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Ce qu’il faut retenir du livre de Robert Herrmann

Le premier adjoint au maire PS de Strasbourg et conseiller général du canton centre-tribunal, Robert Herrmann, publie ce lundi 16 septembre un ouvrage politique intitulé « Strasbourg en tête, stratégies à partager ». Dans ce livre-programme, Robert Herrmann affiche de profondes divergences avec Roland Ries, notamment sur la mobilité.

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Ce qu’il faut retenir du livre de Robert Herrmann

Le livre de Robert Herrmann sort en librairie le 16 septembre (Photo MM / Rue89 Strasbourg)
Le livre de Robert Herrmann sort en librairie le 16 septembre (Photo MM / Rue89 Strasbourg)

Neuf chapitres, 208 pages et une thématique centrale, le numérique, « pivot de notre politique » pour développer la ville « dans le monde à venir » (p. 5 et 6). Ce choix d’orientation, adossé à la nécessaire « compétitivité » de Strasbourg dans le grand marché des villes et des pays, choix affirmé dès les premières lignes du livre « Strasbourg en tête, stratégies à partager », surprend sous la plume d’un homme politique encarté au Parti socialiste depuis 35 ans. On est bien loin de la doxa de gauche, traditionnellement tournée vers la solidarité, le lien social, la coopération, le soutien apporté aux plus faibles.

Alors que Robert Herrmann, premier adjoint au maire de Strasbourg et conseiller général du quartier centre-tribunal, « avait promis de ne pas transformer ce livre en programme de campagne » (p.183), il dresse tout au long de son ouvrage un portrait de Strasbourg idéal, Strasbourg dont il « rêve » (trois occurrences), ville numérique, attractive et… compétitive, donc.

« Politique des petits pas »

Dans ce livre, qui sort au beau milieu de la période de dépôt des candidatures à la liste de liste PS aux élections municipales de 2014, l’élu, qui siège au conseil municipal de Strasbourg depuis 1989, comme adjoint au sports de Catherine Trautmann entre 1989 et 2001, dans l’opposition sous l’ère Tandem, puis en tant que 1er adjoint depuis 2008, revient sur son parcours. Issu des classes moyennes, il grandit rue du Jura à l’Esplanade, à proximité des entrepôts Seegmuller, aujourd’hui en complète reconversion. Dans les années 1970, il approche « les utopies d’extrême gauche » mais, « fervent démocrate, préférant la politique des petits pas à une hypothétique révolution » (p. 22), il adhère au PS en 1979.

Outre son parcours, l’élu décrit dans son ouvrage les mécanismes qu’il voudrait voir à l’œuvre dans la ville, lui qui, rappelons-le, n’est pas un petit nouveau dans les postes de responsabilités. Sans attaquer de front son patron, le maire de Strasbourg, dont il assure qu’il restera le 1er adjoint jusqu’à la fin du mandat, Robert Herrmann critique ouvertement le mode de gouvernance de l’ère Ries. Il déplore par exemple une collaboration insuffisante entre la CUS et la Région Alsace dans le domaine « de l’attractivité [et] de la compétitivité économique du Rhin supérieur » (p. 77). L’un de ses chevaux de bataille : le lobbying régional, pas assez réfléchi collectivement et inefficace face à des collectivités mieux organisées, comme Bâle. « Ce travail [de rendre visible les points forts de Strasbourg] n’a pas été fait » (p. 66).

« Une réelle estime » pour Philippe Richert

Pas question néanmoins de se fâcher avec ses partenaires UMP, Philippe Richert, président de la Région, « une personne envers laquelle [il a] une réelle estime » (p. 103) et Jean Rottner, maire de Mulhouse, dont il partage certaines orientations politiques (p. 72), comme celle de « donner de la valeur ajoutée à l’ensemble de la population et bien entendu au monde économique »… Par un mot sur Pierre Freyburger, opposant PS à Jean Rottner à Mulhouse, qu’est allé soutenir sur place avec Roland Ries dimanche dernier. Les collègues de la majorité apprécieront.

Outre le maire et Catherine Trautmann d’ailleurs, à qui Strasbourg doit une décennie 1990 véritable « âge d’or » pour son ex-adjoint aux sports, très peu sont cités, sinon Eric Schultz (EELV), pour la démocratie locale et sur ce que le Premier adjoint appelle la « polémique inutile et contre-productive » sur les antennes relais (p. 51), Philippe Bies pour le logement (qui a « magnifiquement », a-t-il fait remarquer jeudi 12, exécuté sa tâche) et Jacques Bigot, pour le travail de dématérialisation des services publics engagé à Illkirch-Graffenstaden.

