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Classes sans enseignants, sureffectifs, recours aux contractuels : « Cette rentrée 2022, c’est du jamais vu »

Fermetures de classes, manque de personnel… En Alsace, la rentrée 2022 est émaillée par de nombreuses mobilisations de personnels de l’éducation et de parents d’élèves. Il manque 17 postes d’enseignants en école maternelle et primaire dans le Bas-Rhin, qui seront vraisemblablement occupés par des contractuels. Les syndicats constatent une crise sans précédent de l’attractivité des métiers de l’enseignement.

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Classes sans enseignants, sureffectifs, recours aux contractuels : « Cette rentrée 2022, c’est du jamais vu »

Vendredi 2 septembre, Olivier Faron, le recteur de l’Académie de Strasbourg, tenait sa conférence de presse de rentrée. Entouré de ses directeurs des services départementaux, sous les moulures dorées d’une salle de l’hôtel du rectorat, rue de la Toussaint, il a énuméré quelques mesures de la reprise, comme la création de « 100 postes d’accompagnants des élèves en situation de handicap (AESH) dans le Haut-Rhin », ou la « future législation sur les réseaux sociaux face au harcèlement à l’école ».

L’ambiance contraste avec la manifestation qui se tient à quelques mètres, devant le bâtiment. Une cinquantaine de personnes demandent trois postes supplémentaires de surveillants (AED) et un poste de conseiller principal d’éducation (CPE) au collège Hans Arp à l’Elsau. Laetitia Delaunoy, documentaliste, résume :

« Depuis 2017, on est passé de 596 à 814 élèves. Il y avait, à l’époque, deux CPE et neuf surveillants. Aujourd’hui, nous avons toujours deux CPE et dix surveillants. C’est très insuffisant, cela crée des situations de tension. »

Mobilisation du personnel du collège Hans Arp, devant le rectorat, vendredi 2 septembre. Photo : TV / Rue89 Strasbourg / cc

Des manifestations dans toute l’Alsace

Globalement, de nombreuses mobilisations sont portées par des enseignants ou des parents d’élèves en cette rentrée 2022 dans l’Académie de Strasbourg. À Gresswiller, les parents d’élèves se sont rassemblés devant l’école primaire dénonçant trois classes de plus de 30 élèves. Du côté de Colmar, des fermetures de classes dans deux écoles maternelles suscitent des manifestations. Idem à Nothalten, près de Sélestat.

Vendredi 9 septembre, les enseignants du collège de Rosheim seront en grève et manifesteront aux côtés de parents d’élèves devant l’établissement. Une professeure d’allemand, souhaitant garder l’anonymat, explique :

« Nous comptons 650 élèves en tout, et trop peu de classes. En 6ème, trois classes accueillent 30 élèves, les deux dernières vont jusqu’à 31. Nous avons aussi deux classes de 31 élèves en troisième.

Avec mes collègues, nous considérons qu’à partir de 26-27 élèves, chaque collégien de plus compte double. C’est une sorte de seuil, au-dessus duquel la situation devient de plus en plus critique. Au-delà, on a de moins en moins de possibilités de donner l’attention nécessaire à celles et ceux qui ont des difficultés. Il nous faudrait ouvrir deux classes supplémentaires pour répartir les élèves, afin d’avoir des effectifs de 25 ou 26. »

Les parents d’élèves et enseignants du collège de Rosheim ont manifesté à plusieurs reprises depuis mai 2022. Photo : TV / Rue89 Strasbourg / cc

Manque d’AESH et grève du personnel du rectorat

Simon Hector, de Sud éducation Alsace, rappelle que de nombreux établissements manquent d’AESH à Strasbourg, y compris celui dans lequel il travaille, le collège Jacques Twinger à Koenigshoffen. Rémi Louis, du même syndicat, souligne que les agents chargés de l’informatique du rectorat se sont mis en grève illimitée le 29 août contre une probable externalisation, à Toulouse, de la gestion de leur serveur. Le recteur les a rencontrés jeudi 8 septembre. Il prévoit aussi un échange avec le personnel mobilisé du collège Hans Arp vendredi 9 septembre.

