Difficile de se frayer un chemin entre les étals de tissus et de fruits et légumes samedi midi sur le parking de l’ancienne médiathèque d’Hautepierre, à l’ouest de Strasbourg. Un doux parfum de menthe fraîche a pris possession des lieux. Comme toute les semaines, le marché bat son plein. Au bord, des femmes inspectent des tissus orientaux. L’appareil photo fait fuir les clientes.
Plus loin, au milieu de l’allée centrale, des commerçants chargent déjà un caddy de fruits et légumes à brader. À peine le temps de les installer, à deux euros les dix, les derniers petits artichauts du jour s’arrachent.
Pas de place pour tous les commerçants
Dans la foule, Derbabe Zabdi regarde la scène. Le marchand ambulant de bijoux fantaisie n’a encore pas eu de chance aujourd’hui. Sur place depuis 6h, lui et son épouse n’ont pas obtenu d’emplacement. Six mois qu’ils tentent leur chance chaque samedi, en vain malgré leurs démarches administratives :
« Avant, nous étions en région parisienne. Le commerce y était très facile. Depuis six mois que nous sommes à Strasbourg, nous n’avons pas réussi une seule fois à vendre nos bijoux au marché de Hautepierre. A chaque fois c’est pareil, on nous dit qu’il n’y a plus de place ».
Derbabe nous attire sur le chemin qui longe l’ancienne médiathèque, à travers les stands improvisés des vendeurs à la sauvette d’herbes fraîches et autres montres à bas prix. Il peste :
« Une fois que les placeurs sont partis, les gens s’installent à la sauvette sur les places qu’on nous a refusées, et il n’y a plus aucun contrôle. Si ça continue comme ça, moi aussi je vais venir avec un petit chariot et je vais vendre au noir comme ça… »
De l’autre côté, la place André Maurois paraît bien calme. Les stands de quincaillerie, tissus et autres jouets attirent moins les chalands. Seul le stand de poulet rôti, halal, fait encore des affaires. Pour le vendeur de pain non plus, le marché n’est pas fini. Il ravitaille son étal en baguettes de pain blanc.
Maigres recettes pour la mosquée
Un militant tracte pour l’UDI, proximité de l’élection législative partielle oblige. À côté de lui, Ramzi fait la quête pour le chantier de la mosquée du quartier. Comme lui, des bénévoles de la mosquée de Hautepierre appellent aux dons à chaque point clé du marché. Mais aujourd’hui, les recettes sont maigres :
« C’est normal parce qu’on est à la fin du mois, les gens n’ont plus rien. Il faut savoir que 85% des gens d’ici n’ont pas de travail. Ils vivent du chômage ou du RSA. Ils donnent autour du 6 ou 7 du mois, quand les allocations tombent ».
Un homme tend un billet de 50 euros à Ramzi. Ce n’est pas un donateur mais un vendeur. Il veut faire de la monnaie. Ramzi l’éconduit. Il a déjà fait l’appoint à un commerçant et son reste de pièces n’atteint pas cinq euros.
En cette fin de marché, c’est le parking face à la médiathèque qui attire définitivement l’animation. Là où sont concentrés tous les vendeurs de fruits et légumes.
Affluence pour la braderie des produits
Yrmani, garde un cabat plein, en retrait de la foule, pendant que son épouse fait les courses. Le couple vient chaque semaine de Schirmeck. Il est 13h et c’est l’heure de pointe explique l’habitué :
« C’est maintenant que les gens arrivent, à la fin du marché, quand tout est bradé. Il y a trop de monde ici, mais c’est le meilleur marché ».
« 1 euro le kilo ! Deux euros le cageot ! », annoncent les commerçants de tous les coins de la place. Il faut réagir vite pour faire des affaires. À l’arrière d’un étal, une commerçante se débarrasse sur le trottoir de ses marchandises les plus abîmées. Une dizaine de femmes les inspectent pour dégoter ce qui en vaut encore la peine.
Ici pas de bio ni de fruits exotiques. Le luxe, c’est le raisin ou le citron, à 2,80€ le kilo. Les produits viennent d’Espagne ou du Maroc. Là, les pommes et les tomates bradées sont déjà passées de mains en mains et font pâle figure. Ailleurs, elles sont encore fermes, et l’affaire est bonne.
Un commerçant explique :
« On casse les prix progressivement. En fin de marché, nos produits ne sont plus aussi beaux, on ne peut plus en demander autant. Et ça permet à tout le monde de pouvoir manger, même aux plus pauvres. «
Au fil du temps, les prix sont cassés jusque sur les étals, les vendeurs effacent les prix marqués à la craie. À 13h30, difficile de trouver à manger à plus d’un euro le kilo. L’auteur de ces lignes lâche l’appareil photo et se prend au jeu. Résultat des courses : deux avocats, un kilo de nectarines, un kilo de tomates , rouges et fermes, et un kilo de kiwis pour 3,60 euros.
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