Concert : Voyage interstellaire avec M83

Petit guide rapide et universel pour séduire les Américains quand on est Français. Etre élu président de la République et afficher une posture économique ouvertement libérale et diplomatiquement atlantiste afin de pouvoir parader aux côtés de son alter ego texan grand pourfendeur du Mal sous toutes ses formes. L’axe a fait long feu et le modèle est aujourd’hui éculé.

Autre option, plus futée, pour se fondre dans le décor et emprunter l’american way of life : produire un film ou un disque rendant hommage à des influences américaines assumées, tout en imposant une patte bien hexagonale que les professionnels puis le grand public plébisciteront. Le film The Artist en est, à ce titre, l’exemple récent le plus parlant, tout comme le furent, en leur temps, les groupes versaillais Air et Phoenix.

Dans l’aspiration de Discovery One

Et puisque nul n’est prophète en son pays, M83 s’en est donc allé, il y a quelques années, à la conquête de l’Ouest, passant de la très chic et select côte méditerranéenne antiboise aux larges plages bling-bling de Californie. Par la même occasion, cette PME électro-pop artisanale de deux salariés – Anthony Gonzalez et Nicolas Fromageau – est devenue une auto-entreprise dynamique du grand village global avec le départ de Nicolas Fromageau parti monter son propre groupe Team Ghost.

Mais à l’origine, il y a tout juste onze ans, le projet de ces deux gamins élevés au post-rock dépressif tendance shoegaze consiste à filer vers le paradis des rêves planants et langoureux pour composer – sous substances ? – la nouvelle BO de 2001, Odyssée de l’Espace. Ils prennent donc l’aspiration de la navette Discovery One et s’engouffrent dans la galaxie M83 qui leur donnera cette inspiration à la fois magnétique et hypnotisante.

 America (2003)

Leur premier album éponyme passe quasiment inaperçu. Le deuxième – Dead Cities, Red Seas & Lost Ghosts (2003) – les révèle à un public certes élargi mais toujours électro-centré. Car la formule parle surtout aux amateurs de nappes de synthé vaporeuses, de mélodies contemplatives et entêtantes qui vous mènent à la neurasthénie teintée d’un mysticisme illuminé.

Sont aussi visés les amateurs d’un cinéma qui prend tout son temps dans la narration et la description, porté par des Terrence Malick, David Lynch, Gus Van Sant et, plus récemment, Steve McQueen, Sofia Coppola, Nicolas Winding Refn. Bref, autant de réalisateurs pour une bande-son céleste et ouatée qui accompagne le cours de l’Evolution. My Bloody Valentine ressuscite clairement à travers l’épopée M83 ainsi que Jesus & Mary Chain ou encore les Cocteau Twins et même Sonic Youth, dans un style plus abrasif, tendant quelquefois vers le post-rock indus, et évidemment situé beaucoup plus haut sur l’échelle temporelle.

My Own Strange Path (2007)

By the Kiss (2007)

Mais depuis quatre ou cinq ans, ces influences semblent ne plus s’inscrire aussi facilement dans le répertoire de M83 : assimilation plus difficile, soupçon de saturation, volonté d’autre et d’ailleurs ? Toujours est-il que sur son dernier album Hurry up We’re dreaming (2011), Anthony Gonzalez manque de perdre ses fans à cause de références trop diffuses et confuses. Mais sa jouissance communicative et dansante l’emporte sur cette plongée nostalgique peut-être trop appuyée et maladroitement calibrée en un double album loin d’être vital dans l’histoire de la musique.

Couleurs (2008)

Kim & Jessie (2008)

Midnight City (2011)