Enquêtes et actualité à Strasbourg et Eurométropole

Après un mois à craindre d’être expulsée, Reyhan peut reprendre une vie paisible

L’artiste iranienne Reyhan a finalement reçu un titre de séjour vie privée et familiale, vendredi 21 février, lui permettant de reprendre une vie normale à Strasbourg. Elle craignait d’être menacée d’expulsion vers l’Iran suite au refus initial de la préfecture de renouveler son titre de séjour.

Cet article est en accès libre. Pour soutenir Rue89 Strasbourg, abonnez-vous.

Après un mois à craindre d’être expulsée, Reyhan peut reprendre une vie paisible

Reyhan a commencé l’année 2025 dans l’incertitude, vivant avec la crainte d’une expulsion (voir notre article). L’artiste Iranienne, âgée de 30 ans, a déménagé en France en 2000, alors qu’elle avait 5 ans. Elle y a poursuivi sa scolarité jusqu’au collège, période à laquelle ses parents ont décidé de retourner en Iran. Puis elle est revenue en 2018, s’est inscrite à l’Université de Strasbourg en deuxième année de Licence.

Elle finit son parcours académique avec l’obtention d’un master Écritures critiques et curatoriales de l’art et des cultures visuelles en 2023. Son diplôme lui a permis d’avoir un titre de séjour RECE (recherche d’emploi, création d’entreprise), valable une seule année. Active, elle adhère depuis à plusieurs associations et occupe différents postes dans le milieu culturel, un secteur en crise qui ne lui permet pas d’atteindre un revenu à 1,5 fois le Smic, exigé pour renouveler son titre de séjour.

Celui-ci est arrivé à expiration le 24 janvier et dès lors, elle a dû arrêter de travailler et n’a plus pu prétendre aux prestations sociales. Elle a survécu grâce à ses économies et n’osait plus sortir de chez elle, pas même pour faire ses courses comme elle avait l’habitude de faire à Kehl, de peur d’un éventuel contrôle de police. Fin janvier, la préfecture a refusé de lui renouveler son droit au séjour.

Une vague de soutien sur Instagram

Paniquée à l’idée d’être sans papiers, la jeune femme de 30 ans s’est tournée vers la Cimade, une association d’aide aux migrants, aux réfugiés et aux demandeurs d’asile. Habitués aux processus administratifs, les bénévoles de la Cimade lui font part de leurs craintes sur la capacité de Reyhan d’obtenir un titre de séjour.

Démunie, elle décide de partager son histoire sur Instagram. Rapidement, des personnes relaient son témoignage, dont l’activiste Mcdansepourleclimat et l’aident en recherchant des contacts de personnes travaillant à la préfecture. Le 5 février, elle envoie un mail à la députée écologiste Sandra Regol (1re circonscription du Bas-Rhin) pour lui faire part de sa situation. Bella Beltaief, sa collaboratrice parlementaire, l’invite alors à discuter autour d’un café. Elle lui apprend que la députée a adressé une lettre au préfet, Jacques Witkowski, pour tenter de résoudre le problème.

Dans le même temps, un message sur Instagram oriente Reyhan vers Me Nohra Boukara, avocate pour la Ligue des droits de l’Homme à Strasbourg. Bien qu’elle ait un emploi du temps surchargé, l’avocate accepte de la recevoir et constate que son dossier « ne rentre dans aucune case ». Elle l’encourage alors à réunir des témoignages et documents attestant de son intégration à la société française, notamment une promesse d’embauche, pour les présenter à la préfecture. Sans ce document, il est plus compliqué d’obtenir le titre de séjour auquel elle prétend. Mais sans titre de séjour, impossible de trouver un emploi en toute légalité. Le cercle est vicieux.

Un parcours du combattant

Reyhan insiste sur la difficulté de décrocher un rendez-vous à la préfecture, les créneaux sont mis en ligne une fois par mois, un lundi à 15h, et disparaissent en quelques secondes. Lorsqu’un demandeur réussit enfin à avoir un rendez-vous, l’attente se prolonge pendant des heures devant le bâtiment, en plein air, place de la République.

Mercredi 22 janvier, elle se rend une première fois à la préfecture, sans rendez-vous. L’agent au guichet déclare qu’il « ne peut rien faire » face à sa situation. N’ayant pas un travail stable dans le domaine pour lequel elle est diplômée et n’ayant pas un revenu à hauteur de 1,5 fois le smic, elle ne peut pas prétendre à un titre de séjour salarié. Elle demande alors s’il est possible d’obtenir un titre de séjour vie privée et familiale, en vertu de son Pacs avec son partenaire français, célébré en décembre 2024. L’agent exigera qu’elle ramène des témoignages pour prouver la réalité de cette relation et écarter tout soupçon de « Pacs blanc ».

Elle parviendra à décrocher un second rendez-vous, vendredi 21 février, pour transmettre les témoignages de son voisinage et de ses proches qui attestent de sa vie commune avec son partenaire. Son compagnon pose un jour de congé pour l’accompagner. Reyhan obtient cette fois-ci gain de cause et se voit attribuer ce que l’agente préfectorale qualifie de « meilleur titre de séjour attribué aux étrangers ». Il s’agit de la carte de séjour vie privée et familiale, valable deux ans et lui permettant de travailler sans restriction. Le timbre fiscal lui est également remboursé.

Dans l’attente de recevoir sa nouvelle carte de séjour, Reyhan a reçu lundi 24 février un récépissé lui permettant de reprendre le travail.

Entre soulagement et indignation

Malgré cette victoire, Reyhan garde un goût amer de cette expérience après tant d’annéee passés à vivre paisiblement en France : « Je suis totalement intégrée à la société et pourtant, j’ai dû me battre pour obtenir un droit de séjour.” Elle souligne le manque de considération envers les étrangers dans les démarches préfectorales et s’inquiète pour toutes les personnes encore en attente de régularisation. Les conditions d’accès au titre de séjour se durcissent sous la politique migratoire du ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau. Le 23 janvier 2025, la circulaire Retailleau réduit ainsi davantage les critères d’admission exceptionnelle au séjour.

Aujourd’hui, Reyhan peut espérer retourner à sa vie normale, au moins pour les deux prochaines années que lui assure son titre de séjour.


#immigration

Activez les notifications pour être alerté des nouveaux articles publiés en lien avec ce sujet.

Voir tous les articles
Plus d'options