En 2020 et 2021, les voitures partagées de Citiz ont moins roulé. Confinements, couvre-feu, isolement, essor de la visio-conférence… Autant de raison de ne plus se déplacer ponctuellement en automobile. Mais après deux ans d’incertitude, la coopérative strasbourgeoise relance à nouveau des projets d’avenir avec la sortie de crise sanitaire. Et ce regain d’optimisme coïncide avec l’arrivée pour la première fois d’un concurrent à Strasbourg, une entreprise française nommée Shaary.
Citiz, qui fête bientôt ses 20 ans, voit à nouveau l’avenir avec optimisme, comme l’explique son directeur, Jean-François Virot-Daub :
« L’une des conséquences du Covid, c’est l’essor des déplacements quotidiens à vélo, donc moins de raisons d’avoir une voiture personnelle. Mais c’est l’occasion pour certains de basculer sur l’autopartage. Il y a surtout une vraie opportunité pour les professionnels qui utilisent moins leur flotte de véhicules, et qui ont donc davantage de besoins ponctuels. »
Regain d’abonnés et recapitalisation
Entre janvier et mai 2022, Citiz a enregistré 1 400 nouveaux abonnés (sur un total de 15 000) dans le Grand Est, la majorité à Strasbourg. Une tendance plus rapide que les 3 000 de 2021 et 2 400 de 2020. Ce retour de l’activité devrait permettre d’éponger les 60 000 euros de pertes étalées sur deux ans à cause de la pandémie. Chômage partiel, PGE, paiements échelonnés, remises de partenaires… Citiz a activé tous les leviers pour limiter la casse après s’être fait très peur, avec 80% d’activité en moins lors du premier confinement.
Elle a aussi pu compter sur le soutien des collectivités locales, qui ont abondé au capital (150 000 euros pour l’Eurométropole et 155 000 pour la Région Grand Est) pour permettre de garder de bons ratios financiers, et donc de continuer à emprunter pour renouveler la flotte. Même au cœur de la tempête, Citiz a pu faire appel à ses sociétaires, qui ont soutenu à hauteur de 50 000 euros en parts sociales.
Pendant cette période creuse, la société a réaménagé ses bureaux, consolidé ses liens avec d’autres coopératives, fait auditer sa comptabilité pour évaluer ses apports à la société, ou encore revu son système de nettoyage des véhicules. Plutôt que « d’ajouter du trafic » et faire rouler les voitures vers une unique station de lavage, ce sont des équipes qui tournent à vélo électrique, équipés de sacoches pour porter le matériel.
Mais ce n’est pas ces réorganisations internes qui font l’actualité de la coopérative en ce printemps. La coopérative reprend à Strasbourg une mutation de ses voitures rouges en libre service Yea! vers l’électrique. « Le virage de l’électrique est là chez les constructeurs. Les trajets des voitures sont souvent plus courts avec les voitures en libre service, donc pour nous c’est cohérent de débuter avec cette flotte », indique Jean-François Virot-Daub.
L’essence reste plus adapté pour l’offre « complémentaire », des voitures en station, avec 200 véhicules à Strasbourg et 350 en Alsace. D’ailleurs, l’ouverture de nouvelles stations, souvent à perte les premières années, a également repris dans tout le Grand Est.
Même tarifs et même zone
Yea! avait lancé en fin 2019 une expérimentation avec deux Smart électriques. Mais le test s’était vite heurté à l’absence de bornes dans l’Eurométropole, à cause d’un gros raté dans le déploiement. Depuis, le marché a été relancé et un déploiement de stations de recharge Freshmile est en cours. Parallèlement, l’autonomie des véhicules augmente.
Comment concilier électrique et facilité d’usage ? « L’utilisateur ne sera pas tenu de se brancher en fin de réservation, on reste un service de freefloating simple », développe Jean-François Virot-Daub. Néanmoins, en plus des équipes qui veilleront à acheminer les voitures avec moins de 20% de batterie vers les bornes, Citiz compte impliquer ses clients avec des incitations financières. Des remises sont prévues pour celles et ceux qui se gareront à une station, ou débrancheront une voiture rechargée.
Pour le reste « rien ne change ». La zone de dépose reste la même, les tarifs sont identiques (39 centimes du kilomètre + 2,5€ ou 5€ de l’heure selon que l’usager ait souscrit à un abonnement ou non).
Six véhicules en test
Avant d’opter pour un modèle, Citiz va faire tester à ses usagers quatre véhicules, des Renault Zoé, Peugeot e-208, Fiat 500e et Smart ForFour EV. Parmi les différences, l’autonomie : 150 kilomètres pour les Smart, 300 pour la Zoé et la Fiat 500 et jusqu’à 350 pour la Peugeot e-208.
En raison des délais d’approvisionnement, le réseau d’autopartage mettra aussi en circulation les mini-voitures sans permis Ami de Citroën. « On est pas mal sollicités dans les petites communes pour ces véhicules car c’est vu comme une réponse au manque de mobilité des jeunes », explique le directeur. Enfin, Citiz mettra en circulation… des Dacia Spring.
Shaary débarque avec 30 Dacia Sping
Les Dacia Spring, c’est justement avec ce véhicule que se lance ce jeudi 12 mai la société Shaary, qui déploie 30 voitures à Strasbourg, sa deuxième ville après Marseille.
