Voici un Cali encore plus solaire que celui que l’on connaît depuis le début des années 2000, depuis la déferlante de L’Amour parfait. Aujourd’hui, Bruno Caliciuri chapitre sa vie avec un sixième opus au titre idoine, L’Âge d’or. L’occasion, pour lui, d’un coup d’oeil dans le rétroviseur pour mieux se nourrir encore de son passé, de son histoire.
L’occasion, aussi, d’avancer, toujours, conscient de sa nature profonde, de cette sève qui coule dans ses veines, de ce volcan qui sommeille et, parfois, explose. Trois fois père de famille, solide quadragénaire, Cali avait besoin de faire le point, de sonder ses souvenirs, ses amitiés, ses jeunes années. En ouvrant le chapiteau de l’enfance à la vie du moment présent.
L’Âge d’or s’ouvre avec « Tout ce qui ne reviendra plus ». Nourrissez-vous des regrets ?
Pas du tout. Avec cette chanson, je veux rendre hommage à ce qui n’est plus, à mon enfance, à mes bonheurs de gamin, mais aussi à cette douleur dont on ne se remet jamais, celle de perdre sa mère. J’avais six ans quand elle est partie. Mais aujourd’hui je ne suis pas triste, je suis simplement ému. Quand je chante Tout ce qui ne reviendra plus, je me tourne vers l’avenir, je ne dis pas que c’était mieux avant.
Quand je ferme les yeux, je vois des choses belles, des choses tragiques, ce sont mes bagages, j’avance avec, tout cela nourrit ce que je suis aujourd’hui. Et puis lorsque j’ai écrit l’album, le contexte était bien particulier. J’étais à Paris, loin de chez moi, loin de ma famille, je jouais une pièce de théâtre durant quatre mois (Cowboy Mouth, de Sam Shepard et Patti Smith, à la Gaîté-Montparnasse, ndlr). J’avais ce besoin d’écrire, tout le temps, pour me rapprocher des miens, être avec eux, me construire un refuge.
Cet album est une thérapie pour vous ?
Oui, comme tous les albums d’ailleurs. Depuis toujours, écrire, ça me permet de me vider complètement et dans mes chansons, je raconte ma vie, ça allège sacrément le corps et l’esprit. C’est peut-être aussi pour ça que je n’ai jamais vu de psy (rires)… Pour L’Âge d’or, par exemple, j’ai beaucoup écrit, une soixantaine de chansons au total, et je n’en garde que douze ! Je les ai toutes composées durant la journée alors que j’étais tous les soirs sur scène.
J’ai besoin d’écrire sur l’intime car ça me nettoie, ça me fait un bien fou, ça me lave totalement. La seule condition pour moi, c’est d’être dans l’émotion et la spontanéité. Et cette spontanéité, je la retrouve sur scène car ce qui est super sur scène, c’est qu’on a toujours douze ans ! En concert, je me sens comme un gosse ! (voir ici Cali en live)
Pour la première fois en six albums, vous laissez la main à quelqu’un d’autre, avec un compositeur venu du cinéma, du théâtre, de la danse, David François Moreau. Pourquoi avoir fait ce choix inédit ?
C’est l’intuition qui m’a guidé. David, je l’ai rencontré fin 2013, sur un Téléthon en compagnie de Bénabar et Patrick Bruel. On a chanté sur une musique de Patrick et c’est David, son demi-frère, qui avait arrangé la chanson. Ça m’a beaucoup plu, un mélange de douceur, de rigueur, d’intensité. Lorsqu’il nous a dirigés, il m’a expliqué qu’on peut chanter différemment, que je pouvais poser ma voix autrement pour me faire comprendre, que murmurer n’empêchait pas d’être entendu. Je lui ai ensuite demandé s’il voulait travailler avec moi et pour la première fois, j’ai dit à quelqu’un : « Fais ce que tu veux ». Et il a fait, il a imaginé, il a expérimenté. Sa seule limite, c’était l’imagination !
Dans vos textes, on ressent l’envie de vivre à 200%, de profiter de tout sans se priver, sans se brider, sans trop se poser de questions. Est-ce en quelque sorte votre âge d’or ?
Peut-être bien. En tout cas, j’ai envie de dire haut et fort qu’il faut vivre à fond. C’est mon credo. J’ai trois mômes et je leur dis ça tout le temps car chaque jour est important, il faut l’attraper, le vivre, croquer à pleines dents ce qui nous arrive. Et même si le contexte est difficile ou tragique, on n’a pas le droit de penser que la vie sera plombée. Non, il y a toujours de la lumière et il faut s’en saisir. Il faut que ça te remue le ventre.
