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Avec le coronavirus, moins de sorties culturelles pour les classes d’élèves

En raison des contraintes sanitaires et des jauges réduites, l’accès des collégiens et lycéens est plus compliqué dans les salles de théâtre strasbourgeoises, obligeant les professeurs à s’adapter… ou à renoncer.

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Avec le coronavirus, moins de sorties culturelles pour les classes d’élèves

C’était le 6 mai 2020, en direct de l’Élysée. En bras de chemise, le président de la République s’adressait à des professionnels de la Culture, moroses et inquiets, après presque deux mois de confinement et sans perspective sur la reprise des rendez-vous culturels. Parmi les annonces faites ce jour là, une année blanche pour le statut des intermittents jusqu’à la fin août 2021 et l’idée de « vacances apprenantes et culturelles » :

« Rien ne nous interdit d’inventer autre chose, dans des formes plus petites avec pas de public ou moins de public. Stanislas (ndlr : Nordey, directeur du TNS ) le disait : « moi je suis prêt », et on doit l’accompagner dans sa vocation comme d’autres compagnies (…) On vous accompagne évidemment financièrement pour pouvoir le faire, (…) pour qu’on ait des jeunes du Neuhof qui puissent venir par 15 assister à une répétition. On va changer leur vie si on arrive à faire ça. »

Emmanuel Macron, visioconférence avec des artistes et des représentants de la culture le 6 mai.

En effet, durant tout l’été la scène nationale dirigée par Stanislas Nordey a proposé un ambitieux programme : 100 rendez-vous réunissant 40 artistes. Après cet été riche en propositions, l’année scolaire de beaucoup de collégiens et lycéens strasbourgeois et alsaciens s’annonce en revanche bien plus rationnée.

Le casse-tête du remboursement

C’est ce qu’a découvert Emmanuelle Wendling, professeur de lettres au lycée Kléber. Elle aime emmener ses premières au théâtre national de Strasbourg (TNS) et à l’Opéra jusqu’à trois fois par an. Elle s’y prend d’habitude au mois de juin pour réserver ses spectacles, mais le système d’achat collectif rend compliqué le remboursement et certains parents n’ont pu l’être pour des spectacles annulés l’an dernier. Un peu découragée et sans visibilité elle décide d’attendre la rentrée.

En septembre, plus de places dans les deux établissements pour aucune des pièces qu’elle souhaitait voir, en raison des jauges réduites :

 « Je vais regarder du côté du Maillon, je crois qu’il reste des billets, mais cette année ce sont surtout des spectacles de danse. On verra si la jauge augmente. J’espère pouvoir faire au moins une sortie au théâtre, comme les élèves l’ont au programme du bac c’est important. Et puis je pense à ceux qui n’ont jamais vu une pièce. »

Rideau sur la culture en 2020/2021 pour cause de Covid ? (photo SW / Rue89 Strasbourg)

Volontaires relégués au deuxième balcon

Kléber est le lycée de secteur de plusieurs quartiers strasbourgeois, dont Hautepierre et Koenigshoffen, ainsi que des villages et villes alentours comme Hoerdt ou Brumath. Au TNS, on a indiqué à la professeure que l’accès au deuxième balcon est limité à des groupes de 15 élèves. Forcée de s’adapter Emmanuelle Wendling pense proposer aux seuls volontaires, mais elle reconnaît que ce n’est pas l’idéal quand l’effectif des classes s’élève à 35 ados :

« On peut imaginer que les élèves strasbourgeois iront au spectacle et qu’ils feront un compte-rendu à ceux pour lesquels c’est de toute façon plus compliqué de venir car ils habitent loin. Mais pour beaucoup de mes élèves qui n’y vont pas avec leurs parents, c’est une découverte. Certains des premières que j’avais emmenés voir Le Canard sauvage d’Ibsen m’ont dit : “Même si on vous a pas l’an prochain on veut bien que vous nous repreniez un abonnement“. »

Emmanuelle Wendling, professeur de Lettres

Au Lycée Jean Monnet cette autre enseignante de Lettres, a renoncé aux sorties théâtre. Lorsqu’elle a voulu réserver des places en août comme tous les ans, les billets étaient déjà épuisés, au TNS comme au TAPS. Elle ne souhaite pas diviser ses classes en plusieurs groupes. À la place, ses classes participent à un projet cinéma et une comédienne va intervenir dans cet établissement du Neudorf et jouer sa création. L’enseignante reste amère devant les contraintes sanitaires discriminantes pour les publics éloignés des planches :

