« Un coup de feu dans la nuit / Une douleur glaciale qui s’élance / La foret soudain qui frémit / Puis s’installe le silence […] Je sens ton souffle qui me frôle le cou / Un pistolet chargé me caresse la joue / Tu m’dis : cette fois c’est moi qui joue ». Nous voilà en plein cœur de La Forêt, le cadre idoine pour ce conte cruel sans autre issue que l’exécution sommaire. C’est direct et sans détour, injuste et violent. Mais il faut s’y résigner. L’ange noir post punk tendance cold wave a frappé, sans autre forme de procès. Sans paniquer. Froidement. De manière détachée. Une première détonation. Puis une seconde. La ritournelle martiale de la boîte à rythme accentue l’emballement frénétique des guitares et marque plus encore la noirceur d’une basse de plomb. Lescop a prononcé la sentence suprême.
Ce hit new wave à la sauce électro vintage ressuscite l’époque bénie des mentors de Lescop (Etienne Daho, Daniel Darc, Marquis de Sade, Ian Curtis) tout en les associant à ce mouvement actuel de renouveau d’une pop française et francophone très dandy et radicale. Voilà pourquoi La Forêt, tout comme les dix autres envolées de ce premier album éponyme de Lescop, apparaissent aussi tranchées. A l’image de Tokyo, la nuit :
Évidemment, on ne peut s’empêcher de convoquer les grands frères spirituels de Lescop. De déplorer un manque criant d’originalité chez un trentenaire inscrit dans un cycle musical amené à redevenir branché sur fond de nostalgie sépia façonnée pour des jeunes gens modernes.
La critique, en cela, serait bien injuste. Lescop n’a rien du phénomène de mode éphémère puisque son passé musical plaide pour lui. Avant Lescop et son label de circonstance Pop Noire, il y eut Asyl. Un groupe de potes de La Rochelle biberonnés au punk universel des Sex Pistols, du Clash et des Buzzcocks et à la furie plus confidentielle – et française – des Strychnine, Bérurier Noir et autre Metal Urbain. Avec, déjà, cette attirance non feinte pour le Bowie glam et Joy Division.
Mais à cette époque, en 2005 – 2006, Lescop semble encore (très légèrement) ancré dans le mimétisme capillaire de Nicola Sirkis. C’est l’époque du morceau de bravoure d’Asyl, alors au faîte de sa popularité :
L’aventure de groupe dure une quinzaine d’années. Avant que Lescop ne s’échappe de l’Asyl. Et si la France a exporté sa French Touch électro, aux talents encore reconnus et inépuisables, l’Hexagone est-il en train de découvrir une nouvelle vague francisée qui assume à la fois new et wave dans ce que ce genre a de plus raffiné, élégant, sophistiqué, (in)contrôlé et, forcément, glacial ?
Lescop, en tout cas, veut (faire) bouger sur le fil de beats qui cognent en faisant s’affronter les extrêmes, dans ce qu’il définit comme sa « variété bipolaire », ces contradictions musicales qui le font avancer sereinement en équilibre toujours instable.
Y aller
Lescop, en concert le vendredi 30 novembre au Club Laiterie, 13 rue du Hohwald (entrée rue du Ban de la Roche). Première partie : Spiders Everywhere.
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