C’est soir de match à Strasbourg pour la réception de Dijon. Devant les gradins, la bière coule à flots et les fours à tartes flambées tournent à plein régime. Autour de longues tables en bois, certains supporters discutent et chantent déjà depuis plusieurs heures.
Pour David, c’est une première. Il est Allemand et travaille dans un magasin de photos à Kehl :
« Des collègues français n’arrêtent pas de me parler du Racing. Donc il fallait bien que je vienne voir ça ! En tous cas, je suis impressionné de la ferveur qu’il y a ici. Le match commence dans plus d’une heure et c’est déjà noir de monde ! Ça n’a rien à voir avec Fribourg où je vais aussi parfois. »
L’ambiance de la Meinau très réputée outre-Rhin
Cette même ferveur a fait succomber Peter à l’amour du Racing il y a maintenant plus de quarante ans. Il vient d’Oberkirch, à 30 km de Strasbourg. Son père lui a fait découvrir la Meinau dans les années 70.
La première fois, il avait la vingtaine et était venu pour un match amical contre Cologne :
« J’ai eu le coup de foudre pour Strasbourg. L’équipe jouait tellement bien ! C’était la grande époque, surtout avec le titre de champion de France en 1979. Au-delà du jeu, ici il y a un engouement que je n’ai trouvé nulle part ailleurs. Ni à Karlsruhe, ni à Fribourg, ni à Stuttgart, ni à Cologne. »
« L’Alsace, c’est aussi un peu chez moi ! »
Pourquoi aller voir des matchs ailleurs quand on habite à côté de Strasbourg ? Stefan, un autre supporter allemand, habite à quarante minutes de la capitale alsacienne. Pour lui c’est logique de supporter le Racing :
« Certains proches ne comprennent pas trop, ils ont l’impression que Strasbourg est loin parce que c’est en France. Mais c’est la grande ville la plus proche de chez nous ! »
Stefan n’est pas le seul Allemand à avoir l’impression d’être un peu à la maison à Strasbourg. Philipp, la vingtaine, vient aussi de l’Ortenau et ne loupe aucun match à la Meinau :
« Avec mes parents, on va souvent en vacances dans la vallée de Munster, maintenant je fais mes études à Strasbourg donc l’Alsace c’est aussi un peu chez moi ! »
Depuis le début de la saison, Philipp transmet sa fièvre bleue et blanche au petit frère de sa copine qu’il emmène aux matches. Le jeune supporter d’une dizaine d’années réclame d’ailleurs déjà son écharpe estampillée RCSA.
Le Racing fait les yeux doux à ses supporters allemands
Il est très difficile de savoir exactement combien de personnes traversent le Rhin chaque semaine pour venir à la Meinau. Certains supporters assurent que, dans les années 70, des Allemands venaient d’Heidelberg et de Tübingen pour encourager le Racing. Ce qui représente plus d’une heure de route. Forcément, quand Strasbourg est descendue dans les méandres du football français, ce n’était pas la même histoire. Mais Stefan se souvient :
« Même quand on était redescendu, quand il faisait -5°C et qu’il y avait plus de brouillard que de supporters dans les tribunes, j’étais là. »
Au-delà des témoignages, le seul chiffre sur lequel il est possible de s’appuyer est celui du nombre d’abonnés allemands qui s’élève à 130 cette saison. Les dirigeants du Racing ont compris le réservoir de supporters que représente l’Allemagne. Il y a un an, le club a lancé sa page Facebook et un compte Twitter en allemand avec respectivement 3 200 abonnés et 620 followers.
Pour l’occasion, certains joueurs et le président Marc Keller avaient joué le jeu en glissant quelques mots de bienvenue en allemand dans une vidéo. D’après le club, c’est la première fois que le Racing mène une politique qui s’adresse directement à ses supporters allemands. Ça a particulièrement plu à Philipp :
« C’est un geste qui montre que, en tant que supporters allemands, on compte aux yeux du club. »
L’avenir dira si cette politique aura été fructueuse. En tous cas, le Racing peut compter sur la presse régionale allemande pour faire de nouveaux adeptes. Plusieurs journaux suivent l’actualité du club et offrent des résumés de matchs dans leurs colonnes.
Un élément commun des deux côtés du Rhin
Proviseur dans un lycée professionnel à Oberkirch, Peter constate à quel point le RCSA s’ancre dans les esprits de l’autre côté de la frontière avec les années :
« Quand je demande à mes élèves ce qu’ils connaissent de Strasbourg, ils me répondent : la Cathédrale, Rivétoile et le Racing. »
D’ailleurs, il est convaincu que le Racing peut et doit jouer un rôle fédérateur au niveau régional, un peu comme les équipes nationales pendant la Coupe du monde :
« Ce club rassemble des gens des deux côtés de la frontière. Il peut y avoir la meilleure volonté politique du monde en ouvrant les frontières mais il doit surtout y avoir un ciment commun. Notre région transfrontalière a besoin du RCSA. »
En revanche, pendant les grandes compétitions internationales, les supporters strasbourgeois d’outre-Rhin restent avant tout Allemands. Même si beaucoup reconnaissent que, pour le Mondial 2018, leurs espoirs se sont vite tournés vers les Bleus, au vu de la prestation de la Mannschaft, éliminée dès le premier tour.
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