La culpabilité de Jacky Walter dans la succession d’événements qui ont abouti à la mort de Sylvia Auchter dans la nuit du 10 au 11 novembre 2019 (voir notre article) n’a pas été contestée. L’accusé a reconnu avoir porté des coups de couteau sur sa femme. La cour d’assises du Bas-Rhin devait donc estimer si Jacky Walter, 60 ans, est une personne dangereuse ou s’il a été emporté, malgré lui, dans une spirale de tensions conjugales jusqu’au féminicide.
La préméditation n’est pas retenue
Vendredi soir, après deux jours d’audience, la cour d’assises a condamné Jacky Walter à 20 ans de réclusion criminelle. Une peine lourde mais en-deçà de ce que la loi prévoit pour les homicides aggravés comme celui-ci, la détention perpétuelle. L’avocat général, Sébastien Pompey, avait requis 25 ans. Lors de ses réquisitions, il cherchait à démontrer que le meurtre de Sylvia Auchter avait été prémédité par Jacky Walter. Il ne croit pas à un « coup de sang » lorsqu’il s’adresse à l’accusé :
« Vous avez compris qu’elle vous échappait et vous avez eu tout le temps de vous préparer. Cacher un couteau de boucher sous un coussin, ce n’est pas pour dormir, c’est pour s’en servir. Vous avez verrouillé la porte de sorte qu’elle ne puisse pas s’échapper. Quand vous êtes passé à l’acte, ce fut un véritable massacre : 13 plaies de défense à la main gauche de Sylvia, 22 à la main droite ! Et quand elle est à terre, vous l’achevez en lui plantant le coup au thorax d’une profondeur de 10 cm ! »
Ultime preuve de la préméditation de l’accusé selon l’avocat général, le calme apparent de Jacky Walter, lorsque Sylvia s’éteint dans les bras de sa fille. Il est calme, il se lave les mains et, selon trois témoins de la scène, il s’ouvre une bière. « Vous avez le sentiment du devoir accompli », a analysé Sébastien Pompey.
Aucune violences conjugales auparavant
Le jury de la cour d’assises a semble-t-il pris en compte que Jacky Walter n’avait jamais été condamné auparavant. Les témoignages de ses deux premières femmes, qui ont catégoriquement nié toute violence physique pendant les 15 et 23 ans durant lesquels elles étaient en couple avec lui, a semble-t-il joué. Durant la matinée, les analyses psychiatriques et psychologiques de Jacky Walter ont fait la démonstration d’un homme certes empêtré dans ses contradictions et ses certitudes, mais pas de quelqu’un au discernement altéré. Jacky Walter manque d’empathie mais il n’est pas psychopathe pour autant.
La défense a donc axé son discours sur ce parcours d’homme tranquille, voire banal. Dans sa plaidoirie, Me Sophie Schweitzer s’est appuyée sur la forte personnalité de la victime :
« Sylvia Auchter n’est pas la victime d’un féminicide classique, au sens d’une femme dominée par un conjoint violent, qui est tuée après de multiples appels au secours. Sylvia se défendait, provoquait M. Walter même et tenait à ne pas abandonner la maison. Ce qui est arrivé est une tragédie, la conclusion inévitable d’une relation toxique entre deux fortes personnalités. »
« Après l’énoncé des faits, Jacky Walter a haussé les épaules »
Pour les parties civiles, principalement la fille de Sylvia Auchter, Stella Guitton, Me Maxime Bordron a regretté le manque d’empathie exprimé par Jacky Walter à l’audience :
« Après l’énoncé des faits, au moment où la cour a demandé ses observations à l’accusé, Jacky Walter a haussé les épaules. On aurait aimé entendre des explications de sa part. Il a enlevé une mère et une soeur aux parties civiles, leur peine est perpétuelle. Aujourd’hui encore, Stella éprouve des difficultés à sortir, à utiliser le téléphone… »
Après l’énoncé du verdict, Stella Guitton s’est déclarée « sous le choc. » « C’est rien », a-t-elle lâché, « ce n’est pas le signal que nous attendions contre les féminicides. » Jacky Walter a en outre été condamné à payer aux parties civiles environ 75 000€ d’indemnités diverses.
A l’issue de l’audience, Me Schweitzer estime que la peine prononcée a été « juste » et qu’elle a « pris en compte les circonstances » tandis que Me Bordron estime que la peine devrait permettre aux familles de « soulager leur douleur et leur souffrance, à condition qu’elle soit comprise et acceptée. »
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