À Marseille, Shaary propose de petits électriques deux places. À Strasbourg, il s’agira de voitures plus grandes, compactes et avec une autonomie estimée entre 150 à 200 kilomètres. Les véhicules sont plus grands que les petites citadines Yea!.
Un prix à la minute
Principale différence, un prix uniquement en fonction du temps, à savoir 35 centimes/minute. À l’arrêt, un mode « pause » fait baisser le tarif à 15 centimes la minute. Les prix sont plafonnés à 17€ de l’heure ou 50€ la journée. Compte tenu des modes de calcul différent, il est difficile de comparer les deux services.
La jeune entreprise française basée à Lyon a été lancée fin 2020 par cinq associés et compte 30 salariés. Il s’agit d’anciens de la navette autonome Navya, qui peine à trouver des débouchés. Une partie de ses fondateurs ont par le passé été entrepreneurs pour les sociétés de jeux vidéos Infogrames, Inphonie dans l’internet ou Blablacar.
Diego Isaac directeur marketing ne voit pas l’arrivée de Shaary comme une concurrence directe à Citiz :
« Notre concurrent est surtout la voiture individuelle. Plus il y a d’offre, plus les habitants iront vers l’autopartage. Nous n’avons pas de frais d’inscription et pas d’abonnement. Notre logique est la même partout, faire sauter les barrières à l’usage de l’autopartage. Notre seul coût d’entrée est le déblocage du véhicule. »
Si la deuxième ville est Strasbourg, c’est tout simplement car le contact est allé plus vite avec la municipalité que dans d’autres métropoles. Shaary aura au départ une carte des zones de dépose plus limitée que celle de Citiz au départ. Aussi, les réservations ne pourront se terminer dans la Grande-Île.
Shaary envisage plusieurs évolutions sous quelques mois, notamment de la carte de dépose. « On est encore en discussion avec des hypermarchés et l’aéroport pour augmenter notre nombre de zones de dépose », ajoute Diego Isaac. Le nombre de véhicules pourra aussi être augmenté.
À Strasbourg, Shaary compte un salarié permanent, et bientôt deux à temps plein, qui seront chargés d’acheminer les véhicules vers les bornes Freshmile quand leur autonomie deviendra faible. Shaary se lance en partenariat avec l’Automobile Club d’Alsace, qui met à disposition des locaux et se fera le relais de certaines opérations de communication.
« Égalité de traitement » pour la Ville
Du côté de la Ville de Strasbourg, « l’équité de traitement » entre Shaary et Citiz s’est imposée. Une convention annuelle a été signée lorsque Shaary a soumis un dossier de candidature. Elle fixe une redevance pour la société à 58€ par véhicule et par an. Ces véhicules ne sont pas soumis au stationnement payant. Pierre Ozenne, adjoint en charge de la voirie et l’espace public, espère que cette arrivée débouche sur « une complémentarité » plutôt qu’une concurrence. « Shaary mise sur une facilité d’usage et d’accès encore plus forte. Citiz propose un réseau plus large, avec aussi des stations fixes dans de nombreuses villes en Alsace et en France. Dans les deux cas, on estime qu’un véhicule d’autopartage équivaut à 10 voitures en moins sur la voirie ce qui est vertueux », ajoute l’élu.
C’est surtout la robustesse du modèle économique de Shaary qui déterminera son avenir dans la capitale alsacienne. De nombreuses sociétés se sont lancées dans l’autopartage avant d’y échouer, y compris le groupe Bolloré avec les Autolib, qui avait tenté de s’implanter à Strasbourg en 2015. Les élus strasbourgeois avaient décliné l’offre. Shaary a fixé son seuil d’équilibre à 2h d’utilisation par jour par voiture. Elle se donne plusieurs mois, voire plusieurs années pour l’atteindre. Du haut de ses 20 ans d’expérience, Citiz peut compter sur 15 000 abonnés et des sociétaires impliqués.
Comparatif des offres Yea! et Shaary
Yea! par Citiz
Prix : 2,50€/heure (ou 5€ sans abonnement) + 0,39cts/kilomètre
Déblocage du véhicule : 2,50€
Prix plafonnés : 22€/jour et 0,25 cts/km au-delà de 100 kilomètres
Frais d’inscription : 40 ou 20€ (tarif réduit)
Abonnement : Au choix. Abonnement à 16€/mois qui diminue le prix horaire. Tarif réduit pour les sociétaires.
Autonomie : de 150 à 350 kilomètres pour l’électrique selon les modèles et « illimité » avec les voitures à essence, une carte bancaire pour faire le plein étant fourni.
Réservation à l’avance : oui, facturé au quart d’heure.
Autre avantage : Accès au reste du réseau Citiz en stations dans le Grand Est, avec des stations fixe, ainsi qu’ailleurs en France.
Shaary
Prix : 35 centimes/minute en roulant, 15 cts/min à l’arrêt
Déblocage du véhicule : 1,50€
Prix plafonnés : 17€ de l’heure et 50€/jour
Frais d’inscription : non
Abonnement : non
Autonomie : de 150 à 200 kilomètres.
Réservation à l’avance : 15 minutes maximum
Autre avantage : Accès au réseau Shaary à Marseille.
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