Vocabulaire managérial

Dans un autre chapitre, en écho à son travail « d’employeur » des 8 000 agents de la CUS, Robert Herrmann appelle de ses vœux un « contrôle et [une] évaluation rigoureuse du service public » (p. 96). Une commission de réflexion a d’ailleurs été créée pendant le mandat pour réfléchir sur la définition de ce service public. Le 1er adjoint évoque aussi la crise avec les syndicats suite à la publication du rapport de la cour régionale des comptes. Crise réglée en mai dernier.

Tout au long de l’ouvrage, et notamment sur ces questions de personnel, si le ton est apaisant, le vocabulaire lui est résolument managérial, à la sauce 2.0. L’élu évoque son passage dans le privé (il est cofondateur d’une entreprise dans les années 2000, qu’il quitte en 2008, p. 199). On sent chez lui une admiration pour les patrons de PME, ces entrepreneurs qui prennent des risques et avec lesquels il s’attable régulièrement aux quatre coins de son quartier, la Neustadt. En manager de Strasbourg, lui souhaiterait pouvoir booster les points forts de la métropole pour attirer les chercheurs et ingénieurs, les touristes et investisseurs… Les gens qui ont de l’argent.

Un casino, un spa et des « plantations dissuasives »

Dans cette optique, on comprend mieux son empressement à vouloir privatiser au moins partiellement, via un partenariat public-privé (on s’achemine aujourd’hui vers une société publique locale), les Bains municipaux pour en faire des thermes façon Caracalla. Page 181 :

« Renforcer notre rôle européen, c’est aussi se doter des moyens de plaire à cette part de clientèle qui apprécie de trouver sur place de telles prestations [spa et casino], et je souhaite que la rénovation des Bains municipaux ajoute très vite à notre panoplie d’atouts les charmes de cet établissement unique. »

Pour attirer – l’alpha et l’oméga d’une ville augmentée, avide de croissance – ces populations à forte valeur ajoutée (intellectuelle, financière, culturelle), Robert Herrmann préconise tout un tas d’autres mesures : un conseil strasbourgeois de l’Europe parlementaire, citoyenne et démocratique, une équipe composée d’élus, d’entrepreneurs, d’universitaires capable d’aller vendre Strasbourg en dehors de ses frontières, mais aussi, plus anecdotique, des « décorations de nos entrées de ville, [des] bannières et drapeaux affichant avec force nos couleurs européennes » (p. 187), une exposition sur Strasbourg à l’aéroport et à la gare, une vaste zone wifi en ville, un festival estival (sic) du film européen (p. 191), des panneaux (pourquoi pas tactiles) sur les berges de l’Ill, où il est désormais interdit de boire de l’alcool et où « un aménagement paysager empêchant l’installation de groupe, grâce à des plantations dissuasives », promet aux riverains le calme d’une ville bourgeoise…

Un programme de droite ?

« Notre ville a besoin d’un maire audacieux et visionnaire, partenaires des milieux économiques, touristiques, culturels et scientifiques. » Un « maire de droite » s’offusquent des socialistes en coulisses. A la Fête de la rose dimanche dernier, Roland Ries a dit avoir lu ce livre, « une contribution au débat », et y avoir trouvé des « propositions intéressantes ». Il a quand même relevé quelques positions divergentes entre lui et son 1er adjoint, notamment sur la place de la voiture en ville (p. 44).

Ce dernier préconise notamment la construction de parkings « en ouvrage » à proximité des logements et de réserver les places de stationnement en voirie aux voitures de passage. « Une ville « post-carbone », sans voitures au centre-ville, est inenvisageable. » Dont acte. Si Robert Herrmann en vient à accepter le pôle mobilité-transports-urbanisme proposé par Roland Ries pour éviter une « primaire suicidaire » au PS, les deux hommes devront accorder leurs violons sur ce thème… et sur bien d’autres. Fin du suspense le 23 septembre.

Y aller

Présentation du livre de Robert Herrmann, lundi 16 septembre à 18h30 à l’Art Café, en partenariat avec la librairie Kléber.


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