« Clestra, il est à nous, s’ils en veulent pas ils dégagent ! Et si y a pas d’avenir pour nous, qu’ils le disent tout de suite ! » Les grévistes de l’usine de cloisons Clestra applaudissent leur représentant devant le siège de l’inspection du travail, en début d’après-midi du lundi 17 juillet. Une trentaine de salariés s’était déplacée pour accompagner deux des leurs à une médiation face à la direction. Le nouveau président de la société, Rémi Taieb, s’y rend à son tour, flanqué de trois policiers et sous les huées.
Cette réunion était censée permettre de trouver une issue à la grève qui dure depuis 14 jours. Le conflit dure depuis lundi 3 juillet, après un licenciement jugé excessif par le syndicat CGT. Mais au-delà de ce cas particulier, c’est l’absence de dialogue avec le repreneur de Clestra en octobre 2022, Jestia, et l’incertitude totale sur le sort réservé à leurs emplois que dénoncent les grévistes.
Représentant du personnel, le syndicaliste CGT Amar Ladraa explique les raisons de cette mobilisation.
Rue89 Strasbourg : Votre grève commence avec le licenciement d’un salarié. Pourquoi cela a-t-il enclenché cette mobilisation ?
Amar Ladraa : L’un des salariés arrive lundi 3 juillet et apprend qu’il ne peut plus rentrer sur le site, parce qu’il est viré ! Il n’a pas reçu de lettre de licenciement, rien à part un mail dimanche soir. Vu les raisons de son licenciement, on estime que c’était abusif et injuste. Dès qu’on l’a appris on s’est tout de suite mis en grève.
Deux mois plus tôt, la nouvelle direction de Clestra a proposé un accord de rupture conventionnelle collective, qui pouvait concerner 40 salariés dans la production. Nous avons refusé. Je pense qu’à partir de là, ils se sont dit qu’ils allaient se débarrasser de tous les salariés qui ne rentrent pas dans la ligne, un par un. Pour nous, c’est la vraie raison derrière ce licenciement et c’est ce que nous dénonçons aujourd’hui.
Depuis la reprise de l’entreprise Clestra par le groupe Jestia en octobre 2022, le dialogue social semble au point mort. Pourquoi ?
Après la reprise, ils sont venus avec un air arrogant, pour nous dire en gros : « Maintenant c’est notre entreprise, plus la vôtre, on va la diriger comme on veut. Et si vous n’êtes pas content, vous partez. » D’ailleurs, 25 à 30% des salariés ont quitté l’entreprise. En fait, on voit très rarement les nouveaux patrons, on n’a pas vraiment d’interlocuteurs face à nous.
Et puis ce lundi matin, le Comité social et économique (CSE, instance qui réunit direction et représentants du personnel, NDLR) a tenu une réunion exceptionnelle pour changer le nom de la société. Clestra disparaît et devient Unterland Metal. Et ça en plein conflit social. On ne comprend pas. Clestra c’est presque un bien commun : une entreprise à Strasbourg depuis les années 60. On est très attaché à cette usine et à son histoire. Il y a des familles qui bossent dans cette usine depuis plusieurs générations.
Pourquoi craignez-vous que le déménagement du site de l’usine, d’Illkirch-Graffenstaden vers le Port du Rhin, soit une manière déguisée d’organiser un plan social ?
Notre usine actuelle à Illkirch fait 25 000 mètres carrés (m²). Les locaux qu’ils nous proposent, c’est 5 000 m² seulement ! Quand on leur demande comment ils vont faire pour maintenir la production et les postes, ils nous répondent « on vous informera plus tard, en septembre. » Mais pour nous, physiquement, ça ne tient pas.
En fait, le déménagement se fait en deux phases et concerne deux parties de la production. La première partie, qui concerne le pliage et la fabrication des cloisons, va bien être déménagée mais sur la deuxième partie de la production – la peinture et l’assemblage des cloisons – on n’a aucune information. Ça concerne à peu près 50 emplois et ça fait des semaines qu’on demande à savoir, mais on n’a jamais de réponse. Nous voulons une garantie que cette activité sera maintenue sur un site strasbourgeois et pas transférée à une filiale du groupe Jestia.
L’État et la Région Grand Est se sont impliqués dans le dossier, en fournissant une aide de 5 millions d’euros sous la forme d’un prêt. Qu’est-ce que vous attendez d’eux ?
On a envoyé une lettre commune avec la CFDT au ministre de l’Industrie (Roland Lescure, NDLR) pour solliciter un entretien. Nous voudrions qu’il s’implique et qu’il nous aide à trouver une solution pour l’avenir du site. Avec ça, on interpelle aussi les élus locaux, tout ceux qui peuvent nous aider.
Qu’espérez-vous de cette médiation avec l’inspection du travail, entre vous et la direction ?
Déjà, nous voulons revenir sur ce licenciement abusif, mais aussi une garantie pour le maintien de l’emploi à Strasbourg, comme cela nous avait été annoncé lors de la reprise par Jestia. Nous voulons également plus d’informations sur le déménagement du site de l’usine. J’espère que les médiateurs arriveront à convaincre la direction, parce que tout seul, on n’y arrive pas. On essaye de discuter mais ils restent bloqués. Pourtant il faudra bien qu’on trouve un terrain d’entente, car les salariés sont déterminés : en deux semaines presque aucun n’a repris le boulot, toute la chaîne est à l’arrêt. On continuera tant qu’il le faudra.
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