Aux entrées des six bâtiments de la résidence universitaire de la Robertsau, les digicodes sont cassés depuis trois ans. Les sanitaires restent condamnés pendant des semaines. Et le matériel des cuisines communes se résume à une plaque vitrocéramique, un évier et une table sans chaise. La cité universitaire et ses 904 étudiants résidents voient leur situation se dégrader. De l’autre côté de la rue, l’École européenne croule sous les subventions.
Un bout de parking en moins
L’établissement a mobilisé 40 millions d’euros pour sa construction et scolarise des enfants de diplomates et des élèves strasbourgeois. Ouvert en septembre 2015, il attire toutes les attentions. Le CROUS et la Ville de Strasbourg ont décidé de lui céder un cinquième des places de stationnement de la cité U. Roland Momine, élu étudiant au conseil administration de la résidence universitaire se souvient :
« Nous n’avons pas été consultés mais juste informés le jour où ça s’est décidé. Même le directeur n’a pas eu le temps de nous prévenir à l’avance. »
Ces places représentent la moitié d’un des deux parkings jusqu’alors à la disposition des résidents. Ce demi-parking cédé a été rénové pour l’école contrairement à celui côté nord où les étudiants peuvent toujours se garer.
Quant à la partie restant aux étudiants, elle est pour l’instant inaccessible. Son marquage au sol est en attente depuis trois mois. Une barrière automatique a aussi été ajoutée sur l’autre parking. Jean-Luc Klingelschmidt, directeur de la cité universitaire de la Robertsau explique :
« Avant, les habitants du quartier alentours avaient pris leurs aises sur le parking de la résidence, c’est pour cela que nous avons mis en place une barrière. »
Les étudiants qui souhaitent y accéder doivent désormais verser 30 euros de frais de caution pour la location des télécommandes. Roland Momine observe :
« Du coup, beaucoup d’étudiants se garent en dehors des parkings. »
Autre rénovation surprenante, le CROUS de Strasbourg, qui gère l’ensemble des cités universitaires de la ville, a isolé et repeint la seule façade qui fait face à l’Ecole européenne mais n’a pas touché aux autres.
Pour Jean-Luc Klingelschmidt, il s’agit d’un hasard :
« C’est la façade la plus exposée donc celle qui avait besoin d’être refaite en premier. La rénovation du reste est prévue, mais il y a un ordre des priorités établi par le CROUS, pour l’ensemble des résidences de Strasbourg, à respecter. »
9 m² pour 186 euros par mois
À l’intérieur du premier bâtiment, à chacun des quatre étages, quelques étudiants vont et viennent entre leurs chambres et la cuisine commune au bout du couloir. Ils louent une chambre meublée de 9 m² pour 186 euros par mois et partagent cuisine et sanitaires avec la trentaine de résidents de leur étage.
Dans une des cuisines, Sarah, résidente depuis septembre, réchauffe rapidement des haricots verts qu’elle repartira manger dans sa chambre. Elle raconte :
« Mon emploi du temps est plutôt chargé entre les cours et le football que je pratique à haut niveau. Je ne suis ici que pour manger et dormir. »
La cuisine, sombre et en bout de couloir, est constituée d’une table usée sans chaise, de plaques vitrocéramiques sur un large plan de travail et d’un évier. Dans d’autres, on trouve parfois un four à micro-ondes. Mais personne ne s’en sert, doutant de sa propreté. La petite pièce est décorée d’affiches pour, pèle-mêle, rappeler aux résidents de jeter leurs ordures dans les poubelles, expliquer le tri sélectif et annoncer une représentation de la troupe de théâtre de la cité U.
Les activités organisées par les étudiants animent la résidence
La troupe de théâtre fait partie des activités organisées par le conseil des étudiants de la résidence. Charles-Antoine, étudiant en master de droit et arrivé de Tours à la rentrée dernière, raconte :
« C’est grâce à ces cours de théâtre que j’ai rencontré du monde et que je me suis fait des amis ici. »
Des soirées à thèmes, des projections de films, des soirées karaoké et des voyages sont aussi organisés par le conseil.
