Kurt Wagner ressemble à s’y méprendre à… un type ordinaire. Le mec que l’on imaginerait tout autant coincé derrière un écran d’ordinateur en geek à casquette, à programmer code sur code, qu’en petit génie de la scène électro à bidouiller ses machines. Et pourtant non. Ce gars de Nashville, Tennessee, a certainement dû hériter de l’ADN de la capitale mondiale de la country. Rien en lui, toutefois, ne rappelle Elvis, Johnny Cash, Jack White, Dan Auerbach ou autre Donna Summer, enterrée là-bas. L’étiquette officielle qu’on lui colle allègrement, c’est celle d’orfèvre d’une country qui verse dans l’indie et l’alternatif. Bref, rien de commercial ni de mainstream chez Lambchop, cette bande de talents que Wagner inspire depuis deux décennies et onze albums tous aussi salvateurs et essentiels les uns que les autres.
Lambchop, c’est une balade sans début ni fin, vouée à nous conduire toujours au même endroit mais en n’empruntant jamais le même chemin. On retrouve le guide, que l’on voit prendre de l’âge, gagner en profondeur, et l’on écoute, aussi, religieusement sa voix sans âge. L’impression change, les sentiments évoluent mais la base reste, solide, fidèle, rassurante, bienfaisante. Avec Wagner, on cherche et trouve du réconfort. Pas d’effusion ni de mots pleins d’emphase. Mais de l’amour intériorisé, qui n’enlève rien à sa force. Au contraire.
Touche à tout, en douces caresses effleurantes
Folk, jazz, pop, post-rock, country-rock, reggae, soul : Lambchop touche à tout. En douces caresses effleurantes, sans précipitation ni brusquerie. C’est leur recette de l’accomplissement, la patte Wagner d’une recette appétissante et goûtue d’un délicat festin impressionniste. L’association des mets ne tombe jamais dans la lourdeur, les digressions mélodiques s’opèrent par petites touches et furtives dégustations. On picore pour mieux apprécier. Qu’il s’agisse de joie extrême ou de chagrin inconsolable.
Et c’est justement ce qui fait la substance de Mr. M, le dernier album en date de la formation américaine. Kurt Wagner salue la mémoire de feu son frère d’armes et jumeau spirituel Vic Chesnutt. La colonne vertébrale du disque repose sur la disparition d’un ami, sa réalisation et son écriture prennent des accents aux vertus thérapeutiques, assurément pour soigner des bleus à l’âme et atténuer l’hémorragie d’un cœur meurtri à tout jamais. Chesnutt, en fil rouge d’une amitié éternelle par-delà les frontières de l’existence.
Kurt Wagner se fait donc encore plus crépusculaire qu’à l’accoutumée, à la fois grave et majestueux, fébrilement digne dans la douleur. Et cela donne, entre autres, ce bouleversant hommage :
Étonnamment, violons et piano à la sauce jazzy éclipsent la pesanteur des états d’âme. Ils opèrent telle une boussole pour ami en perdition qui trouve miraculeusement un baume rassérénant et apaisant. On feuillette l’histoire sans la refaire, simplement avec émotion en ressuscitant d’heureux épisodes. Lambchop contourne l’écueil du pathos. Et se projette, aussi, au-delà d’une journée finalement rendue belle par la grâce d’un passé apaisé.
Voilà donc Lambchop. Allusif, poétique, aérien et raffiné dans la diversité de ses explorations. Aventureux, Wagner améliore toujours un peu plus la bande-son d’une vie. La sienne. La nôtre.
Y aller
Lambchop en concert le vendredi 16 novembre à 20h30, à l’espace culturel, 14, rue Jean Holweg à Vendenheim.
Chargement des commentaires…