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Au pied de la Cathédrale, accueil mitigé pour Emmanuel Macron à Strasbourg

Emmanuel Macron a tenu son premier meeting d’entre-deux tours devant la Cathédrale avec des clins d’œil appuyés à l’électorat de gauche et écologiste. Dans la foule, un premier cercle de soutiens dans les premiers rangs, mais aussi des curieux indifférents et des opposants venus crier leur colère. À laquelle Emmanuel Macron a tenté de répondre en comparant la France à la Hongrie et son gouvernement d’extrême-droite.

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Au pied de la Cathédrale, accueil mitigé pour Emmanuel Macron à Strasbourg

Emmanuel Macron a choisi Strasbourg pour conclure sa deuxième journée de campagne après le premier tour. Dans la capitale européenne, il a recueilli 30% des voix, un peu plus qu’en 2017, tout en étant doublé par Jean-Luc Mélenchon. Sans grande originalité pour un candidat à Strasbourg, il est venu parler d’Europe mardi 12 avril, mais aussi tenter de convaincre un électorat de gauche qui hésite à refaire « barrage » à Marine Le Pen. Loin d’une démonstration de force, l’exercice a été compliqué, malgré la présence de soutiens. Récit de la soirée.

Dès 17h45, place de la Cathédrale, quelques centaines de personnes se rassemblent pour accéder au meeting place du Château, encore fermée au public. Vers 19h15, alors que l’événement devait commencer à 18h30, la quasi-totalité de la foule, bien plus compacte, est encore massée devant un important barrage filtrant.

Les spectateurs sont fouillés deux fois avant d’arriver sur la place. Photo : TV / Rue89 Strasbourg / cc

De nombreux opposants infiltrés

Une vingtaine de personnes se met à crier des slogans : « Macron, en prison ! », « Travaille, consomme, et ferme ta gueule ». Les marcheurs répondent : « Macron président ! », « Et un, et deux, et cinq ans de plus ». À quelques mètres, une femme hurle : « Touchez pas à nos enfants. » Plus discrètement, un groupe de sept gilets jaunes strasbourgeois tente d’entrer pour interpeller le président. Parmi eux, Aurélie raconte :

« Quand on est arrivés devant les policiers, ils ne nous ont même pas fouillés, ils ont dit : “Vous ne rentrez pas.” J’ai demandé pourquoi et ils m’ont répondu : “Vous savez pourquoi.” Je me suis assise par terre et je les ai interrogés sur la raison légale pour m’empêcher d’assister à l’événement. Ils m’ont finalement soulevée à quatre pour m’emmener plus loin. »

Les soutiens d’Emmanuel Macron agitent drapeaux et slogans lors du meeting. Photo : DC / Rue89 Strasbourg / cc

Sur la place du Château, des drapeaux de l’Europe et de la France sont mis à disposition. Des dizaines de journalistes de la presse locale et nationale observent. Les députés marcheurs bas-rhinois sont en place, ainsi qu’Alain Fontanel, élu LREM d’opposition et potentiel candidat aux élections législatives en juin. 

Maxence, jeune strasbourgeois, se réjouit de voir le président :

« Il a fait beaucoup de choses bien, notamment pour les entreprises pendant le Covid. Il faudrait plus communiquer sur ses mesures sociales. »

Amassés près de l’estrade un groupe de lycéens attend : « Nous ne sommes pas plus convaincus que ça, mais curieux de voir Macron », glisse Inès.

Près de la scène, certains jeunes sont transportés. D’autres, plus dubitatifs, ne réagissent pas ou s’éclipsent de la foule. Photo : DC / Rue89 Strasbourg / cc

Macron interpellé sur les fermetures de lits d’hôpitaux

Tout près de la porte du Palais des Rohan, à 20h, trois rangées de personnes se massent sur la barrière où le président fait son entrée. Florent, 28 ans et militant LFI, l’attendait de pied ferme pour « poser des questions » :

« Nous on s’était infiltrés en s’habillant comme les macronistes. Avec mes chaussures blanches et une petite chemise, je suis rentré tranquille. Moi et ma pote médecin, on a réussi à s’approcher assez près pour lui parler. »

L’échange entre les deux militants et le président est rapide. Florent commence à l’interpeller sur ses « mensonges » et ses promesses non tenues :

« Je lui ai dit “La jeunesse et Strasbourg sont de gauche. Vous nous avez menti sur le climat, la jeunesse, les femmes, les hôpitaux, comment vous voulez que l’on vote pour vous ?”. Lui m’a répondu qu’il avait tenu ses promesses et appliqué son programme. »

À ses côtés, Karine (prénom modifié), « sa pote médecin » qui a travaillé dans les hôpitaux de Colmar pendant le Covid, renchérit sur « la fermeture de 17 900 lits d’hôpitaux » sur son mandat. Plus tôt dans la journée, Emmanuel Macron a déjà été interpellé sur ce sujet, à Mulhouse puis à Châtenois. L’échange est expédié par un « je fais ce que je peux » du candidat. Peu de temps après, un vigile se place derrière les deux trentenaires et leur demande de partir. Ils sont dirigés vers la sortie alors qu’ils continuent de crier, poings levés : « La jeunesse est de gauche ! »

En passant dans la foule, Emmanuel Macron est alpagué, il serre des mains et discute. Photo : DC / Rue89 Strasbourg / cc

