Dans une relative indifférence, le gouvernement a réformé l’aide à la complémentaire santé (ACS) l’an dernier. Ce dispositif permettait aux personnes avec de faibles ressources (moins de 11 670€ par an pour une personne seule) de déduire jusqu’à 550€ du montant de son assurance santé complémentaire. La caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) envoyait un « chèque », que l’assuré n’avait plus qu’à faire suivre à sa mutuelle.
En Alsace, 10 112 personnes bénéficiaient de ce système en 2015, dont Marie-Thérèse Fritsch, d’Urmatt. Mais fin juillet, sa mutuelle, Muta Santé à Mulhouse, l’informe qu’elle ne sera plus en mesure « d’offrir ce service » car l’ACS est désormais réservée à certains contrats sélectionnés, sur un appel d’offres de la Sécurité sociale. Muta Santé n’ayant pas été retenue, ses contrats ne peuvent être payés en partie par l’ACS.
700€ par an de « participation forfaitaire »
Marie-Thérèse est très âgée, elle reçoit la visite d’une infirmière deux fois par jour pour des problèmes d’épanchements. Sa mutuelle lui remboursait ses soins moyennant une cotisation de 590€ par an, soit 40€ une fois l’ACS déduite. Elle ne comprend pas bien pourquoi elle doit changer d’assureur maintenant, ni son fils d’ailleurs, Pascal, qui a décortiqué les contrats disponibles :
« Chez Muta Santé, ma mère bénéficiait de la prise en charge de médecines douces, d’une chambre individuelle en cas d’hospitalisation et d’un peu de thermalisme. Dans les contrats désormais réservés à l’ACS, il n’y a rien de tout ça. Ils sont plus chers et moins performants ! On se demande vraiment où est le gain pour l’État ! »
D’autant que les bénéficiaires de l’ACS n’ont pas à avancer le moindre euro, grâce au tiers payant intégral. Même la participation forfaitaire de 1€ est prise en charge, ce qui représente quand même pour Marie-Thérèse une économie de 50€ par an.
« Des personnes à faible revenu n’ont plus le choix de leur contrat »
Stéphane Demuth, directeur de Muta Santé, se désole de cette situation :
« Clairement, le gouvernement est intervenu sur un segment du marché qui était encore libre, à savoir les personnes aux faibles revenus mais qui n’entraient pas pour autant dans les critères d’attribution de la couverture maladie universelle (CMU). Ces gens avaient le choix quant au budget qu’ils décidaient de consacrer à leur couverture santé, ils ne l’ont plus. Notre groupe, AG2R prévoyance, a bien essayé de candidater à l’appel d’offres mais nous n’avons pas été retenus. Nous allons donc devoir orienter ces clients vers un partenaire, peut-être la Macif. »
Car pour être retenus par l’État, les contrats des mutuelles devaient correspondre à un cahier des charges très strict, sans inclure de garanties non prévues par le gouvernement. Au final, dix regroupements représentant 97 mutuelles (sur 706 répertoriées en France) ont été retenus, proposant tous trois contrats (A, B ou C) très similaires et légèrement plus chers que le montant maximal de l’ACS (voir la liste).
« Un dispositif très stigmatisant pour les bas revenus »
François Kusswieder, président de l’union régionale de la mutualité française en Alsace et de Mut’Est, ne voit pas non plus l’intérêt de cette réforme pour l’État :
« Ça ne générera pas d’économies puisque les montants de l’ACS restent identiques et le nombre de bénéficiaires aussi. En Alsace, les conseils départementaux soutenaient également l’ACS ce qui, avec le régime local, permettait de proposer aux personnes avec de faibles revenus de bonnes couvertures. Là, les contrats standardisés ne sont franchement pas terribles. Et surtout, on force des personnes qui n’ont pas beaucoup d’argent à les choisir. C’est très stigmatisant. »
Dans un communiqué, le ministère de la Santé indique que cette réforme a été lancée pour que plus de bénéficiaires potentiels de l’ACS y aient recours. Selon le gouvernement, les nouveaux contrats sont moins chers de 14 à 36% que les anciens. Mais Pascal Fritsch ne voit pas bien quel sera l’avenir mutualiste de sa mère :
« Elle va devoir souscrire un contrat dans une mutuelle sélectionnée, et probablement en souscrire un autre ailleurs pour la prise en charge des soins qui lui correspondent mais qui ne sont pas prévus dans les contrats-types… Avec sa pension de veuve de 850€, ça risque d’être délicat. »
François Kusswieder précise en outre que la loi interdit aux prestataires de contrats ACS de proposer une offre « surcomplémentaire », qui viendrait combler les manques. Il faut souscrire un autre contrat.
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