Deux chevaux dans le jardin, un centre équestre à deux rues de chez lui, multiple champion de voltige équestre, on pourrait croire que Benjamin Rudolf est dingue de cheval. Et pourtant, pas du tout :
« Je suis un mordu de compétition, pas un fan d’équitation. »
Tout jeune déjà, il s’investit à fond dans la voltige, car il sait qu’il aura la possibilité de monter sur des podiums. Inscrit par son père à l’ancien club d’Obenheim – aujourd’hui disparu – il y trouve une équipe prête à se lancer dans la compétition. À peine un an après son arrivée, la course aux podiums commence :
« C’est toute une alchimie qui s’est crée autour du cheval. Nous étions une famille. Nous formions une équipe de huit voltigeurs qui fonctionnait très bien. Pendant neuf années nous avons gagné presque tous les championnats d’Alsace et de France auxquels nous participions. »
L’équipe commence avec Alissa, un double poney. Ils ont ensuite la chance de continuer avec Diane de Notebis, une jument elle-même devenue championne de France – les chevaux aussi sont notés en voltige. Ce sont Pierre Mallet, puis sa fille Dorothée, qui vont longer le cheval. Ils sont tous deux reconnus dans leur discipline et endossent le rôle important de faire évoluer le cheval en cercle à des allures régulières.
Une vie dédiée à la compétition
De 7 à 17 ans, Benjamin s’entraîne tous les mercredis, samedis et dimanches. Il enchaîne les stages de perfectionnement pendant les vacances. En saison, il se présente avec son équipe à un championnat tous les quinze jours. Toute sa vie tourne autour de la voltige. Alors quand l’une des filles, pilier de l’équipe, arrête la compétition pour se consacrer à ses études de médecine, c’est le drame :
« Ce qui est ingrat, c’est que lorsque c’est fini, tout s’arrête. Tu es obligé de passer à autre chose. Mais le problème, c’est que tu n’as pas forcément pris le temps d’y penser avant… Dans ma situation, continuer une carrière professionnelle, c’était compliqué. Nous les voltigeurs sommes un peu comme les gymnastes, nos carrières sont très brèves. Elles s’arrêtent à 25 ans grand maximum. »
Adolescent, Benjamin comble vite ce vide avec les copains. Il commence à fumer, à boire de l’alcool et à faire la fête. Côté famille et scolarité, les difficultés s’enchaînent. Il n’a plus son échappatoire : sa vie de sportif de haut niveau. Sans repère, il tombe dans l’excès, boit trop et fume un paquet par jour :
« La fin des compétitions laisse un gros vide. Tu ne sais plus quoi faire de tout ce temps que tu consacrais au sport. Et tu n’as plus la reconnaissance que le sport t’apportait. »
Un passage à vide bien rempli
Âgé d’une vingtaine d’années, il passe alors un Bac pro en commerce, sans conviction. Puis il trouve un boulot dans une boutique de musique. Il apprend vite, et sur le tas, la régie son et lumière. Rapidement, il crée sa propre société d’événementiel, ODE, et décide pour se faire connaître d’organiser une gigantesque soirée. En 2011, il emprunte à la banque et loue le parc des expositions de Colmar.
« Je ne fais jamais les choses à moitié. Avec du recul, je me dis que j’ai fait des choses un peu folles. Cette soirée au parc expo, c’était une grosse prise de risque. Ce soir là, j’ai fait bosser plus d’une centaine de personnes. Il y a eu plus de 2 500 entrées, mais il en aurait fallu 4 000 pour que cela soit rentable. J’ai perdu de l’argent, mais ce n’est pas si grave. »
Pour éponger ses dettes, Benjamin court après trois jobs en même temps. Il ne sait plus où donner de la tête et semble perdu. Physiquement, il est au plus bas. Sa vie marginale et son rythme de vie ne lui conviennent plus. C’est à cette époque qu’il rencontre sa femme, Charlotte.
L’appel de la dentine de synthèse
Charlotte travaille dans le cabinet de prothèses dentaires de ses parents. Après une brève hésitation à rejoindre l’affaire familiale, Benjamin accepte la proposition de son beau-père et travaille au cabinet. C’est l’opportunité pour lui de retrouver un équilibre qu’il n’a jamais réussi à obtenir depuis qu’il a arrêté la voltige.