Dans le couloir, long et étroit, la lumière passe peu, surtout en ce mois de février. Parfois, des autocollants personnalisent les portes. Une femme de ménage nettoie les sanitaires, comme toutes les heures de la semaine, comme en témoigne les signatures sur la feuille de passage accrochée près des douches. Elle assure, avec un sourire :
« J’espère que les étudiants sont contents ici, mais je pense que oui. En tout cas, nous faisons notre possible. Mais en général, il n’y a pas beaucoup de problèmes. »
Une meilleure réputation qu’à Paul Appell
La cité universitaire de la Robertsau a meilleure réputation que la résidence Paul Appell de l’Esplanade, aussi réservée en priorité aux étudiants boursiers. Elle est réputée calme, située en dehors de la ville mais reliée au centre par ligne de bus 30. Le tram E est un peu plus loin, à 500 mètres. Louise, 28 ans, est arrivée du Cameroun il y quelques semaines pour suivre un master de droit. Filant à toute vitesse pour aller en cours, elle avoue souriante :
« Cet environnement est calme, bien et propre. C’est parfait pour étudier. »
Depuis 2014, le bâtiment 1 a une cafétéria et une salle de spectacles toutes neuves. Mais ces installations ont surpris les résidents qui constatent que des réparations quotidiennes, comme le remplacement des sanitaires défectueux, ne sont pas effectuées par manque de budget. Cristina, étudiante espagnole de 25 ans et résidente depuis un an et demi, relève la dégradation des lieux :
« Nous signalons dès qu’il y a un problème matériel à l’étage, mais ensuite rien. On reste sans réponse et rien ne se passe. »
Les sanitaires ne sont pas réparés. Certains étages se retrouvent avec une seule douche fonctionnelle. Les cuisines sont condamnées dès qu’un évier est bouché, privant l’ensemble des résidents de l’étage pendant plusieurs jours. Cristina poursuit :
« On comprend que le budget diminue et qu’il faille agir en fonction de priorités. Mais construire une salle des spectacles qu’on utilise rarement plutôt que de réparer les douches, ce n’est pas logique. »
Les punaises de lit, un problème qui dure
Le problème le plus sérieux de la cité U, ce sont les punaises de lit. Ces insectes tenaces et irritants font des ravages dans la résidence. Une fois l’invasion signalée, les étudiants touchés doivent emballer leur affaires dans des sacs poubelle pour les mettre au congélateur pendant trois jours, et laver leur linge dans une laverie spéciale… Quand celle-ci n’est pas fermée. Dans la semaine, leurs chambres sont traitées aux insecticides par une entreprise privée. L’intervention dure huit heures et le soir venu les résidents concernés peuvent reprendre leurs quartiers.
Mais cela suffit rarement et l’opération se répète pendant plusieurs mois. Sylvie Koenig, directrice adjointe de la résidence, déplore :
« On ne sait pas pourquoi les punaises reviennent. Parfois ce sont les étudiants qui ne respectent pas le protocole ou qui ne nous le signalent pas. »
Quand toutes ces mesures échouent, la résidence remplace le lit en bois. Mais ce changement peut prendre jusqu’à six mois, laissant pour ce temps les étudiants sans autre d’alternative que de cohabiter avec les bêtes.
C’est surtout sur le plan financier que les étudiants trouvent leur compte en venant habiter la résidence de la Robertsau. À Strasbourg, rares sont les logements disponibles en dessous de 200 euros par mois. Une rapide recherche sur le site d’annonces Le Bon Coin ne fait ressortir que quatre propositions pour ces critères de loyer, dont une pour une colocation dans un F1.
Julien, 24 ans et résident de la cité U depuis quatre ans, voit les avantages :
« Si je suis resté ici, c’est parce que c’était plus simple. Je n’avais pas à chercher autre chose. C’était moins cher. Il y avait mes amis et j’adore l’endroit, proche de la ville et des institutions européennes. »
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