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Réfléchir sur le Strasbourg de demain, le nouveau chantier de Syamak Agha Babaei

Positionné à l’aile gauche de la majorité strasbourgeoise, Syamak Agha Babaei va lancer à son tour des réflexions sur l’avenir de la ville autour de la sociale-écologie, pour déboucher sur un collectif ou un mouvement politique.

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Réfléchir sur le Strasbourg de demain, le nouveau chantier de Syamak Agha Babaei

Syamak Agha Babaei a l’habitude des grands travaux. Vice-président de l’Eurométropole en charge du logement, il visse son casque de chantier aux quatre coins de Strasbourg et des 32 communes environnantes. Mais à l’entame de la deuxième moitié du mandat municipal, il va tenter de mener une autre grande construction, de plusieurs années. Cette fois, moins de poussières et de coulées de béton, mais plus de rencontres en petit comité. Il s’agit d’un projet politique à long terme pour Strasbourg.

Lui n’a pas organisé de conférence de presse, ni annoncé la création d’un groupe, mais il commence à sonder qui est partant pour l’aventure. Certains membres du PS, où il a milité pendant 15 ans avant de rendre sa carte fin 2015 sur fond de désaccords sur la politique économique et la déchéance de nationalité, veulent l’aider. Dès la rentrée, il proposera des rencontres, publiques et fermées, pour repenser la ville à long terme.

Quelle ville dans 20 ans ?

Dans son bureau, le médecin urgentiste aborde l’avenir avec enthousiasme :

« Pour la fin du mandat je suis au clair. Je vais m’atteler à ma mission dans l’habitat que j’apprécie et continuer mon métier à 80% du temps. Pour le reste, je ne veux pas dépenser mon énergie dans des luttes internes mais questionner l’avenir de Strasbourg. À quoi voulons-nous que notre ville ressemble dans 20 ans ou 30 ans ? Catherine Trautmann (maire PS de 1989 à 1987 et 8 mois en 2000/2001, ndlr) avait cette capacité de projection. Le tramway ou le quartier de la Laiterie marquent encore la ville aujourd’hui. »

La forme est encore à définir : un mouvement, un collectif… mais elle se veut « souple ». Lui qui a adhéré au « Mouvement du 1er juillet » de Benoît Hamon, ne prétend pas en tout cas superposer cet engagement au niveau local. Cela semble être désormais l’ambition de La Coopérative, un mouvement strasbourgeois autour de 7 élus du conseil municipal.

Il est aussi conscient que se mettre derrière le candidat des 6% (mais champion des scrutins alternatifs) peut servir de repoussoir. De son côté, il espère créer une force politique locale « transpartisane » :

« Il y a forcément un imbrication entre national et local, mais c’est au niveau des villes que s’invente l’avenir. Elles concentrent les richesses mais aussi la pauvreté. Les clivages droite/gauche ou celui peuple/élites de Jean-Luc Mélenchon ne vont pas disparaître, mais ils ont montré des limites. »

Contre « les phénomènes de cour »

Quant à la création de deux nouveaux groupes au conseil municipal, il y voit « une accentuation des phénomènes de cour », uniquement « dans l’optique de se placer sur une liste 2020 ». Pour cette raison, il n’a pas rejoint la Coopérative :

« L’avenir de Strasbourg ne se dessine pas au sein du conseil municipal, mais avec les gens de la ville, les personnes mobilisées dans des associations ou des ONG. Mes positions sont connues et j’ai déjà pu exprimer mes oppositions avec le maire, je n’ai pas besoin de groupe. Je me suis fait à l’idée que je n’ai aucune obligation d’être réélu. Si ce n’est pas le cas, je reprendrai mon travail à plein temps. »

Avec une certaine franchise, il s’accorde « un droit à échouer ». À droite (Éric Senet) et à gauche (Éric Schultz), des élus ont déjà tenté des rencontres en dehors de tout cadre partisan, mais ces initiatives se sont vite essoufflées. Les rencontres qu’il va mener vont s’intéresser en particulier à la transition démocratique, sociale et écologique.

