque donc à remettre cela !
A écouter samedi 18 février à la Laiterie. En première partie, la Suédoise Karin Park.
Wildfire
Hold On
Never Never
Vous allez à ce concert ? Dites nous au retour en commentaires comment vous avez trouvé la soirée !
Chargement des commentaires…