Il ne connaît rien à la dentine de synthèse, mais cet éternel fonceur, comme à son habitude, se lance à 200% dans l’aventure. Il aide à la mise en place du service CFAO (Conception et Fabrication Assistée par Ordinateur) puis reprend ses études pour devenir… prothésiste dentaire. Il poursuit actuellement sa deuxième année de BTM (Brevet Technique des Métiers), par alternance :
« Je suis le plus vieux de la classe, mais ça m’amuse. J’aime qu’il y ait du changement dans ma vie. J’aime les coups de boost. Lorsque je me suis senti épanoui en amour, je me suis marié. Lorsque je me suis senti professionnellement épanoui, nous avons décidé de faire des enfants. Et aujourd’hui, il ne me restait plus qu’à être sportivement épanoui, donc j’ai recommencé la compétition. »
Trois ans pour devenir un homme de fer
Et paf. À 29 ans, père de deux enfants (Éloïse 2 ans et demi et Léonard 7 mois), Benjamin s’est donné trois ans pour ressentir à nouveau la sensation de victoire, malgré ses 10 kg supplémentaires.
« La compétition me fait vibrer. Je prends plaisir à battre quelqu’un. C’est un trait de caractère mais cela n’a rien de sadique. J’ai beaucoup de respect pour les autres compétiteurs, peu importe qui gagne. Certains voient l’aspect combatif comme un excès de confiance en soi. Moi je pense que cette recherche de performance est positive et qu’elle m’a ouvert beaucoup de portes. »
Benjamin a choisi le triathlon, alors qu’il ne savait pas nager le crawl, car s’est un sport dans lequel il est possible d’être en haut niveau jusqu’à la quarantaine. Il a aussi eu la chance de rencontrer Arnaud Fabian, maître nageur et ancien membre de l’équipe de France de biathlon :
« Il a accepté de m’entraîner à condition que je sois sérieux car il n’a pas énormément de temps. J’ai fait des progrès rapides et j’ai fini dans les dix premiers sur toutes mes dernières compétitions. »
Ça, c’est pour les perfs. Maintenant, Benjamin souhaite se qualifier sur un triathlon Ironman (« homme de fer » : 3,8 km de nage, 180,2 km de vélo, puis un marathon pour se finir en douceur) l’année prochaine. Son but est de pouvoir participer au Graal des compétitions de triathlon : l’Ironman d’Hawaii.
Et le sport s’invite un peu dans le quotidien…
Pour aller au bout de ses ambitions, Benjamin se plie à un emploi du temps ultra-serré.
Journée type : | Semaine type : | ||
5h30 | levé | Natation | 14 km |
6h à 7h | vélo | Course | 40 à 50 km |
7h30 | déposer les enfants chez la nounou | Cyclisme | 120 à 200 km |
8 à 17h | boulot | Et de la préparation physique… | |
Jusqu’à 20h selon les jours | piscine ou course à pied |
« Je suis très accroché à la vie. Lorsqu’on a la chance d’être en bonne santé, il faut profiter de son corps. Je ne comprends pas les gens qui ne font pas de sport, ça me semble primordial. J’ai la curiosité de voir jusqu’où mon corps peut m’emmener et j’ai toujours envie d’aller plus loin avec lui. »
Comment transmettre le goût de la compet’ ?
« Mon grand plaisir ce serait que l’un des mes enfants veuille faire de la compétition. Là, c’est sûr que je deviendrai un vrai coach. J’aurais encore plus de plaisir à les voir sur un podium que d’y monter moi-même. »
Le jeune papa reste cependant lucide et tire des leçons de ses propres expériences. Pour lui, le sport doit rester secondaire. Il veut rester vigilant pour ses enfants car les carrières professionnelles restent rares et éphémères :
« Il faut pouvoir s’investir à fond tout en ayant les moyens de rebondir derrière. Le sport ce n’est pas la vie. La vie est à côté. »
Ah bon ?
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