Syamak Agha Babaei a pas mal d’idées pour Strasbourg à l’avenir mais veut en parler avec les habitants (Photo Pierre France / Rue89 Strasbourg)

À l’assaut de la transition démocratique…

Sur la démocratie locale, il fait le constat simple que le dialogue n’est pas suffisant :

« Il n’y a pas d’espace où les élus et les habitants débattent réellement de leur ville. Il n’y a que les réunions publiques où les rôles sont convenus. On a fait des choses, mais on n’a pas tout réussi. Une instance comme le conseil de développement va dans ce sens. On est souvent réduit à des luttes micro-locales, parfois à l’échelle d’une rue, comme si les citoyens n’étaient pas capable de réfléchir à l’échelle de l’agglomération. Dans mon domaine du logement, on entend ceux qui sont contre, mais jamais les 20 000 personnes sur liste d’attente dans le parc social. »

… sociale…

Sur le volet social, il en appelle à « l’humanisme rhénan » de Strasbourg, souvent invoqué à tire-larigot par les dirigeants alsaciens :

« Otto von Bismarck (chancelier allemand de à) avait comme politique que personne ne devait terminer dehors. Cela parait inimaginable aujourd’hui à l’heure où parfois 500 personnes dorment dans la rue à Strasbourg. Il faudrait qu’on soit en mesure d’au moins proposer une solution à chacun. On ne peut pas être dans des batailles institutionnelles entre les financements de l’État ou de la Ville. Et pour gérer certains espaces, on peut faire confiance à des usagers de la rue, en fixant un cadre. »

Il imagine un lieu d’expérimentation sociale, « comme auraient pu être la Coop ou la Manufacture des Tabacs ». Il prend pour exemple les Grands voisins, à Paris, où la mairie a confié un ancien hôpital pour quelques années à des associations qui ont créé un espace auto-géré et solidaire.

… et écologique

Enfin sur l’aspect écologique, il se trouve au premier rang d’un sujet polémique, qui devrait marquer la deuxième partie du mandat. À l’heure où certains quartiers s’achèvent et que d’autres chantiers débutent, il est souvent accusé de « bétonner » la ville, au rythme soutenu de 3 200 logements par an.

« Nous n’allons pas plus vite que les autres grandes villes », nuance-t-il en faisant valoir que « pour la première année, des familles sont revenues à Strasbourg. Les loyers sont stables et plus faibles que dans les autres métropoles (9,8€/m² + 0,1€ depuis 2014) », voyant ainsi les premiers fruits de cette politique.

Sur ce thème, il a dû faire preuve d’un certain art de la synthèse. En deux ans et demi, il a dû élaborer le plan local d’urbanisme avec les maires de droite des environs. Une gageure quand on vient de l’aile gauche de PS et que l’on est parfois perçu comme dogmatique.

Et s’il assume sa politique volontariste, « Monsieur Logement » n’est pas contre la nature en ville :

« Nous avons de grands parcs, pas toujours connus de tous les Strasbourgeois comme ceux de la Bergerie ou du Schulmeister. Mais ce qui manque, ce sont des petites respirations dans les interstices, comme il en existe même à New York, en plus du poumon vert de Central Park. L’Esplanade a beaucoup de surfaces d’espaces verts, mais ces espaces sont fermés, gérés par une association de copropriétaires. Il y a des usages à réinventer. »

Tout le monde veut faire de la sociale-écologie

À ce stade, comme pour les autres mouvements, il est trop tôt pour dire si ce processus peut déboucher sur une liste. La sociale écologie est en tout cas très prisée. Rien qu’à Strasbourg, la Coopérative, la France insoumise veulent plus ou moins se placer sur ce credo, sans oublier les partis traditionnels (PS et EELV). Il faudra bien à un moment que tout ce petit monde se parle, au risque de se retrouver atomisé, et donc inaudible.

« Ces débats peuvent déboucher sur un lobby citoyen, qui compare les programmes », avance comme autre possibilité Syamak Agha Babaei. L’élu est en tout cas imprégné d’une intuition : « La composition du conseil municipal en 2020 sera très différente de celle d’aujourd’hui ».


#politique de la ville

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