Le dossier du Grand contournement ouest (GCO – voir tous nos articles) de Strasbourg, une autoroute payante de 24 kilomètres, a connu un coup d’accélérateur vendredi 31 août avec la publication des arrêtés autorisant les travaux définitifs. Le préfet du Bas-Rhin, Jean-Luc Marx a répondu aux questions de la presse dans la matinée, suivi par le président de l’Eurométropole Robert Herrmann (PS) qui a salué la publication des arrêtés à la mi-journée.
1 – Pas de temporisation
Suite au vote positif du Coderst mardi 28 août, les concessionnaires du GCO (Arcos, filiale de Vinci pour l’autoroute, et la Sanef pour l’échangeur nord) avaient deux semaines maximum pour réagir. Ils ont pris deux jours et envoyé leurs réponses et observations jeudi 30 août.
Le préfet du Bas-Rhin, Jean-Luc Marx, a indiqué avoir signé « l’autorisation environnementale unique » le soir-même, publié les deux arrêtés autorisant les travaux définitifs vendredi, pour une entrée en vigueur le lendemain, soit samedi 1er septembre. Malgré l’absence de ministre de l’Écologie au gouvernement depuis mardi, l’État souhaite avancer au plus vite sur ce dossier en cette rentrée.
2 – La date incertaine de l’évacuation de la Zad
À Kolbsheim, la résistance au projet s’est matérialisée par une Zone à défendre (Zad), où résident quelques dizaines de personnes et où leurs soutiens peuvent converger de Strasbourg et des villages environnants. Cette Zad est expulsable depuis la fin juin, mais les travaux en forêt ne sont autorisés que du 1er septembre au 15 octobre, car il s’agit d’une zone avec des espèces protégées.
Le préfet a appelé les opposants à quitter les lieux. Mais comme cela a peu de chance d’arriver, il annonce une « concomitance » entre l’évacuation de la Zad et le début des travaux. Quoiqu’il en soit, il appelle à la non-violence, ce qui à ce jour a toujours été la ligne de conduite des opposants. La préfet a aussi déclaré avoir donné des « consignes de vigilance et de précaution » aux gendarmes, même s’il s’attend à « des provocations si nous avons des éléments exogènes », c’est-à-dire des personnes venues d’ailleurs.
Sans surprise, la date d’évacuation n’a pas été dévoilée. L’État peut intervenir au plus vite ou temporiser. Parfois accusé de procéder à « un déni démocratie », le préfet a rappelé que les tribunaux sont la voie ultime. Le concessionnaire et l’État peuvent attendre ou non les recours en référé (jugés sous quelques jours ou semaines) annoncés par Alsace Nature et la députée Martine Wonner (LREM) concernant les arrêtés. L’avocat de « GCO Non Merci, » Me François Zind nous a confirmé travailler sur un recours, sans donner de date de dépôt au moment où il prenait connaissance des textes. Une grande manifestation dans les rues de Strasbourg est par ailleurs prévue le samedi 8 septembre à 14h. Une évacuation avant cette date pourrait braquer les opposants sur la forme.
Selon Olivier Claudon, qui suit le dossier du GCO pour les Dernières Nouvelles d’Alsace, les escadrons de gendarmerie seraient prêts à intervenir à partir du 10 septembre.
3 – Probable retards et surcoûts
Selon le préfet, Vinci a indiqué dans sa réponse que la teneur des arrêtés aura « très vraisemblablement des conséquences sur le planning et les coûts », comme le laissait déjà entendre la société à Rue89 Strasbourg avant le Coderst. Hypothétiquement, Vinci pourrait attaquer les arrêtés, même si ce n’est pas vers cette voie que l’on s’achemine.
Les concessionnaires de l’infrastructure seront rémunérés par le prix des péages selon une formule complexe, avec des prix différents selon le type de véhicule et les heures de la journée. Du côté de la Sanef, c’est l’allongement de la concession sur l’A4 obtenu en 2015 dans le plan de relance autoroutier (PRA) qui permet de dégager 43 millions d’euros pour financer l’échangeur avec l’A4 et l’A35.
Le préfet a indiqué qu’aucune négociation sur des éventuels retards n’avait encore été abordée. Le contrat prévoit des pénalités journalières si la date de mise en service du 30 septembre 2020 prévue dans le contrat n’est pas respectée, mais exclut les causes extérieures et cas de force majeure.
À ce sujet, le préfet a rappelé que Vinci avait juridiquement le droit d’effectuer des déboisements en septembre 2017 à Kolbsheim lorsque des opposants s’étaient interposés, mais pas moralement et politiquement tant que les compensations n’avaient pas été améliorées. Le gouvernement avait demandé de suspendre les opérations. Malgré des progrès, un nouvel avis négatif a été émis par le Conseil de protection de la nature en décembre. Interrogé lors d’un point presse, Robert Herrmann a en tout cas indiqué qu’il n’y avait « pas de raisons » que sa collectivité participe à une éventuelle rallonge budgétaire, car l’Eurométropole n’est jamais intervenue pour retarder les déboisements. « Cela fait l’objet d’une négociation entre l’État et le concessionnaire ».
4 – Des arrêtés qui feront jurisprudence ?
Jean-Luc Marx, ainsi que Robert Herrmann, ont rappelé que certaines prescriptions vont plus loin que ce qu’indique la loi. C’est par ces mesures supplémentaires et l’utilité publique du projet reconnue en 2008 (puis prolongée par le contrat et le Conseil d’État) que les décideurs justifient de passer outre plusieurs avis négatifs d’instances et en particulier ceux des deux enquêtes publiques réalisées au printemps.
Parmi les ajustements récents : une pente plus raide sur le talus du futur viaduc sur la Bruche entre Kolbsheim et Ernolsheim-Bruche pour réduire son emprise au sol. Pour le Grand hamster d’Alsace, chaque hectare détruit sera compensé 2,4 hectares qui seront « améliorés », soit « un ratio jamais atteint », selon Jean-Luc Marx. Au total 115,6 hectares d’habitat du petit mammifère tacheté sont impactés de manière permanente et 80,8 de manière temporaire. Les 45 hectares de zones humides seraient remplacés par 115 hectares dispersés.
Selon nos informations, une délibération du conseil municipal de Strasbourg prévu le 24 septembre doit établir par exemple la transaction de terrains appartenant à la Ville, afin de faire l’objet de ces fameuses compensations.
Robert Herrmann s’est interrogé si ces standards élevés sont une exception ou vont devenir la règle. Car l’Eurométrople compte à son tour construire une route vers 2020 ou 2021, la voie de liaison intercommunale ouest (VLIO), de Entzheim à Bischheim. Ce projet est bien moins contesté, car son impact est bien plus faible et son utilité semble plus évidente pour les élus et les habitants.
Si les compensations, pour les agriculteurs ou les espaces naturels, sont de la même ampleur, cela complique forcément la donne. Car plus il y a de terrains pour ces fameuses compensations, plus cela fige des espaces où les constructions deviennent impossibles, à une époque où les dirigeants aiment encore se voir en bâtisseurs.
Chargement des commentaires…