Deux fois l’an, Strasbourg devient le centre de l’actualité littéraire avec son festival d’ampleur nationale. Les auteurs à succès se mêlent aux plumes militantes, philosophes et personnalités politiques. La fascination qu’exercent les mots semble d’autant plus capitale en période d’instabilité politique.
C’est dans un contexte troublé par la crise sanitaire et par l’approche de l’élection présidentielle, que les Bibliothèques idéales se tiennent, balise de repère dans la glissade frileuse de janvier. Le festival poursuit la défense de ses valeurs avec cette nouvelle édition, dont le titre fait écho à celle de septembre « Les livres prennent le pouvoir« . Cette fois-ci « les livres prennent la parole » et de fait, la lecture à voix haute a plus que jamais sa place dans la programmation.
Lire, écouter, se rencontrer : toutes les façons d’apprécier les livres
Ces Bibliothèques idéales coïncident avec la sixième édition des Nuits de la lecture. Il était naturel que les deux événements s’associent. Plusieurs lectures sont programmées, allant du Petit Prince aux Argonautes d’Insa Sané. Dans une autre médiathèque, à Lingolsheim, des groupes de théâtre amateurs lisent des textes de Saint-Exupéry, auteur mis à l’honneur. On le retrouve également dans l’événement proposé par Fatou Ba : une ré-écriture du Petit prince en jouant avec les idées apportées par les lecteurs. Elle dessinera également les scènes au fur et à mesure de sa narration. Une soirée contes réunit petits et grands cependant que la médiathèque sud à Illkirch-Graffenstaden se transforme en planétarium pour explorer le cosmos.
Comme à leur habitude, les Bibliothèques idéales font jouer à plein leur fibre musicale. Mathias Malzieu, leader du groupe de rock français Dionysos, raconte l’histoire de son père, en 1944. Enfant, le petit Mainou traverse la Lorraine caché dans une charrette à foin pour rejoindre sa grand-mère, près de l’ancienne frontière allemande. C’est en musique que l’artiste fera revivre les derniers mois de la guerre dans les mots de son père.
Baudelaire verra sa poésie mise en musique et lue en français, ainsi que dans de nombreuses traductions. Preuve, s’il en était besoin, de l’universalité du poète. L’accent mis sur la lecture souligne une valeur forte des Bibliothèques idéales : défendre une littérature par tous les moyens, sur tous les supports.
Les livres qui vous engagent
La période que traverse la France est plus politisée que jamais. Élections imminentes, incertitudes quant au futur climatique, la pression que subissent les Françaises et les Français pousse à prendre une part active au devenir du monde. Lorsqu’il faut engager son raisonnement et faire des choix éclairés, c’est aussi là que la littérature fournit de précieuses armes. Plusieurs figures récurrentes des Bibliothèques idéales seront présentes pour porter leurs engagements.
Rokhaya Diallo et Grace Ly poursuivent leur lutte de justice sociale et présentent « Kiffe ta race », le livre qui prolonge leur podcast sur les questions raciales. Leur travail pour la promotion d’un antiracisme politique soulève des sujets qui ne peuvent être ignorés ou ramenés à une notion de choix , ni même de morale. Il s’agit de phénomènes qui agissent sur le quotidien, sur les décisions politiques, sur le développement du pays.
Les livres sont des lieux de lutte évidents, où se font les combats et où ils se racontent. Le travail de Réjane Senac est éminent sur ce sujet, puisqu’elle a pu interroger de très nombreuses personnes engagées dans des luttes, associations ou collectifs. C’est un engagement qui se retrouve dans les investigations du journaliste Taha Bouhafs, qui raconte le quotidien des plus défavorisés. Il sera avec Jean-Baptiste Rivoire, critique aiguisé du système médiatique, pour discuter de l’état actuel d’un paysage politique.
Féminisme et bande dessinée, des rayonnages bien installés
La littérature féministe est toujours un moment puissant du festival, et cette édition n’est pas en reste. Une table ronde portant sur l’état des luttes féministes se tiendra le 21 janvier. La présence de Rose Lamy, qui épingle sur Instagram le sexisme infusé dans les médias, rappelle qu’il n’existe pas une littérature univoque et que la lutte comme les lettres viennent par tous les chemins. Les philosophes Guillaume Le Blanc et Fabienne Brugère seront également présents. Enfin, la dessinatrice Klou présente un roman graphique qui retrace son parcours de travailleuse du sexe et son militantisme.
Car de même qu’il y a une pluralité de parcours, les Bibliothèques idéales valorisent une pluralité de formats. Riad Sattouf vient de sortir une histoire dessinée sur les débuts de l’acteur Vincent Lacoste. Lisa Blumen et Manon Debaye, elles, portent la bande dessinée féministe, avec deux livres en forme de récits du quotidien, au regard éclairé sur les mécanismes de violence.
Les Bibliothèques idéales demeurent en accès libre, entièrement gratuit. Il est cependant nécessaire de s’inscrire sur sur le site même si les rendez-vous seront toujours ouverts au public de dernière minute, sous réserve de disponibilité. Avec cette nouvelle édition, le festival réaffirme sa vision de ce que doit être la littérature : un espace de vie accessible et modulable pour tout le monde.
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