Justement, dans la chanson « Le cœur chargé comme un fusil », vous parlez de « la révolution qui brillait dans les yeux », vous évoquez une époque où « on repeignait la vie »…
Oui parce qu’à vingt ans, tu veux changer le monde, tu veux tout foutre par terre et tout révolutionner. C’est super, c’est exaltant. Et j’espère que cette envie est toujours là chez les jeunes ! Moi, j’étais comme ça, avec une image de chien fou, de grande gueule. A vingt ans, avec des copains, on s’est même présenté à des élections municipales (à Vernet-les-Bains, sur la liste Jeunesse Incorruptible, ndlr). C’est peut-être une partie de l’héritage de mon grand-père qui a fait partie des Brigades Internationales…
Mais plus la vie avance, plus on s’embourgeoise, on oublie des engagements, on devient fainéant, on rentre dans le rang, on parle moins avec ses tripes. Du coup, avec cette chanson, je me donne un coup de pied au cul, pour ne pas perdre de vue ces idéaux, ces envies. Parfois, je me demande où est ce Cali-là, ce « poto cinglé » comme je l’écris. Cette chanson, elle m’aide à m’en souvenir, à ne pas oublier cette colère qui reste au fond de moi ! Car il ne faut rien renier du passé. Pour moi, chaque chanson, chaque texte, sont comme un polaroïd de la vie.
Et qu’en est-il, aujourd’hui, de votre engagement politique ?
Aujourd’hui, je ne veux plus refaire le monde mais je suis convaincu qu’il ne faut rien lâcher. L’engagement, pour moi, passe par l’associatif, par toutes les personnes qui sont au plus près des gens, sur le terrain. Car ce sont les associations qui font le lien avec la classe politique. Tous les gouvernements devraient d’ailleurs garder des budgets fixes pour que les associations puissent continuer de vivre. Mais les politiques, et c’est bien dommage, ont souvent d’autres préoccupations que ça. Ils ne s’engagent plus vraiment et de toute façon, à partir du moment où la politique devient un métier à part entière, c’est foutu !
Et puis plus les élus montent en grade, sont connus, prennent de l’importance dans les partis, plus ils noient la vérité. C’est difficile de garder la foi, de croire encore en des gens dont on doute de l’engagement. Surtout quand une poignée de crétins malhonnêtes et malfaisants dégradent l’image de la politique, que ce soit avec des affaires, des propos chocs ou les membres du Front National.
C’est ce qui vous rapproche d’un Léo Ferré dont vous reprenez la chanson « L’Âge d’or » ?
Politiquement, Léo Ferré c’était « Ni dieu ni maître ». Un anarchiste. C’était sa vie, son engagement. Moi, mon engagement passe encore par le vote, je glisse un bulletin dans l’urne. Mais je ne le ferai plus si on rend le vote obligatoire. Car c’est la liberté de chacun d’aller voter.
Sur ce sixième album, vous conviez Jimme O’Neill, le leader des Silencers. Vous chantez ensemble « Le Grand Chemin ». Comment s’est faite cette rencontre ?
Pour moi, Jimme O’Neill est un mythe, un dieu vivant, c’est le rock héroïque comme U2, les Waterboys, Big Country, Simple Minds et donc les Silencers. Bref, ça fait partie des summums ! J’ai déjà eu la chance de partager la scène par le passé avec Patti Smith, avec Mike Scott des Waterboys. Je trouve ça fou, c’est merveilleux. Et Jimme, c’est tout ça. Pour en revenir à la rencontre, un jour je reçois un coup de fil. Il m’appelle pour me dire qu’il vient me voir en concert à Rennes, qu’il aimerait qu’on se rencontre. Et donc j’en ai profité, je lui ai répondu qu’il fallait absolument chanter ensemble, et c’est ce qu’on a fait. Jusqu’à graver nos voix ensemble sur Le Grand Chemin.
(Cali et Jimme O’Neill ont d’ailleurs reformé ce duo il y a quelques jours à Rennes)
Un autre duo rythme « L’Âge d’or », il s’agit de « Coco », avec votre fille de neuf ans…
Je voulais absolument qu’on partage ça ! Coco fait de la musique, elle joue du violoncelle et du piano, et elle le fait pour de bonnes raisons, pas parce que son père est chanteur. La musique la rend heureuse, elle aime ça. Elle est donc venue faire des choeurs avec moi. Et puis je n’ai pas pu m’empêcher de penser à Charlotte Gainsbourg en enregistrant avec ma fille. J’imagine que Charlotte Gainsbourg vit quelque chose de fort quand elle réécoute certaines des chansons enregistrées avec son père, ce doit être extrêmement fort.
Je veux que ma fille ait ça, elle aussi. Qu’elle puisse un jour se souvenir de ça avec son père. C’est une manière que lui dire « je t’aime » car je pense que c’est super important d’exprimer ses sentiments. Moi, je m’en fous de la pudeur. Dire « je t’aime », ça fait du bien. J’ai perdu mes parents très tôt, et avec mon père, qui est parti après ma mère, on s’est dit ça sur son lit de mort. C’était un taiseux mais il était quand même proche de nous. Pas très bavard, pudique, sur la réserve. Et tous les non-dits, je vis encore avec, aujourd’hui. C’est pour ça qu’il faut tout lâcher, dire ce qu’on a sur le cœur. Heureusement que je suis un grand optimiste…
Y aller
Cali, en concert le 20 mai à partir de 20h à la Laiterie à Strasbourg. Première partie assurée par le collectif mulhousien PJ@MelloR
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