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Pendant 10 jours, les Bibliothèques idéales comme outils de résistance

Malgré le contexte sanitaire, les Bibliothèques Idéales marquent la rentrée strasbourgeoise, du 3 au 13 septembre. Confiné à la Cité de la musique et de la danse, le festival littéraire rassemble des auteurs, des politiques ou des journalistes pour évoquer le féminisme, l’économie ou les droits civiques… Une littérature active pour penser et agir dans un monde contemporain en manque d’idées.

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Pendant 10 jours, les Bibliothèques idéales comme outils de résistance

Le festival des Bibliothèques idéales accompagne la rentrée littéraire et lance la rentrée strasbourgeoise. Malgré le coronavirus, la Ville de Strasbourg a tenu à ce rendez-vous culturel et intellectuel du 3 au 13 septembre, principalement à la Cité de la musique et de la danse. Mais le festival a dû composer avec des contraintes sanitaires qui ont réduit sa jauge de moitié et obligent le public à s’inscrire avant chaque rendez-vous. Tant pis pour la spontanéité et les découvertes de dernière minute, mais la survie du festival était à ce prix.

Les luttes féministes au rendez-vous

Plusieurs événement dédiés aux mouvements féministes apparaissent comme des temps forts des Bibliothèques Idéales. Avec Ne nous libérez pas, on s’en charge. Manifeste féministe jeudi 10 septembre, trois intellectuelles féministes proposent un temps de découverte enrichi de références. Représentation dans les médias, histoire de l’émancipation des femmes, ce manifeste promet de tout mettre entre les mains de son audience.

La rencontre avec Camille Laurens, dimanche 13 septembre pour son roman Fille est complémentaire. Ce que les études et références exposent comme réalités sociologiques, ce roman le retrace à travers la vie d’une femme, singulière et en même temps représentative d’une norme. Il se concentre notamment sur la construction identitaire que les enfants suivent, en fonction du genre auquel on les cantonne, et de tous les stéréotypes qui sont lentement inculqués dans leur inconscients. D’autres rencontres traitent aussi de la lutte pour les droits des femmes et le festival se positionne clairement pour que ces réflexions ne soit plus contestées dans leur légitimité dans le débat public.

Des sonorités pour que résonnent les textes

Déjà connu pour de nombreuses créations, musicales comme cinématographiques, le rappeur Gringe présente un livre sur un sujet auquel le public ne l’attendait peut être pas. Il parle de son frère et de sa maladie, la schizophrénie, de comment elle est venue bouleverser leur famille.

La présence d’un rappeur dans la programmation n’est pas surprenante, car les Bibliothèques idéales mélangent les horizons culturels, de la littérature à la musique. Ainsi Maskat donnera un concert samedi 12 septembre, dédié à l’improvisation et aux inventions langagières, une expérience déroutante et polyglotte.

Une table ronde des Bibliothèques idéales en 2019 (Photo Alban Hefti / doc remis)

En refusant de se cantonner à une littérature de salon, le festival cherche à réinventer, en plus des textes, les façons de les partager. C’est ainsi que la conteuse Fatou Ba et le musicien Mathieu Goust animeront un atelier dans quatre médiathèques. Les participants seront invités à choisir des contes et à occuper la place de lecteur, dans un processus de découverte à tâtons. Pour approfondir cet exercice, Le son de lecture propose un guide pratique de lecture à haute voix. Comment se tenir face à un public, comment savourer les mots et comment redécouvrir chez des auteurs que l’on pensait connaitre une saveur nouvelle, celle de l’oralité.

Pour compléter ces temps forts, les stations de tram du réseau CTS seront les scènes de courtes lectures données par des musiciens, des comédiens et des bibliothécaires. De cette manière, les Bibliothèques idéales viennent chercher celles et ceux qui ne se sont pas encore aventurés dans leurs rayonnages.

Écrire pour résister et pour se souvenir

Une rencontre avec Alain Mabanckou sera une des nombreuses occasions du festival de se saisir d’une littérature profondément politique. Alors que les mouvements pour les droits civiques des afro-américains (Black Lives Matter) agitent les esprits jusque sur le sol français, la littérature se saisit du sujet tout autant que la rue ou que la politique. L’auteur et enseignant californien Alain Mabanckou, spécialiste de littérature française, réfléchit sur l’imaginaire colonial qui a structuré la perception occidentale de l’Afrique. Il étudie ses vestiges et les répercussions que ces récits coloniaux ont sur la société. Dans ces démarches, la littérature réaffirme son pouvoir, non seulement de conserver la mémoire des déchirures et des souffrances mais également de jeter un pont de compréhension et d’empathie sur des sujets chargés d’histoire.

Le ton de la majeure partie des événements du festival est clairement engagé, avec des valeurs fortes. Qu’il s’agisse d’écologie et d’anticapitalisme, des tabous qui entourent la vieillesse ou encore des menaces qui pèsent sur les libertés individuelles, au sein d’une société où les chocs et angoisses poussent à restreindre les droits au profit de la sécurité. Encore une fois, par la sélection hétéroclite de ses invités et par la force des thématiques mises à l’honneur, les Bibliothèques idéales affirment leur rôle politique, dans le sens le plus noble du terme. Il s’agit de se servir des livres pour penser et améliorer l’ensemble de la société.


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