Le contexte sanitaire laisse craindre une frilosité du public à venir repeupler les salles. Les mesures sont là : geste barrières et port du masque obligatoire durant toute la durée des spectacle. Mais il faut beaucoup d’énergie pour briser la glace qui a saisi les habitudes. Pour cela, cette saison organise de nombreux événements, en plus des spectacles.
Le festival OQP (Opération Quartiers Populaires), consacré aux cultures urbaines, sera de retour du 5 au 11 octobre. Le Point d’Eau accueillera pour l’occasion des concerts et récitals de rap. Les 13 et 14 novembre, ce sera le spectacle de Ragtime et de Boogie, Rag’n Boogie, du pianiste alsacien Sébastien Troendlé, qui y fêtera ses 10 ans.
Une partie des événements de l’Afrique Festival, en mars 2021, investiront également Point d’Eau. S’y tiendra notamment un double concert de Dobet Gnahoré et Sona Jobarteh le 20 mars. En plus de ces temps forts, le lieu met en chantier une résidence qui s’étendra sur trois ans, et qui a été elle aussi annulée la saison dernière. Ce projet Révolte(s), porté par le directeur du Point d’Eau Gérald Mayer et la metteure en scène Nadège Coste, devra aboutir à de nombreuses créations. Des installations sonores, des œuvres audiovisuelles et un spectacle interdisciplinaire : Je me révolte, donc nous sommes. Ce spectacle se tiendra dans le cadre de la première édition du Festival des Écritures Actuelles Jeunesse, qui se déroulera du 27 mai au 6 juin 2021. Un festival qui accueillera notamment Le Petit Chaperon Rouge de Joël Pommerat, l’adaptation théâtrale du fameux conte.
Un programme qui présente de multiples saveurs
Bon nombre de spectacles de cette année sont dédiés à l’émerveillement et au rire. La programmation accueille plusieurs compagnies de cirque, dès le début de la saison, avec La Nuit du cerf. Le cirque Le Roux joue sur une ambiance vintage et une esthétique cinématographique singulières. En tant que cirque contemporain, il s’agit plus d’un long spectacle uni que d’une succession de numéros. À noter, pour la première fois dans l’Eurométropole, le cirque montréalais Éloize présentera un spectacle. Ce sera Hotel, le 6 février, qui plonge dans un hôtel kitch et coloré où se croisent des personnages étonnants et voltigeurs en tenue de laquais.
Quant à l’humour, il sera multiple et grinçant, du nouveau spectacle d’Alex Vizorek, portant sur la mort, au duo de clowns masqués Hartmut Ehrenfeld et Michael Aufenfehn. Le public retrouvera également le rire typique alsacien, avec le passage des deux revues satiriques : la Revue scoute du 31 mars au 4 avril et la Choucrouterie les 15 et 16 mai.
Comme toujours, la saison du Point d’Eau est polymorphe. Entre les divertissements exaltants des comiques et des circassiens, plusieurs spectacles portent une histoire douloureuse.
C’est de cas d’Invisibles, qui fut annulé précédemment par le confinement. Le spectacle se penche sur une population oubliée de la France : les chibanis. Ces travailleurs immigrés du Maghreb, voici des décennies, vieillissent dans l’indifférence du pays qu’ils ont contribué à construire.
Et le cœur fume encore joue sur un registre similaire, celui de la mémoire refoulée de la France. Ce spectacle décortique les échos contemporains de la guerre d’Algérie, de ses traumatismes et des conséquences encore perceptibles. Cette pièce se sert directement du théâtre comme d’un témoin pour passer le relais de l’histoire.
Avec Je vole… le reste je le dirai aux ombres, c’est une histoire plus singulière qui est mise en lumière. Le spectacle cherche à cerner l’esprit du tueur de masse Richard Durn. À travers lui, les artistes fouillent dans la motivation du crime, dans ce qui pousse à sa réalisation. Ces spectacles, bouleversants et engagés, font du Point d’Eau un lieu d’art politique, et pas uniquement de plaisir.
Sous la menace du coronavirus…
Le directeur du Point d’Eau Gérald Mayer ne le nie pas : le confinement a porté un rude coup aux salles de spectacles. Bien que les normes sanitaires actuelles lui autorisent de remplir entièrement sa salle de 600 places, il reste prudent. C’est pour cela que, pour l’instant, seulement la moitié des places a été mise en vente. Le reste sera proposé les derniers jours précédant les spectacles.
L’organisation de la saison a aussi été chamboulée. Outre le report d’un certain nombre de spectacles (Invisibles, L’Inizo ou encore Old’up), le début de la programmation est qualifié de « plus léger » par son directeur. Janvier semble être l’horizon à atteindre. Il faut espérer qu’alors, la situation sera propice à accueillir les plus grosses productions, programmées pour la deuxième partie de la saison.
L’impact économique est notable pour le Point d’Eau. En plus des nombreuses places à rembourser, les soutiens financiers promettent d’être plus chiches. Le Point d’Eau désire donc s’orienter vers une politique de co-réalisations afin de limiter ses coûts. La petite salle du lieu, peu sollicitée dans la programmation, pourra devenir un outil afin de créer des partenariats, et d’accueillir des résidences.
Le programme que présente le Point d’Eau est très ambitieux, avec de nombreux événements et des spectacles d’envergure, malgré la crise sanitaire et les contraintes économiques. Reste à espérer qu’un nouveau sursaut de l’épidémie ne vienne pas amputer cette saison comme la précédente.
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