Sur le plan, ce sont trois maisons enserrées entre l’avenue du Rhin, des immeubles tous neufs et des projets immobiliers. Au 22, il y a la fameuse Villa Trautmann (en blanc à gauche sur la photo), inoccupée, juste derrière, une autre bâtisse alsacienne en bois et torchis et encore derrière, une petite construction sous appentis. C’est là que vit Daniel Tahibi avec sa famille depuis 1993.
À l’époque, il s’agissait de deux pièces, que la Ville louait au titre de son patrimoine privé. Mais Daniel Tahibi est bricoleur, il a aménagé les combles et transformé la petite dépendance en quatre pièces et s’y trouve tout à fait bien. Alors quand la Ville a voulu l’expulser en 2002 pour construire un centre socio-culturel, Daniel Tahibi ne s’est pas laissé faire. Procédurier, juriste, tenace et méticuleux, il a bien failli être mis dehors en 2006 mais il a finalement fait annuler le permis de démolir de la maison qu’il occupe et le projet de construction a finalement avorté, noyé sous les procédures.
Ces derniers îlots de verdure vont disparaître
En 2008, la nouvelle municipalité lui a signé un bail correspondant aux 64 m² du logement qu’il occupe mais il reste méfiant. Car autour de lui, tout change très vite. Juste au nord de chez lui, la Ville aimerait récupérer une parcelle pour un projet immobilier le long de l’avenue du Rhin. De l’autre côté, au sud, il voit se construire contre sa maison un immeuble en autopromotion, celui des Urban’hôtes et à l’est, Daniel Tahibi suspecte qu’une prolongation de la rue du Ballon est à l’étude.
Prêts pour la guerilla juridique
Du coup, il a commencé à stocker des armes en prévision d’une nouvelle guérilla juridique. Il explique :
« L’adjointe au maire Pernelle Richardot (PS) est venue lors d’une visite dans le quartier. Je l’ai interpellée à propos d’une délibération votée en décembre 2013 qui prévoit la prolongation de la rue du Ballon. Et elle m’a soutenu l’inverse ! Quant à Urban’hôtes, ils construisent contre mon mur, qui n’est pas mitoyen et n’a pas assez de profondeur pour ses fondations. Ils risquent de le faire écrouler. C’est probablement l’objectif, pour qu’ensuite la Ville prenne un arrêté de péril et m’expulse de mon logement. Mais je ne me laisserai pas faire. »
Juste à côté, Serge Bischoff surveille aussi de son balcon les visites de géomètres et d’architectes qui passent régulièrement sur les parcelles voisines. Lui aussi craint une destruction de deux maisons anciennes, et une extension de la rue du Ballon :
« La rue du Ballon est une impasse. Et avec ce qui se construit ici ou là, je vois venir la procédure de désenclavement et l’expropriation d’une partie de mon terrain. Puisque sur les documents de la Ville, mon garage ne figure pas alors qu’il a été légalement construit ! La Ville m’a reçu, mais j’ai le sentiment qu’ils m’ont raconté des salades. »
Philippe Bies en pompier
Lui aussi prépare son arsenal juridique car, c’est vraiment pas de chance, Serge Bischoff est un ancien avocat. Du coup, c’est Philippe Bies, député (PS) de Strasbourg-sud, qui a été envoyé déminer le dossier, afin d’éviter le naufrage procédurier qui avait ébranlé la campagne de Fabienne Keller en 2008 :
« On a proposé à M. Tahibi qu’il soit relogé dans la maison du 22 avenue du Rhin (maison Klee sur le plan, ndlr) mais il peut rester dans la demeure qu’il occupe s’il le souhaite. Il n’y a aucune volonté de l’expulser, la Ville n’a pas l’intention de faire passer un prolongement de la rue du Ballon ni devant ni derrière la maison occupée par M. Tahibi, ni par le terrain de M. Bischoff. »
Philippe Bies a tenu ce discours rassurant lors de rencontres individuelles fin mai avec les deux résidents, plans à l’appui. Mais hélas, le député n’a pas dévoilé exactement les mêmes projets à chacun, si bien que leur méfiance demeure.
Reste que la Ville entend bien céder le terrain encore libre le long de l’avenue du Rhin, ce qui, avec la construction des logements d’Urban’hôtes derrière, finira d’encercler les deux villas historiques.
Construites au début du XXe siècle en zone inondable et démontables en 48 heures afin de freiner les troupes allemandes en cas d’invasion, ces deux bâtisses remarquables ne sont néanmoins pas classées à l’inventaire des bâtiments historiques. Philippe Bies assure qu’aucune destruction de ces villas n’est prévue mais qu’en ce qui concerne la villa Trautmann, la Ville est ouverte aux suggestions pour son utilisation.
Aller plus loin
Sur Archi-Wiki : la fiche de la villa Trautmann
Sur DNA.fr : L’affaire Tahibi vient squatter la campagne
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