Ils sont plus d’une cinquantaine à avoir répondu à l’appel. Enseignants, parents d’élèves, membres d’associations et citoyens se sont rassemblés pour appeler la municipalité à prendre ses responsabilités quant à l’hébergement des personnes sans-abri et en particulier les enfants. Leurs revendications sont triples : qu’aucun élève ne dorme à la rue, que tous les enfants vivant à Strasbourg puissent s’inscrire à l’école, ainsi qu’à la cantine. Le collectif ne veut pas prendre en charge ces questions, mais pousser la Ville à le faire.
Une cinquantaine de manifestants et un noyau dur de vingt personnes
Yaël, enseignante à l’école élémentaire Langevin explique qu’ils sont une trentaine de personnes à s’être inscrits sur la liste de diffusion par e-mail du collectif. « Et chaque jour, on reçoit deux ou trois messages d’écoles qui nous contactent – enseignants, infirmiers… pour nous faire part de situations d’enfants à la rue ». Le collectif a aussi contacté des établissements scolaires suite à des informations relayées par des associations de maraude. « Ça va dans les deux sens, et c’est inquiétant car les personnes sont isolées », estime l’enseignante. « Parfois les enseignants ne sont pas au courant et parfois quand ils le sont, ils ne savent pas quoi faire », résume-t-elle.
« Les associations de parents d’élèves sont là et c’est un super levier, on ne peut pas laisser les gens à la rue pour Noël » estime Yaël. Parmi les personnes mobilisées, il y a les enseignants, mais aussi les parents d’élèves et leurs associations. Marie-Jane est l’une d’entre elles. « Nous sommes beaucoup de personnes de partout, je trouve qu’on a une bonne dynamique et que notre impact existe déjà ». L’impact, selon elle, est qu’un lien s’est créé à travers différentes écoles de Strasbourg et que les informations circulent vite.
« Pas d’Enfant à la Rue » compte une petite vingtaine de membres actifs. Les infos fusent sur le groupe de messagerie instantanée. Enseignants, parents d’élèves, membres d’association ou citoyens engagés, le collectif rassemble. « Et c’est voué à grandir », espère Catherine, enseignante à l’école maternelle Langevin.
Deux semaines d’action et un bilan positif
Quant aux actions, une lettre à la Direction académique au service de l’Éducation nationale (Dasen) est en préparation. « On ne s’est pas tournés vers la préfecture pour ne pas mettre en danger certaines familles (dont la demande d’asile a été refusée, NDLR) », précise Catherine. Des actions de tractage ont eu lieu samedi au Marché de Noël et devant certaines écoles, pour mettre au courant les parents d’élèves. « Sur le Marché de Noël, c’était un peu compliqué car il y avait beaucoup de touristes, ou de personnes qui ne se sentaient pas concernées », explique Anne-Claire, enseignant au collège du Stockfeld.
À l’issue de la manifestation, sept membres du collectif ont également rencontré des élus municipaux. « On sait que la municipalité adhère à notre cause : la question c’est de voir si c’est uniquement du blabla, ou s’ils sont prêts à agir » se demande Marie-Jane. Catherine rejoint la mère d’élève : « la Ville a une responsabilité de mise à l’abri des personnes en danger, on ne veut plus entendre dire qu’elle ne peut rien faire ».
Des situations recensées dans tous les quartiers
En deux semaines, le collectif s’attelle à aider les associations à mesurer l’ampleur du phénomène des élèves sans-abri. Car l’un des impacts mesurable du collectif, c’est le recensement de ces situations. « On a eu des alertes dans les quartier du Conseil des XV, Reuss, Cronenbourg, Hautepierre, Schiltigheim, Vauban, Émile Mathis, Pontonniers… C’est dans toute la ville, » insiste Yaël. « On a essayé de faire le point mais c’est compliqué. » La Ville annonce entre 40 et 60 enfants dans la rue, mais le collectif estime que le chiffre est plus proche de la centaine en comptant les enfants qui ne sont pas scolarisés.
Certaines familles identifiées sont dans un processus de demande d’asile, plusieurs autres ont obtenu leurs papiers, ou sont de nationalité française. « Ça fait peur, parce que ça touche tout le monde, » s’alarme Marie-Jane.
Trois revendications et une exigence : des actions concrètes
Le collectif a élaboré ses premières propositions. « Les écoles pourraient proposer une adresse postale, pour que ce ne soit plus un obstacle à l’inscription », résume Catherine. À la cantine, ils demandent la gratuité des repas pour les enfants concernés.
Quant à l’hébergement d’urgence, « on sait que la Ville va nous dire que c’est de la responsabilité de la préfecture », prédit Catherine. « Mais on ne veut plus l’entendre ». Yaël complète : « On surveille le gymnase ouvert par la préfecture, on ne sait pas quand il va fermer et c’est très anxiogène pour les familles qui y sont ». Fin novembre, 80 places de mise à l’abri ont été créées dans le cadre du plan grand froid.
Pour Marie-Jane, la rencontre avec la municipalité sera un succès si cette dernière leur offre des solutions « à mettre en place dans la semaine ». Pour l’hébergement : « mettre à disposition des habitats de la Ville inoccupés, ou déléguer leur gestion à des associations si la Ville ne peut pas le faire elle-même, et y garantir un accès inconditionnel » explique Yaël :
« On n’est pas là contre la Ville. Mais on veut leur dire que ce n’est pas notre rôle de citoyens d’héberger les gens – et pourtant on le fait. Ce n’est pas notre rôle de donner dans des cagnottes – et pourtant on le fait. L’État ne le fait pas mais nous, citoyens, on le fait : la Ville peut le faire aussi. »
Yaël, enseignante à l’école élémentaire Langevin
En fin de manifestation, Emmanuelle, membre de l’Association des parents d’élèves de l’enseignement public en Alsace (Apepa) prend la parole. « Nous sommes réunis pour que les écoliers soient des écoliers et qu’on ne les définisse pas en fonction de la situation ou de la fortune de leurs parents », explique-t-elle, au petit cercle qui s’est formé autour d’elle. Après de brefs applaudissements, les manifestants scandent « Pas d’enfant à la rue », avant de recommencer à parler entre eux.
De son côté, la Ville « ne s’engage à rien »
À l’issue de la rencontre avec quatre élues, dont Marie-Dominique Dreyssé (EELV) et Hülliya Turan (PC), l’adjointe à l’Éducation, les représentantes du collectif ressortent déçues. Sabine Carriou, présidente de l’association Les Petites Roues, raconte :
« La discussion tournait en rond. Marie-Dominique Dreyssé (EELV) a expliqué qu’avec 400 nouveaux demandeurs d’asile par mois, la Ville ne pouvait pas gérer. Apparemment, elle n’avait pas compris la teneur de la réunion. Seule Hülliya Turan a dit ne pas s’opposer à l’occupation d’une école. »
Sur des hébergements supplémentaires, la bénévole s’est heurtée à un mur. « Ils nous ont dit avoir déjà créé 194 places, que ce n’est pas leur compétence, et qu’en tant qu’élus ils ne peuvent pas prendre de décision », explique Sabine.
Quant aux demandes pour la scolarisation facilitée, « on nous a dit que tout était déjà mis en œuvre pour que tous les enfants soient scolarisés. En gros on ne nous croit pas », déplore-t-elle. Seule petite victoire : la gratuité de la cantine pourrait être envisagée, en discussion avec la Collectivité d’Alsace. Après ce premier rassemblement, qui a permis d’élargir la base de soutiens, « on a des idées d’actions, et la mobilisation continue », promet Sabine Carriou.
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