Où s’est gagnée la législative partielle de Strasbourg ? Dans un contexte de très forte abstention, classique pour une élection partielle mais encore plus prononcé à Strasbourg, le nouveau député Éric Elkouby (PS) a finalement remporté la mise avec 6 469 voix dimanche 29 mai, soit à peine plus de 10% d’inscrits.
Jusqu’à 90% d’abstention à l’ouest
La participation, de 20,31% en moyenne, s’est répartie du simple au triple entre entre les quartiers ouest et de l’est.
À l’extrémité ouest, la plupart des bureaux de Hautepierre ont tourné autour des 90% d’abstention (!), là où le Front national et le parti islamo-turc Égalité et Justice avaient réunis de bons scores au premier tour. On observe d’autres bureaux à faible participation du côté de la gare et de l’Elsau, ainsi que quelques cas isolés au centre ou au lycée René Cassin.
En revanche, les électeurs se sont beaucoup plus mobilisés autour du centre-ville, notamment au nord et à l’est, du lycée Kléber à l’Orangerie, avec une abstention qui oscille entre 70% et 75%.
La droite toujours forte à l’est
Pour réaliser un écart, il était donc important de l’emporter dans les secteurs qui se sont un peu moins détournés des urnes que les autres. C’est ce que semble avoir fait la droite, en concentrant ses meilleurs scores à l’est du centre-ville.
Presque 70% au Pavillon Joséphine, 68% à l’école du Conseil des Quinze, 64% au lycée Kléber, ou encore 54% au lycée René Cassin… Pas de doute, on est dans une zone où les électeurs de droite ont été fidèles au rendez-vous.
Les autres bons scores de Jean-Emmanuel Robert (LR) sont disséminés et rares dans la circonscription. Il recueille entre 53% et 56% des suffrages exprimés dans deux bureaux du centre, un bureau de Hautepierre (école Marcelle Cahn) et un de Koenigshoffen (foyer Saint-Arbogast).
La carte des bons scores du PS est plus équilibrée. Le parti d’Éric Elkouby amasse le plus de voix au nord du centre-ville, mais aussi dans le canton 2 (Koenigshoffen, Montagne Verte, Elsau) secteur où l’élu est adjoint de quartier et, en binôme avec Martine Jung, conseiller départemental.
Entre le sud de la Grande-Île et le Conseil des Quinze, les résultats de gauche faiblissent. Quelques bureaux de vote parviennent à limiter l’effet d’enclave à l’est, comme deux bureaux du lycée René Cassin (62% et 58% des voix en faveur du PS), ou encore trois autres remportés de justesse (René Cassin, Sainte Clotilde et Conseil des XV).
Entre les deux tours, de nouveaux électeurs PS autour du centre
Au premier tour, Éric Elkouby a récolté 4 288 voix, soit 1 615 de plus que son adversaire. Entre les deux tours, il a gagné 2 181 électeurs supplémentaires, qui se sont surtout concentrés autour de la Grande-Île.
On distingue une zone de fortes progressions du PS reliant l’école de Vinci jusqu’à l’ENGEES en contournant le centre. 13 bureaux de cet axe ont rassemblé 644 électeurs de plus pour Éric Elkouby, soit presque 30% de sa progression totale.
La droite gagne un peu plus d’électeurs entre les deux tours mais surtout à l’est
Son concurrent Jean-Emmanuel Robert a su convaincre 2 887 électeurs entre les deux tours. C’est 705 électeurs de mieux que son adversaire, mais cela n’a pas suffit à combler l’écart. Surtout, on remarque que sa progression se limite à un plus petit nombre de bureaux de vote.
Six bureaux au nord-est du centre font gagner à la droite 434 électeurs supplémentaires. Quatre bureaux situés dans l’ouest de la circonscription augmentent ces effectifs de 276 voix. À l’arrivée, ces dix bureaux concentrent un quart des nouveaux électeurs LR.
Ce début de dynamique amorcé par les électeurs de droite dans la circonscription n’a pas suffi à inverser le rapport de force entre Les Républicains et le Parti socialiste entre les deux tours. Pour le mesurer, nous avons cartographié l’avance, en nombre de voix, de chacun des candidats :
On peut voir que 23 bureaux (sur un total de 65) penchent pour l’un ou l’autre candidat avec au maximum 12 voix d’écart. Une grande majorité des bureaux concernent les plus fortes abstentions de la circonscription. C’est notamment le cas dans le quartier de Hautepierre, où le PS prend en tout une avance de… 68 voix.
Plus d’un quart de l’avance sur 4 bureaux de vote
En revanche, la gauche engrange des écarts plus intéressants dans un secteur, d’habitude plutôt acquis à la droite, le nord du centre-ville. Dans quatre bureaux de vote (deux du Palais des Fêtes, École Schoepflin et Lycée Kléber) elle recueille entre 51 et 73 voix d’avance soit 252 au total. C’est plus d’un quart (27%) de l’écart de 909 voix séparant les deux candidats à l’issue du second tour.
Dans le bureau âprement disputé de l’ENGEES, le PS a résisté en gagnant 69 électeurs entre les deux tours tandis que LR en comptait 70 de plus. À l’arrivée, cette voix en plus fait basculer le bureau à droite. Au second tour des élections départementales en 2015, l’écart en faveur de la droite était de 128 voix dans ce bureau.
Peu de temps après les résultats, le politologue Philippe Breton expliquait à Rue89 Strasbourg que le PS l’avait emporté grâce au basculement de bureaux du votant traditionnellement à droite. On pourrait nuancer ce propos en pointant que, pour l’instant, LR ne parvient pas à bousculer le PS à l’ouest de la ville, où le désaveu révélé pour la politique se traduit par de l’abstention.
Avec Jean-François Gérard
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