« Tu es en train de me tuer là. » Il est 22h02 rue Fix, une ruelle de Neudorf le dimanche 6 avril. Un policier municipal de Strasbourg a maîtrisé un homme à l’issue d’une course poursuite. Quelques minutes plus tôt, une patrouille avait croisé deux scooters avenue de Colmar, circulant à une vitesse excessive.
« Mets toi sur le ventre ou je te gaze ! », hurle l’agent. « Tu sais que je vais te niquer », le prévient-il. Une fois qu’il a retourné, non sans mal, l’individu sur le ventre, le policier assène deux violents coups de poing dans le casque que porte son opposant, qui vient de dire « ne me gaze pas steuplait ».
Puis le policier relâche son étreinte et se recule pour gazer à bout portant l’homme appréhendé, avec sa bombe lacrymogène. L’agent estime que le suspect, un habitant de Bischheim, a essayé de lui prendre sa gazeuse.
Cet enchaînement, capté en vidéo, diffère avec la version de la Ville de Strasbourg, laquelle assure que c’est l’individu appréhendé qui « a porté des coups avant d’être maîtrisé avec l’usage de la force strictement nécessaire à son interpellation. »
Fin d’affrontement sur le parking
Le gazage ayant échoué, le suspect se relève, s’éloigne et enlève sa protection. Les deux hommes se font face. « Tiens, y a les collègues qui arrivent », lance le policier. En effet, deux véhicules de la police municipale vont rappliquer dans la minute. L’individu recherché part en courant sur le parking du Monoprix, fermé en ce dimanche et dont les lampadaires sont éteints à cette heure-ci.
À 22h04, plusieurs policiers sont sur le parking. « Mets toi au sol ! », crie le policier du premier affrontement. Le suspect ne s’exécute pas. Dans un autre enregistrement sonore, on entend des portières claquer et un nouveau coup de gaz, puis un gros boom. Le fugitif était dans un cul de sac, bloqué par une palissade. « Tu vas te coucher ou il faut te mettre sur la gueule connard ? T’as compris maintenant ? Hein ? », lance une autre voix de policier. La personne maîtrisée agonise.
À 22h06, plusieurs agents de la police municipale s’affairent avec leurs lampes de poche autour du corps de l’individu au sol. Ils échangent. « Il ne fait pas semblant », remarque l’un d’eux. D’autres mots sont à peine perceptibles : « sang, » « oeil »…
Environ 15 minutes plus tard, les secours arrivent. Sonné et à terre, l’homme est évacué sur un brancard par une ambulance des pompiers, toujours sans connaissance, selon des témoins. L’ambulance était encore sur le parking à 22h39.
À 23h50, des policiers municipaux reviennent sur les lieux de l’affrontement. Avec des policiers nationaux du « groupe d’appui judiciaire. » Ils y procèdent « aux constatations d’usage, matérialisant à cette occasion des dégradations commises sur un véhicule contre lequel « a été projeté l’un des policiers municipaux », selon la Ville de Strasbourg. Une demande de la police nationale.
La scène s’est déroulée dans l’axe des caméras de surveillance du magasin Monoprix. Mais ces images n’ont pas été saisies dans le cadre de l’enquête.
Crachats contre les médecins à l’hôpital
À l’hôpital de Hautepierre, des électrodes avait été posées sur le patient sonné et une sonde introduite dans son pénis. À son réveil vers 1h20, il insulte et crache sur deux femmes médecins. À 2h37, le mis en cause est présenté au commissariat de Strasbourg, placé en garde à vue. Les agents de la police municipale sont également entendus.
L’individu, qui présente encore des éraflures au visage, a été jugé en comparution immédiate le mardi 7 avril. Pour l’ensemble des faits (refus d’obtempérer, résistance violente, puis outrages sur les deux médecins et « violence » pour le crachat), il a été condamné à une peine globale de deux ans ferme. « Dans le contexte actuel de la pandémie, c’est avant tout ses actes sur les femmes médecins qui justifient cette condamnation », estime son avocate Me Sandrine François. Les deux médecins ont porté plainte contre cette personne qui compte déjà 26 condamnations. Il était sorti du centre de semi-liberté de Souffelweyerseim le 17 mars, en raison de l’épidémie de coronavirus.
Deux policiers municipaux ont aussi porté plainte. Celui qui l’a frappé initialement a signalé des douleurs au genou, causées par une chute pour le maîtriser. Il a obtenu des dommages et intérêts. Un deuxième, qui avait demandé des réparations pour « outrage, » a été débouté. « Les ordonnances actuelles poussent à une justice expéditive, avec peu de renvoi pour des investigations. Nous n’avons pas eu les images du Monoprix ni celles de la Ville de Strasbourg », regrette Sandrine François.
L’autre personne à scooter au début de la course poursuite n’a pas été appréhendée. Au 17 avril, sans images suffisantes des coups portés par les policiers, l’individu de retour en prison n’a pas porté pas plainte pour violences contre les policiers.
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