À Strasbourg, tous les soirs à 19 heures place de la République, une vingtaine de personnes se réunissent pour discuter, échanger, débattre et voter. C’est l’édition locale du mouvement « Nuit Debout », un phénomène politique inspiré par les Indignés espagnols, né à Paris le 31 mars à l’issue d’une mobilisation contre la réforme du code du travail. Le mouvement est aussi porté par le réalisateur François Ruffin, auteur du film Merci patron !, qui avait aussi appelé à rester éveillé au soir du 31 mars. Nuit Debout est présent à Strasbourg depuis le mardi 5 avril.
Chaque soirée débute par assemblée générale, l’AG, appelée aussi « agora » par ses membres. Chacun est libre d’y prendre la parole, il suffit de lever la main pour la demander. Une vingtaine de personnes se retrouvent ainsi à Strasbourg, un chiffre en baisse par rapport aux débuts du mouvement il y a un mois.
Chaque soir, certaines personnes sont volontaires pour modérer le débat, le recentrer lorsque cela est jugé nécessaire. Le « facilitateur » ou animateur permet le bon déroulement des discussions lors du « temps de parole libre », qui dure en général jusqu’à 20h30. La fonction est tournante, Nuit Debout n’a pas de chef ni de représentant. Inspirés par les Indignés espagnols, les Deboutistes se méfient de la personnalisation des discours même si, en coulisses, une poignées de membres plus motivés que d’autres se relaient aux fonctions essentielles.
Propositions, discussions, restitution et votes
À 20h30, les personnes présentes se séparent en différents « groupes de travail », deuxième temps. Il existe à ce jour plusieurs groupes de travail dits « habituels », c’est-à-dire qui se réunissent presque tous les soirs, en fonction du nombre de personnes présentes place de la République.
- Le groupe « action », propose et réfléchit à la façon d’organiser les mobilisations réalisées par « Nuit Debout ». Par exemple, la distribution de café place Kléber, la participation aux manifestations contre la loi travail…
- Le groupe « démocratie » travaille sur différents sujets, très larges. Il aborde notamment la question du droit au logement, du féminisme et des droits des femmes, de démocratie bien entendu en réfléchissant au moyen pour les citoyens d’avoir plus d’impact dans les décisions gouvernementales.
- Le groupe « logistique », quant à lui, s’occupe d’organiser et de gérer la vie de Nuit Debout sur la place de la République. C’est lui qui s’occupe de réaliser les grands tableaux informatifs situés tout autour des équipements du mouvement. Il érige aussi certaines règles permettant d’éviter les problèmes qui peuvent être signalés sur le campement.
- Le groupe convergence des luttes réfléchit à la manière de rejoindre d’autres mouvements, dont les luttes se rapprochent de celles de « Nuit Debout ». Cette convergence s’exprime par la participation du mouvement, aux réunions des intermittents ou des cheminots, et inversement.
D’autres groupes de travail peuvent aussi se créer ponctuellement suite à la proposition d’un participant. À Paris, Nuit Debout compte plus de 20 commissions.
A 22 heures, une fois la réflexion dans les différents groupes de travail terminée, c’est le troisième temps, celui de la restitution, des propositions et des votes.
Unanimité requise… ou au moins 75%
Une personne se charge de tout centraliser, les propositions qui émanent des groupes, mais aussi les décisions votées, à l’unanimité, par Nuit Debout. Si une proposition ne satisfait pas l’ensemble des personnes présentes, elle est à nouveau discutée lors de l’agora puis revotée. Au bout trois fois, il n’y a toujours pas d’unanimité, les propositions sont acceptées si elles rassemblent plus de 75% des voix. Le vote se fait à main levée.
Nuit Debout utilise ce moyen pour prendre des décisions afin d’être certain que ces dernières satisferont la majorité de ses membres. Par exemple, lorsque la Ville avait demandé au mouvement de déplacer le campement pour les commémorations militaires, les deboutistes avaient voté la décision de suivre la demande des autorités. Certaines personnes étaient contre mais la décision émanait de la volonté de la plupart des présents lorsque la discussion avait eu lieu.
Après la mobilisation place de la République, la lutte continue sur Internet
Dans chacun des groupes de travail, un secrétaire retranscrit les échanges qui ont eu lieu, avant de publier un compte-rendu, sur un site web collaboratif sous forme de « pad ». Un « pad » est un document accessible à tous sur internet, chacun peut y écrire, échanger, continuer une discussion une fois l’AG terminée. Les compte-rendus des AG sont publiés sur les réseaux sociaux et sur les pads dans la même optique. Cela permet à ceux qui le souhaitent de suivre et participer à la mobilisation sans pour autant être tous les soirs place de la République, et surtout, de se tenir informé de ce qu’il se passe à Nuit Debout.
Une dizaine de personnes volontaires gèrent la page Facebook du mouvement à Strasbourg. Certains en sont administrateurs, d’autres sont éditeurs. Ces derniers ne peuvent que publier du contenu et répondre aux messages sur la page quand les premiers ont bien plus de possibilités et peuvent créer des événements mais aussi « décider » ce qui a sa place sur cette page, ou non, dans le sens où il peut créer du contenu, mais aussi en supprimer. Une charte est d’ailleurs à l’étude afin de savoir quelles informations peut relayer le mouvement.
Le site internet de Nuit Debout rassemble tous ces pads et donne une plus grande visibilité au mouvement. On y retrouve son actualité, ses actions, son programme… Il est géré par des personnes appartenant au « pôle informatique » de Nuit Debout à Paris.
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