Muni d’un mégaphone, Alexandre Welsch court sans cesse dans les rues de Strasbourg pour haranguer ses collègues cheminots. Ce jeudi 9 janvier, cinquième jour de manifestation contre la réforme des retraites, le secrétaire général du syndicat Sud Rail Alsace a décidé de « prendre le rôle de meneur ». Pour faire durer cette mobilisation, déjà historique au sein de la SNCF, « il faut que ça vive, l’ambiance c’est très important, ça donne envie aux gens de revenir. »
Plus de 4 500 manifestants
Le mouvement contre la réforme des retraites dure depuis plus d’un mois. Le 5 décembre, lors de la première journée de mobilisation, plus de 10 000 personnes étaient descendues dans les rues strasbourgeoises. Puis le chiffre était descendu à 3 000 lors de la deuxième manifestation… Toujours selon notre décompte, plus de 4 500 personnes ont manifesté ce jeudi 9 janvier (3 700 selon la police).
Pour Anne, 47 ans et infirmière dans une entreprise à Sélestat, la longévité du mouvement n’a rien d’étonnant :
« Quand on parle d’argent, les gens sont dans la rue. Moi, avec la réforme, je risque de perdre 400 euros par mois si je pars à la retraite à 62 ans. Avec cinq jours de grève, je n’ai rien perdu par rapport à ce que la réforme me fera perdre. »
La pénibilité en toile de fond
Parmi les rangs des manifestants, il y a les habitués et les débutants. Agent d’usinage à Haguenau, Jérôme vient d’intégrer le syndicat CGT de son entreprise. Le jeune Alsacien se mobilise pour faire reconnaître la pénibilité de son travail : « Entre le travail de nuit et le port de charge lourde, je dois déjà voir un kiné trois ans après avoir commencé à bosser… »
« L’enjeu est terrible »
Dans le cortège, syndiqués comme syndicalistes décrivent une mobilisation aussi cruciale pour l’avenir de la contestation en France. Laurent Feisthauer, secrétaire académique de la CGT Educ’action Alsace :
« L’enjeu est terrible. Après la réforme du bac, de la formation professionnelle, du primaire et la réforme du dialogue social dans la fonction publique… On va vers la perte de notre statut, de tout ce qui a été construit depuis 1945 dans la Fonction publique. Tout ça est rejeté pan par pan et la retraite, ce sera le morceau ultime. Si nous laissons passer cette réforme, ça va être très difficile de mobiliser derrière les collègues. »
Yannick, agent de maintenance à la SNCF, est en grève depuis le 5 décembre. « C’est presque un mois de salaire que j’ai perdu », souffle-t-il. Pour le cheminot, la caisse de grève représente un petit espoir de compensation. Un peu plus loin, Denis, intermittent du spectacle à la retraite, a « cotisé 500 euros pour une cagnotte (il en existe plusieurs, décrites dans cet article, ndlr) »
« Les seuls rebelles avec des syndicats forts »
Interrogé sur les raisons de sa détermination, Yannick dit reprendre espoir avec « les raffineries qui se greffent au mouvement, ça peut faire plier le gouvernement en perturbant encore plus l’économie. » L’agent de maintenance se sent aussi investi d’une mission plus large : « Nous les cheminots, on est encore les seuls rebelles avec des syndicats forts en France. Si on n’est pas là, il n’y a pas de contestation. »
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