« Il faut qu’il revoie son programme »

Une fois reparti, Florent ne sait toujours pas s’il voudra faire barrage à Marine Le Pen :

« Honnêtement c’est une catastrophe dans ma tête, s’il ne fait pas des efforts conséquents je ne voterai pas. Il faut qu’il revoie son programme sur la réforme des retraites, sur l’écologie, sur la précarité des jeunes. Le but de mon intervention, c’était de lui dire de ne pas nous oublier, car nous, on ne va pas l’oublier. »

« Je veux faire un pas dans votre direction »

Sur l’estrade, l’ancien maire de Strasbourg, Roland Ries, qui a rejoint la macronie sur le tard après une carrière au PS, reçoit le candidat par quelques mots. « Cette place que nous avons refaites il y a une dizaine d’année, elle était destinée à vous recevoir », apprend-t-on à cette occasion.

Roland Ries a introduit le président de la République sur l’estrade avec de grandes éloges. Photo : DC / Rue89 Strasbourg / cc

Au pied de la Cathédrale, Emmanuel Macron mentionne d’emblée son attachement au Concordat en Alsace-Moselle et ses spécificités pour trois religions. Puis, « au droit local, qui sera préservé », à l’heure où l’exigence de rattraper les deux jours fériés pour les employés de mairie suscite des inquiétudes chez ses défenseurs.

Mais très vite une clameur s’élève. Elle vient d’un groupe d’une demi-douzaine de personnes. « Macron, rends l’ISF ! Macron, rends l’ISF », crient des militants de la France insoumise. « L’ISF n’est pas dans ma poche », rétorque Emmanuel Macron. Il saisit la perche, défend sa suppression de l’impôt sur la fortune qui a « fait revenir des richesses » et « permis de créer 1 million d’emplois net ». Les militants sont éconduits à leur tour. 

Chaque interpellation suscite la nervosité dans le service d’ordre et l’équipe du candidat, qui craignent de mauvaises images. Pourtant, Emmanuel Macron est aussi venu pour ces moments de confrontation. Un peu plus tard, il est interpellé sur ses actions pour le climat et le non-respect des accords de Paris. « Je veux faire un pas dans votre direction, mais en réalité je veux le faire pour nous tous », répond-t-il. Il dit vouloir aller « plus vite » et agir au niveau européen : « Il nous faut un projet de convergence sociale et fiscale qui crée de la justice partout. » 

Le discours reprendrait presque quelques positions de Jeanne Barseghian, la maire écologiste de Strasbourg. Emmanuel Macron défend « l’économie circulaire », « la préservation des espaces et de la biodiversité », l’accompagnement des ménages pour « changer de véhicule et moins polluer », aider les agriculteurs à « réduire les pesticides » ou rénover « 650 000 logements en un an ». Emmanuel Macron défend aussi les énergies renouvelables et « en même temps » une relance de l’énergie nucléaire pour se passer de la dépendance « des hydrocarbures venus de l’Est ».

Emmanuel Macron a concentré une partie de son discours sur les questions européennes et internationales. Photo : DC / Rue89 Strasbourg / cc

L’autre grand axe du discours est l’Europe. Emmanuel Macron compare ses positions à celles de sa rivale :

« Ce que je veux dire, c’est qu’aujourd’hui l’extrême droite française est l’alliée du parti qui est au pouvoir en Hongrie et donc ce qu’elle veut faire, c’est ce qu’on voit en Hongrie, et nous, on veut lutter contre. »

La place du Château remplie à moitié

À proximité de la scène, un noyau de militants semble transporté par le discours. Des « Macron président ! » s’élèvent de parts et d’autres. Les déclarations sur l’Europe, les tacles aux rivaux d’extrême droite, jusqu’aux traits d’humour du président, sont portés et applaudis. Même quand il toussote ou perd sa voix. Mais tous ne sont pas captés par la prestation. Toutes les cinq minutes, des personnes quittent le centre du public pour s’en aller au fond de la place. Il s’agit notamment des plus jeunes, qui ont pris des photos ou des vidéos avec leur téléphone.

La place est de toute façon loin d’être pleine. En dehors des premiers rangs serrés, éclairés et munis de drapeaux, il est facile de déambuler entre les spectateurs espacés, alors que des soutiens sont venus de loin. Certains arborent « Les Vosges avec Macron » et des élus du Haut-Rhin se sont pressés pour apparaître proches de leur chouchou. En revanche, on ne remarque aucune figure locale des autres partis politiques, de droite comme de gauche.

C’est sur les franges de la place qu’on rencontre les plus sceptiques. Trois jeunes amis écoutent et critiquent entre eux les propositions du candidat. Ils ont tous trois voté Jean-Luc Mélenchon. L’un d’entre eux mettra un bulletin Macron dans l’urne au second tour : « Il n’est quand même pas Le Pen. » Son amie pense plutôt voter blanc « pour le moment ». Dans les deux cas, les propos du président ce soir ne les convainquent guère.

Très en retard, plus d’une heure et demie, Emmanuel Macron n’a parlé que 40 minutes. Il a conclu son discours par la Marseillaise puis l’hymne européen sans que l’ambiance n’ait réussi à décoller. La foule restante est sans grande énergie. La conséquence peut-être d’avoir attendu plus de deux heures debout avant d’écouter le candidat. Les Marcheurs doivent-ils s’inquiéter pour le deuxième tour ?


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