La Vie a interviewé Luc Ravel, archevêque de Strasbourg, dans un café parisien, un mois après l’annonce de sa démission qui prendra effet prochainement. Dans un long entretien publié le 22 mai, l’ancien chanoine régulier de Saint-Victor donne au journal chrétien sa lecture des évènements.
« Depuis juin 2022, je me suis senti ébranlé intérieurement », commence t-il. Cette période concorde avec l’organisation d’une enquête ordonnée par le Vatican, qui souhaitait faire la lumière sur des accusations concernant ses méthodes de management, jugées brutales par certains collaborateurs.
Quelques semaines plus tôt, fin mai 2022, Luc Ravel avait suspendu de ses fonctions l’économe diocésain (personne chargée d’administrer les biens de l’Église) Jacques Bourrier, « en raison d’un comportement incompatible avec l’exercice de celles-ci, en particulier le dénigrement de l’autorité », justifie-t-il à La Vie. En février 2023, le pape a demandé à l’archevêque de Strasbourg de démissionner. Ce dernier n’a annoncé sa renonciation que deux mois plus tard, le 20 avril.
« Le contact avec les victimes m’a érodé »
Questionné sur ce que le Vatican lui reproche précisément, Luc Ravel répond :
« Le fond du problème a toujours été la gouvernance. C’est la raison pour laquelle le Pape demande ma démission. En particulier, cette difficulté que j’aurais avec des prêtres, qui sont terrorisés par ma façon de traiter les abus. “Vous en faites trop”, m’a-t-il dit. »
Il glisse que « beaucoup » de ses amis, « notamment juristes, s’interrogent sur le système d’audit interne » à l’Église. De son côté, il « s’incline » et « essaye d’acquérir la paix ».
Pour sa défense, l’archevêque explique donc l’hostilité du Vatican par un trop fort engagement de sa part contre les abus sexuels dans l’Église. Pour préserver la réputation d’un prêtre agresseur, il avait pourtant refusé de rendre publique sa suspension, prenant le risque que le pédophile récidive en célébrant dans une autre paroisse.
Dans l’hebdomadaire chrétien, Luc Ravel affirme :
« Le contact direct avec les personnes victimes m’a érodé. J’ai été décapé par la douleur et le mystère du mal. Je confesse que j’aurais dû me faire davantage accompagner personnellement, y compris sur le plan psychologique. »
Des collaborateurs lui reprochent « une indifférence à leur égard, voire une cessation brutale de contact », rappelle La Vie. Luc Ravel répond : « Si c’est leur ressenti, cela doit être vrai, même si ma porte a toujours été ouverte à mes collaborateurs. » Sur l’identité de son successeur, Luc Ravel garde le silence.
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