Enquêtes et actualité à Strasbourg et Eurométropole

Pour « apaiser » l’avenue du Rhin, la municipalité pourrait réduire la circulation des voitures à l’horizon 2030

Devant une soixantaine de personnes mardi 25 avril, Jeanne Barseghian a présenté son plan pour une avenue du Rhin « apaisée ». La réunion publique fut largement marquée par les craintes des acteurs économiques.

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prise de conscience

Première prise de parole sur la révolution des mobilités concernant la circulation dans l’est strasbourgeois pour Jeanne Barseghian. Ce mardi 25 avril, elle assurait une réunion publique sur la transformation de l’avenue du Rhin ; un « exercice de transparence » pour un « sujet complexe » que la maire promet de prendre « à bras le corps ». L’amorce de l’entreprise peut sembler timide et alambiquée. Mais son cap est ambitieux. D’ici 2030, l’avenue du Rhin pourrait passer à une circulation en 2×1 voie – contre 2×2 voies actuellement. Long de quatre kilomètres, l’axe relie la place de l’Étoile jusqu’au Port autonome de Strasbourg. 41 000 véhicules y circulent chaque jour dont 2 000 poids lourds.

Une ambition empruntée aux socialistes

L’avenue du Rhin est un « axe structurant » de Strasbourg qui conduit directement à l’Allemagne et dessert le Port autonome, « poumon économique » qui représente 10 000 emplois « indispensables ». Elle couvre un bassin de 50 000 habitants, entre le quartier de l’Étoile et celui du Port du Rhin, en passant par de nouveaux quartiers comme le Citadelle. Depuis 2009, l’avenue est considérée comme une « route à grande circulation« . Si l’avenue devait subir des « modification des caractéristiques techniques », l’État devrait y consentir.

Malgré deux arrêtés municipaux interdisant aux poids lourds d’y circuler entre 22h et 6h (2020), voire à toute heure pour ceux « en transit » (2012), les voisins ne constatent pas d’amélioration de leur cadre de vie. Faute de contrôle, l’interdiction n’est pas respectée.

En réalité, cette ambition d’y réduire de moitié la place réservée aux voitures est celle de l’équipe municipale précédente. En 2019, une mission d’information et d’enquête commandée par Roland Ries, formulait à ses adjoints 21 idées pour diminuer le trafic routier, améliorer la qualité de l’air et en faire un « axe apaisé ».

Un timide calendrier

Il conviendra donc pour la municipalité d’accorder les intérêts des acteurs économiques, ceux des usagers, des transfrontaliers et des riverains qui aspirent à une qualité de vie plus saine à proximité de l’avenue. Tout au long de la soirée, les élus évoquent le plan cyclable et le développement des trams « nord » et « ouest » ainsi que la prochaine mise en service de la ligne G comme autant d’alternatives douces au trafic (87% des automobilistes qui empruntent l’avenue du Rhin seraient seuls à bord de leurs voitures, selon les observations de la Ville).

Dans l’hémicycle quasi plein, Jeanne Barseghian a pour la première fois pris la parole sur les ambitions écologistes concernant l’avenue du Rhin. Photo : CB / Rue89 Strasbourg / cc

Un premier calendrier d’actions, timide et consensuel, a été annoncé par la maire. Un comité de suivi doit voir le jour début mai, une réunion publique doit avoir lieu à l’automne. À l’été 2023, des expérimentations seront menées pour qu’il soit plus facile de traverser l’avenue.

« Nous voulons que le temps d’attente aux feux soit réduit de 40% pour les piétons et cyclistes », précise Anna Trentini, cheffe de projet requalification du réseau autoroutier à la Ville. Dans le même temps elle assure qu’un suivi sera opéré concernant la qualité de l’air, du bruit et du trafic. Voilà pour le concret. Une heure après le début de la réunion d’information, le temps d’échange débute.

Témoignages policés

Dans la salle, Antoine Dubois, élu référent EE-LV Neudorf-Musau a la mission de distribuer la parole à celles et ceux qui le souhaitent. Il invite les acteurs économiques à « témoigner » les premiers. Anne-Marie Jean (Groupe Eurométropole écologiste et citoyenne), présidente du Port autonome et conseillère eurométropolitaine, explique être consciente des enjeux écologiques de l’apaisement de l’axe et fait valoir le « grand esprit de responsabilité » des 450 entreprises du Port.

Régine Aloird, présidente du Groupement des usagers des ports de Strasbourg (GUP), fait tout de suite savoir ses doutes. « Les industriels font déjà beaucoup d’efforts et la Région Grand Est est engagée auprès du Port autonome à assurer deux axes d’accès, je suis inquiète pour les entreprises lorsque vous dites vouloir réduire la taille de l’avenue à 2×1 voies », explique-t-elle. « L’accessibilité est la clé pour l’attractivité du port », abonde sa présidente, qui accepte de contribuer à l’effort mais demande des éléments chiffrés.

Le directeur général de la clinique Rhéna, située au Port du Rhin, fait lui aussi savoir ses questionnements. Certains patients ne peuvent pas utiliser le tram ou le vélo, notamment lorsque les soins sont ambulatoires (sans passer de nuit à la clinique). « Avec 110 000 personnes par an dont 44 000 urgences, il faut que l’accès pour les ambulances et les pompiers soient assuré », estime-t-il.

« Nous sommes au début du processus »

C’est au tour des transfrontaliers puis des voisins et usagers de l’avenue de s’exprimer. Les élus ne réagiront pas aux prises de paroles individuelles. « Nous sommes au début du processus, l’objectif était de réunir ce soir les parties prenantes mais le travail commencera vraiment dans les prochains mois », explique Jeanne Barseghian pour justifier ce choix.

Une habitante témoigne de la poussière noire qui se dépose sur ses fenêtres à cause de la pollution, des excès de vitesse qui rendent l’avenue dangereuse pour s’y promener avec des enfants. Un autre déplore l’absence de carte faisant état de la pollution au fil de l’avenue. « Je comprends bien les enjeux économiques, mais n’est-il pas prioritaire de privilégier la santé et l’environnement de vos concitoyens », raille un autre habitant. « Il faudrait changer de paradigme, redéfinir les enjeux ».

Des représentants d’associations cyclistes (CADR 67 et Strasbourg À Vélo) font valoir leurs demandes : des pistes cyclables séparées et des itinéraires propres et continus. Les élus Alain Jung (vice-président en charge des mobilités à l’Eurométropole, EELV) et Pierre Ozenne (adjoint chargé de la voirie, EELV) réitèrent les engagements municipaux et répètent, une fois encore, que le tram et le vélo sont des transports à privilégier et que le Port autonome est un acteur crucial de la Ville. Peu à peu, l’hémicycle se vide. « Je me demande pourquoi je suis venue », souffle une habitante de Neudorf avant de sortir de la salle.


#avenue du Rhin

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