Certaines mobilisations ont porté leurs fruits, comme à Hochfelden, où les parents d’élèves, le corps enseignant et les élus locaux ont réussi à faire annuler la fermeture d’une classe de 4ème. Ce résumé est non exhaustif, tant les mobilisations semblent se multiplier. Interrogé sur ce sujet, Olivier Faron répond que « le rectorat tente de répartir au mieux les moyens qu’il a en fonction des besoins, de la manière la plus objective possible » :

« Nous discutons avec les représentants du personnel pour cibler les attributions de poste, et nous en créons autant que nous pouvons. Notre budget dépend du ministère. Bien-sûr, si on me dit “plus de moyens pour l’éducation”, je suis pour ! »

Olivier Faron, recteur de l’Académie de Strasbourg, pendant sa conférence de presse le 2 septembre. Photo : TV / Rue89 Strasbourg / cc

Des contractuels devant des classes sans aucune formation

« Des économies sont faites partout où c’est possible. De plus en plus de personnels sont en souffrance et sous tension », constate Laurent Feisthauer, secrétaire académique de la CGT Éducation :

« Les classes de 32 à 35 élèves sont de plus en plus nombreuses. Pour combler les postes vacants, le recours à des contractuels devient la norme. Il s’agit de personnes embauchées en urgence, pour une courte période, sans titularisation et souvent sans formation. Ceux qui ont été embauchés, suite au job dating ont eu quatre jours de préparation tout de même. Pour les autres, recrutés en ce moment, il n’y en aura aucune, et ces personnes se retrouveront devant des classes. »

Au moment de publier cet article, le rectorat n’a pas encore communiqué le nombre exacte de postes vacants et de fermetures de classes en Alsace à Rue89 Strasbourg. Sur le site de l’Académie, 24 offres sont visibles le 8 septembre, dont une bonne partie en contractuels. Selon Agathe Konieczka, représentante de le SNUipp-FSU au comité technique spécial départemental (CTSD), instance où se décide la répartition des moyens dans l’Académie, rien que dans le premier degré (maternelle et primaire), 17,5 postes sont vacants dont 2,5 en classes bilingues :

« Cette rentrée 2022, c’est du jamais vu. Concrètement, en attendant le recrutement des contractuels, certains élève se retrouvent sans enseignant pour l’instant. Ils sont donc accueillis dans d’autres classes ou bien ils restent chez eux. C’est le cas à l’école Gustave Doré à Cronenbourg, par exemple. Beaucoup de collègues témoignent être épuisés. On n’a jamais reçu autant de demandes de ruptures conventionnelles et de démissions. »

Les syndicats enseignants dénoncent le manque de moyens dans l’éducation et alertent sur le mal-être dans leur profession depuis de nombreuses années, comme lors de cette manifestation en janvier 2022. Photo : TV / Rue89 Strasbourg / cc

« Il ne faut pas s’étonner qu’il y ait autant de postes vacants »

Agathe Konieczka estime qu’il est indispensable de revaloriser fortement les salaires des personnels de l’éducation. « Plus personne ne veut devenir enseignant, vu les conditions de travail et le faible niveau de rémunération », ajoute-t-elle :

« En début de carrière, nous gagnons autour de 1 500 euros nets. Étant donné notre investissement, la mobilité et le niveau Bac+5 demandé, ce n’est pas acceptable. Il ne faut pas s’étonner qu’il y ait autant de postes vacants. »

Fin août, Pap Ndiaye, le nouveau ministre de l’Éducation, réaffirmait la volonté du gouvernement d’augmenter les salaires des professeurs et d’agir face à la crise de l’attractivité des métiers de l’enseignement. Reste à connaître le calendrier, les montants exacts de cette revalorisation, et si le personnel non enseignant sera concerné.


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