« Pour beaucoup de mes lycéens c’est l’occasion d’aller au théâtre pour la première fois. Notre rôle est essentiel, et je ne pourrai pas leur offrir cette découverte. Même un spectacle annulé l’an dernier et reprogrammé au TNS, il n’y a pas moyen d’y aller. »

« Leur montrer que ce n’est pas que Molière avec des perruques. »

Elle avait sélectionné trois spectacles de création contemporaine :

« Je voulais aussi les faire sortir de la vision qu’ils peuvent avoir du théâtre : leur montrer que ce n’est pas que Molière avec des perruques. »

Certaines pièces seront retransmises en ligne (c’est le cas de Phèdre!). Mais comme le soulignent les professeurs interviewés, découvrir des lieux et l’architecture du Théâtre national de Strasbourg ou de l’Opéra du Rhin et prendre part à une sortie culturelle aux mêmes horaires que le grand public font également partie de l’expérience des jeunes.

Les plus jeunes moins touchés

Les écoles primaires sont moins touchées que les collèges et lycées. Les représentations qui leur sont réservées ont lieu pendant la journée. Matthieu Seeburger est instituteur de CM1 et CM2 dans des classes bilangues à l’école élémentaire du Stockfeld dans le quartier du Neuhof.

« Concernant les conditions sanitaires dans les salles de spectacle, par rapport à ce qui est demandé aux élèves dans les classes, elles n’ont rien d’extraordinaire dans les lieux culturels, donc on est déjà habitués. »

La plupart des sorties entreprises par ses collègues ont pu avoir lieu, notamment grâce à un partenariat existant entre l’école du Stockfeld et Pôle sud à la Meinau, mais seulement pour deux classes cette année, contre quatre habituellement.

Les affiches des théâtres n’ont pas changé. Mais rentrer dans les établissements est plus compliqué pour une classe. (photo SW / Rue89 Strasbourg)

Transports publics interdits

Selon l’instituteur, l’autre obstacle sont les transports publics, quel que soit le lieu des sorties :

« En ce qui nous concerne, c’est une interdiction totale de les emprunter , or nous sommes une école excentrée. On peut réserver un car, mais ce n’est plus du tout le même budget. »

Les élèves auront aussi du mal à quitter la région. Matthieu Seeburger a dû annuler en avril une semaine de classe transplantée autour du thème des volcans dans une école auvergnate.

« Cette année l’académie a transmis la consigne de n’organiser aucun nouveau projet de classe transplantée, sauf si on a des avoirs de l’année précédente auprès d’un organisateur. »

Spectacles reportés

L’agglomération strasbourgeoise est riche en lieux et espaces culturels. Mais certains souffrent de la moindre fréquentation du public, en raison de la pandémie. Le Point d’eau à Ostwald a reporté tous ses spectacles jusqu’en 2021. Une année normale, plus de 5 000 scolaires sont accueillis en représentations spéciales, et 1 800 élèves en soirée. « On leur propose de venir en deuxième partie de saison, de janvier à juin », précise Isabelle Minery, en charge des pratiques artistiques et de l’action culturelle pour l’établissement. Par ailleurs, le festival O.Q.P organisé par l’association Mémoires Vives du 3 au 11 octobre, a été maintenu, avec 200 scolaires.

Ne pas réduire le quota scolaire

Le Point d’Eau a choisi de ne pas grignoter son quota de scolaires, jusqu’à trois classes dans les spectacles tout public, malgré les jauges réduites. « Même si on réserve 35 places par classe et que finalement seulement 20 billets sont retirés », poursuit Isabelle Minery qui remarque que « les collèges et les lycées paraissent plus frileux »

Le Point d’Eau est au ralenti, mais quand il reprendra il ne réduira pas les places pour les classes. (photo remise)

Au musée aussi, les jauges ont été réduites. Christine Butterlin, enseigne l’histoire des arts au lycée Kléber et revient justement d’une visite de l’expo Huysmans au Musée d’art moderne. Enchantée, mais un peu découragée par la lourdeur des réservations en période de Covid-19 :

« Il faut deux mois pour réserver un créneau pour une visite. Je vais sans doute abandonner l’idée d’aller voir l’expo Goethe car le créneau m’a été attribué alors qu’on aura déjà fini de l’aborder en classe. »

Mais cette professeure n’envisage pas de « passer trois ans à vivre enfermés ». Au second semestre, elle devrait de nouveau emmener des classes au musée.


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