L’union fait-elle toujours la force ? Ce n’est pas l’avis de petits brasseurs, qui ont préféré fonder leur propre syndicat professionnel. Une entité qui s’ajoute aux Brasseurs de France, qui était la seule association représentative de la profession, depuis sa création en 1880.
Brasseurs de France est financé et administré en majorité par les grandes brasseries industrielles comme Heineken (marques Heineken, Pelforth, Desperados et Fischer) et Carlsberg (marques Kronenbourg, 1664, Grimbergen).
Le boom des micro-brasseries
Mais depuis les années 2000, il y a eu l’explosion des brasseries artisanales. Là où le nombre d’enseignes françaises était d’environ 50 à la fin des années 1990, on en compte environ un millier aujourd’hui.
En juin 2016, quelques brasseurs fondent le Syndicat National des Brasseurs Indépendant (SNBI), limités à ceux dont la production n’excède pas 400 000 hectolitres par an. Nos amis de Rue89 Lyon retracent en détail les raisons de ce divorce avec l’unique syndicat. Selon des membres du SNBI, les Brasseurs de France, à la demande des brasseries industrielles, s’occupent beaucoup des questions de fiscalité ou de lois sur la publicité d’alcool, ce qui ne serait pas la priorité des petites brasseries. La rédaction d’un décret en 2016 qui n’a changé qu’à la marge la recette de la bière (identique depuis 1992) a aussi créée des déceptions d’artisans.
Les Brasseurs de France estiment de leur côté avoir refondé leurs statuts pour donner une place plus importante aux petites brasseries dans le syndicat par rapport à leur taille (65% des voix contre 95% du financement). Brasseurs de France est présidé depuis 2014 par l’alsacien François Loos. Ancien ministre, toujours membre du conseil municipal de Strasbourg dans l’opposition (UDI), ancien ingénieur et directeur d’usine, le polytechnicien n’a néanmoins jamais brassé de bière, pas plus que le directeur actuel.
Pas mal d’adhérents mais des petits volumes
Neuf mois plus tard, le SNBI revendique 188 adhérents, soit bien plus que Brasseurs de France (88 membres). Mais le syndicat historique représente toujours 95% de la production nationale. En Alsace, on ne compte que cinq brasseries membres du SNBI : Sainte Cru, Blessing, Marcaire, G’Sundgo et Matten.
Non-syndiqué depuis le lancement de son activité en 2014, Thomas Blessing, co-fondateur de la brasserie du même nom, est devenu référent départemental pour le Bas-Rhin :
« Les intérêts des industriels ne sont pas toujours les mêmes que ceux des petites brasseries. Le syndicat des brasseurs indépendants a notamment pour projet de mettre au point un label pour garantir que la bière est brassée sur place et éviter de tromper sur la provenance. Ce qu’on appelle “la bière d’étiquette” est une pratique qui se développe en France et qui peut nous faire du tort. »
Un engouement alsacien timide
Pourquoi seulement cinq brasseries alsaciennes ? Il faut dire qu’en Alsace, le paysage est atypique. Plus de la moitié de la production nationale y est brassée, avec la présence des usines des deux géants de la bière (Kronenbourg à Obernai et Heineken à Schiltigheim), sans oublier Meteor et Licorne.
L’association régionale des Brasseurs d’Alsace permet désormais à toutes les brasseries domiciliées en Alsace « et même dans les environs » d’adhérer (des critères de taille ou d’ancienneté existaient par le passé). Ailleurs en France, il n’y a pas toujours d’association régionale, notamment quand la culture brassicole est récente.
Pour les petites brasseries, il est donc possible d’avoir la double, voire la triple adhésion (Brasseurs d’Alsace, de France et SNBI). Mais mis bout à bout tout cela prend du temps, surtout pour des petites structures artisanales gérées par une poignée de personnes. En France, la majorité des brasseurs (environ 750) ne sont pas syndiqués.
Des brasseries partout
Même s’il n’a pas adhéré alors qu’il serait éligible, le directeur de la brasserie Uberach et président des brasseurs d’Alsace depuis 2016, Éric Trossat voit plutôt d’un bon œil l’arrivée du SNBI :
« Sur le principe, c’est une bonne chose qu’il y ait plusieurs structures. Cela laisse le choix entre quelque chose de plus grand avec plus de moyens et une autre associations avec d’autres brasseurs à la situation plus similaire. Seul, on ne fédère jamais toute une profession. Et puis historiquement, les Brasseurs de France n’étaient pas faits pour s’adresser à autant de brasseries, comme on a aujourd’hui. C’est pour cela qu’ils souhaitent désormais s’appuyer sur des associations régionales. Le marché grandit en France et on part de tellement loin qu’il y a de la place pour tout le monde. »
Pour autant, les deux associations nationales et les brasseurs d’Alsace ont un rôle différent :
« Le syndicat national fait plutôt de la veille législative et informe ses adhérents sur les changements, là où les brasseurs d’Alsace ont surtout un rôle d’animation économique de la région. »
Il n’existe pas de déclinaison régionale du tout jeune SNBI. Néanmoins, les cinq brasseurs alsaciens auront l’occasion de se retrouver lors de la première assemblée générale le 21 avril.
Les brasseries artisanales ont déjà montré qu’elles savaient organiser leurs propres événements, comme avec « Les brasseurs font le printemps« , dont la deuxième édition s’est tenue à Neudorf fin mars
Chargement des commentaires…