En 2023, la présentation du Temps des féminismes de Michelle Perrot aux Bibliothèques idéales a inspiré un nouveau détour au festival de littérature strasbourgeois. Cette programmation entièrement dédiée aux enjeux féministes a très vite trouvé son public et revient en 2025 pour une troisième saison. Placée sous l’égide de Gisèle Pélicot – dont le portrait esquissé par Catel veille sur le programme – cette édition reviendra sur les différentes violences et injonctions faites aux femmes tout en donnant des pistes de résistance. Petit tour d’horizon des rencontres les plus indispensables.
La lutte de Caroline Darian après le procès Mazan
Samedi 22 mars, le Temps des féminismes invite Caroline Darian pour le premier grand entretien de cette édition. Dans Pour que l’on se souvienne, son second livre, la fille de Gisèle Pelicot revient sur le procès des viols de Mazan, dans lequel Dominique Pelicot a été reconnu coupable d’avoir drogué, violé et fait violer son épouse par cinquante hommes, condamnés eux-aussi. Elle écrit pour que l’on se souvienne de ce qui s’est joué dans cette salle d’audience, et que l’on n’oublie pas les victimes qui n’ont ni preuves ni souvenirs à fournir à la justice. Début mars, Caroline Darian a confirmé avoir porté plainte à son tour contre son père pour viol, tentative de viol et agression sexuelle.

Rokhaya Diallo et la révolution féministe
« Le féminisme ne peut se contenter de corriger quelques injustices en surface, c’est une révolution ». Journaliste et militante féministe et antiraciste, Rokhaya Diallo sera de passage dimanche 23 mars pour présenter son Dictionnaire amoureux du féminisme. Issue d’une génération « ayant grandi avec la conviction que nos ainées avait conquis tous les droits nécessaires à notre liberté », l’autrice souligne que de nombreuses femmes se sont heurtées au caractère structurel des inégalités de genre en entrant dans la vie active. Elle rappelle qu’en matière de féminisme, tout n’est pas gagné et beaucoup reste à faire. Dans son ouvrage, Rokhaya Diallo rend hommage à de grandes figures féministes, comme Joséphine Baker, Bell hooks ou Annie Ernaux et revient sur des notions qui lui sont chères, telles que l’intersectionnalité, l’afroféminisme ou encore la « misogynoir ».

S’affranchir des injonctions
Faire attention à sa ligne, cuisiner sans trop manger, faire attention à son assiette… et à celle de sa fille… Nombreuses sont les injonctions qui pèsent sur les femmes et se transmettent parfois, d’une génération à l’autre. Samedi 22 mars, une table ronde s’intéressera à cette transmission de la honte et aux moyens de briser ce cycle aliénant. Autrice du livre Les mangeuses, histoire de celles qui dévorent, savourent ou se privent à l’excès, la journaliste Lauren Malka y échangera avec la militante féministe Camille Lextray, autrice du livre Briser la chaîne : misogynes de mère en fille ? La journaliste Élisabeth Cadoche et la psychothérapeute Anne de Montarlot participent aussi à la table-ronde. Elles ont coécrit l’enquête intitulée La fabrique de la honte qui se veut aussi guide pour toutes celles qui veulent se libérer des injonctions sociétales.

Laure Adler et Léa Veinstein à l’écoute des femmes
Journaliste et écrivaine, mère et fille, Laure Adler et Léa Veinstein se retrouveront dimanche 23 mars au Temps de féminisme, pour une rencontre riche en récits et témoignages. Dans Il suffit d’écouter les femmes, Léa Veinstein revient sur l’avortement clandestin en donnant la parole à celles qui l’ont vécu. Qui les a accompagnées ? Comment l’ont-elles vécu ? Avec La voix des femmes, Laure Adler livre quant à elle un « vagabondage », des instants vécus et des rencontres avec des femmes dites « ordinaires ». Un voyage littéraire pour tenter d’éclairer « ce que fut être une femme et ce que veut dire être une femme aujourd’hui. »

Ce que les psys ont fait aux femmes
Pendant longtemps, la médecine et la psychiatrie ont produit des discours savants sur les paroles, les corps et les comportements des femmes. Pathologisant celles qui ne rentraient pas dans le moule social qui leur était réservé. Les lesbiennes étaient malades, les prostituées, folles et celles qui ne voulaient pas d’enfants, anormales. Hystériques, mélancoliques, perverses… Tout un lexique a permis de justifier des enfermements et des violences allant parfois jusqu’à la lobotomie ou l’excision. Samedi 29 mars, Laurie Laufer – Les héroines de la modernité – et Adèle Yon – Mon vrai nom est Élisabeth – reviendront sur la misogynie de la psychanalyse au micro de la journaliste Lauren Bastide. La rencontre sera enregistrée pour le podcast Folie douce.

Rim Battal et Alex Tamécylia, relève poétique
Cette année encore, le Temps des féminismes proposera des lectures musicales. Dimanche 30 mars, le festival réunira sur un même plateau la poétesse Rim Battal et l’artiste et essayiste non binaire – qui ne s’identifie ni strictement homme, ni strictement femme – Alex Tamécylia. Connue pour ses textes sensuels et directs, Rim Battal est l’une des cheffes de fil du renouveau poétique francophone. Elle vient de publier son premier roman, Je me regarderai dans les yeux.
Dans cet ouvrage, elle raconte l’histoire de Rim, adolescente surprise par sa mère en train de fumer une cigarette. Battue par sa mère, elle décide de fuir et raconte les carcans et l’hypocrisie auxquels elle est confrontée. Alex Tamécylia vient de publier Les féministes t’encouragent à quitter ton mari, tuer tes enfants, pratiquer la sorcellerie, détruire le capitalisme et devenir trans-pédé-gouine. Inspiré d’une citation d’un télé-évangéliste d’extrême-droite américain, Pat Robertson, cet essai poétique percutant joue avec la langue en abordant la violence, le militantisme, l’amour, la sexualité et la création. Un plateau à ne pas rater !

Chargement des commentaires…