Ils l’ont cherché leur squat et ils l’ont déniché au bout d’une longue rue calme de la Robertsau, à proximité d’un terrain de sport et de petits jardinets. Les six occupants, dont trois étudiants, se renseignent alors auprès du cadastre, car ils souhaitent intégrer un lieu qui appartient à la collectivité. C’est le cas pour cette maison qu’ils occupent donc depuis octobre. Aux dires des habitants, leur projet pour ce squat se fonderait sur « l’envie de remplir un lieu vide et partager une expérience collective ».
La visée sociale ou culturelle, portée dans certains projets d’ouverture de squats, n’est pas clairement établie pour celui du 69 (à la différence, par exemple, de la Maison Mimir et la conclusion d’un bail emphytéotique de 20 ans, acté lors du conseil municipal de février dernier). Changement des barillets, ouverture du compteur électrique, inscription des noms au gros feutre noir sur la boîte aux lettres, la bande trouve son rythme de vie, jusqu’à ce qu’une société d’élagage repère sa présence en janvier. Les jeunes ne veulent pas quitter les lieux : le bailleur social Habitation Moderne dépose une plainte.
Le 17 février, le tribunal ordonne une expulsion après le 26 mars, le paiement d’une astreinte provisoire de 1000€ par jour de retard et une amende de 100€ par habitant.
Les occupants expriment alors leur souhait de dialoguer avec Philippe Bies, adjoint au maire en charge du logement et vice-président de la CUS, et se rapprochent de Paul Meyer, conseiller municipal, délégué à la vie étudiante. Dans une lettre adressée au Préfet de région, Pierre-Etienne Bisch, les habitants invoquent l’argument de la poursuite de leur année universitaire pour demander un délai d’occupation des lieux. Un compromis avec la Ville vient d’être trouvé. Les squatteurs s’engagent à quitter les lieux d’ici le 15 juin. D’ici là, il ne sera pas fait usage de la force publique.
Des travaux de mises aux normes coûteraient 110 000€
Quand la ville a acquis la maison il y a une petite dizaine d’années, celle-ci était occupée. Le lieu est inhabité depuis environ 1 an et demi, suite à l’expulsion des anciens locataires pour des arriérés de loyers de plusieurs dizaines de milliers d’euros. Les travaux, pour remettre la maison aux normes minimales d’habitabilité et de confort sont estimés à environ 110 000€. Or la question se pose, lorsqu’un bien entre dans le giron du patrimoine public, du coût des travaux de réhabilitation, surtout si celui-ci est voué à la démolition quelques années après. Car selon l’adjoint au maire en charge du logement :
« L’objectif est de posséder le moins d’immeubles vacants dans le patrimoine de la ville, même si l’aménagement du territoire représente une politique de moyen et long terme. »
La possibilité d’acquérir des biens en vue de l’aménagement de l’espace public est réservée à la communauté urbaine (CUS). Cette maison du 69, érigée dans le périmètre stratégique des institutions européennes, est donc une exception. C’est à l’époque la Ville qui l’avait acquise pour un projet d’aménagement de l’espace public. Un argument engagé contre la présence des occupants du squat du 69. Leur avocat, maître Guy Bénichou, confirme pourtant que « rien n’a pu être invoqué dans le sens de cette décision d’aménagement de la voirie ».
Vacance des logements : taxes dans le privé, ventes dans le public
En 2008, selon l’INSEE, les logements vacants dans l’aire urbaine de Strasbourg représentaient 6,1% du parc immobilier global. Une vacance en partie responsable de la hausse du prix des loyers pour Monique Maitte, porte-parole du collectif SDF Alsace. Elle n’aurait ainsi « pas d’état d’âme à réquisitionner les biens appartenant aux organismes financiers, laissés vacants pour spéculer sur les prix et les loyers ».
La taxe d’habitation sur les logements vacants depuis plus de cinq ans, entrée en vigueur à Strasbourg en janvier 2011, aurait pour le moment un impact difficilement mesurable. « La petite difficulté réside dans la baisse du nombre de logements soumis à la taxe par rapport à l’année précédente, sans en connaître encore la raison précise. Il se pourrait que des biens soumis à cette taxe une année, aient été transformés en bureau des années auparavant sans que cela ait été intégré. D’autres biens ont pu avoir été remis en location ou d’autres logements encore ont pu obtenir une dérogation en raison de la largesse de cette loi », précise Philippe Bies. Les propriétaires peuvent aussi adresser des demandes de subventions pour travaux dans le but de louer. La sortie de la vacance est récompensée par une prime de l’ordre de 1000€, le tout cofinancé par la CUS et l’agence nationale de l’amélioration de l’habitat.
Objectif : vente, au public ou au privé
Philippe Bies reconnaît qu’il existe un taux de vacance des logements sociaux de 3% chez les bailleurs. La totalité des immeubles vacants du parc public tend, elle, a être vendue.
« La vocation d’une collectivité n’est pas de gérer du patrimoine. Après inventaire du patrimoine municipal, une opération de vente du vacant à des bailleurs sociaux a été lancée il y a un an et demi. »
Ainsi, 70% des appels d’offre pour la vente des immeubles vacants se font à destination des bailleurs sociaux. Si les travaux ne sont pas lancés dans un délai de deux ans, les biens retournent à la collectivité. Les bailleurs sociaux s’engagent à en faire du logement social, voire très social. Une mesure appliquée, y compris dans l’ellipse insulaire du centre-ville, notamment avec la vente d’un bien quai des Bateliers. La Mairie veut construire 1500 logements sociaux par an. Un objectif atteint, en 2010 en tout cas, année durant laquelle 2500 logements aidés ont pu être financés.
Les acquéreurs privés ne sont pas exclus de ce plan de mise en vente, sans être soumis à des conditions de réalisation de logement social. Le prix de vente du patrimoine est fixé à partir de l’estimation des domaines par les services fiscaux et de la contre-expertise de cabinets privés. Le prix d’achat pour les bailleurs sociaux peut être parfois minoré par rapport au prix du marché. Cet allègement est nécessaire pour répondre aux exigences des cahiers des charges, notamment, aux normes environnementale et énergétique. Sans qu’il y ait ainsi répercussion du coût des travaux sur les loyers.
Si la collectivité n’a pas vocation à conserver du patrimoine immobilier, Bies reconnaît tout de même que « pour raisons stratégiques, la ville conserve toute la partie impaire de la rue du 22 novembre, des Galeries Lafayette à Intersport, y compris les pieds d’immeubles commerciaux ». Enfin, la collectivité dispose d’une enveloppe de 1,5 millions d’euros par an pour la programmation et la réalisation de travaux et d’études énergétiques sur le patrimoine municipal. Enfin, si les règles de la compatibilité publique n’autorisent pas le fléchage d’une recette sur des dépenses, les sommes qui émanent de la vente du patrimoine public permettraient, selon l’élu, « de raisonner en termes de renforcement du programme de rénovation des écoles».
L’ancienne auberge de jeunesse a accueilli des sans-abris
Et l’hébergement d’urgence ? Cet hiver, la CUS a financé des travaux d’aménagement pour accueillir des sans-abris en période de grand froid. Cent vingt places supplémentaires ont ainsi été mises à disposition dans les bâtiments de l’ancienne auberge de jeunesse René-Cassin à la Montagne Verte et la crèche-relais de la rue d’Or au centre-ville. Elles se sont ajoutées aux 300 places existantes.
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